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27/03/2025 | FRANCE | N°23TL02689

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 27 mars 2025, 23TL02689


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 août 2023, par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2304875 du 24 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente

du tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions du préfet de la Haute-Garonne porta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 août 2023, par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2304875 du 24 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions du préfet de la Haute-Garonne portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions des 1° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Cohen, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 24 octobre 2023 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2023, en tant que le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'un an ;

4) à ce qu'une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'État en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le magistrat désigné a annulé les décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français, puisque la première est entachée d'erreur dans l'appréciation du risque de fuite qu'il représentait, dès lors qu'il est entré régulièrement sur le territoire français et présentait des garanties de représentation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée en droit ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle ;

- la décision méconnaît les dispositions combinées des articles L. 200-1, L. 200-4, L. 233-1 et L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont les seuls textes qui lui étaient applicables en tant que membre de famille d'un ressortissant européen ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation sur l'entrée irrégulière prévue par le 1° de l'article L. 611-1 de ce code, dès lors que les ressortissants brésiliens ne sont pas soumis à l'obligation de détenir un visa ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision refusant un délai de départ volontaire :

- la décision est illégale car fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen circonstancié de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale car fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle est prise pour l'application d'une obligation de quitter le territoire français illégale ;

- elle est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance du 31 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2024.

M. A... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Fougères, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant brésilien entré en France, selon ses déclarations, le 5 mai 2022 sous couvert de son passeport brésilien, à l'âge de 24 ans, a été interpelé le 7 août 2023 et placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour. Par arrêté du 8 août 2023, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 24 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il porte refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français, a mis à la charge de l'État une somme de 1 250 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. A... contre cet arrêté. Par la présente requête, le préfet relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition de M. A... devant les services de police du 7 août 2023, que l'intéressé, dont la nationalité brésilienne le dispensait de l'obtention d'un visa, soutenait être entré en France par avion le 5 mai 2022, soit deux jours après son entrée sur le territoire européen, et disposer d'un passeport brésilien en cours de validité. Contrairement à ce que soutient pour la première fois en appel le préfet, rien ne permet d'indiquer que M. A... n'aurait pas présenté aux services de police ce passeport, qui comporte la preuve d'une entrée au Portugal le 3 mai 2022, alors que le procès-verbal de fin de retenue administrative du 8 août 2023 mentionne expressément que l'intéressé a justifié son identité par la production d'un " passeport émis par les autorités brésiliennes, numéro GD889938, valide du 15/03/2022 jusqu'au 14/03/2032 supportant sa photographie ". Or, il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui se borne pour l'essentiel à citer les dispositions des articles L. 611-1 et L. 612-3 que le préfet estimait applicables, que les seuls motifs de fait qui y sont mentionnés pour justifier de l'adoption d'une obligation de quitter le territoire français, outre que la vie privée et familiales de M. A... n'y faisait pas obstacle, sont que celui-ci " déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 5 mai 2022 ". Eu égard aux déclarations précises qu'avait effectuées l'intimé, lequel n'a jamais soutenu être entré irrégulièrement sur le territoire français, c'est à bon droit que celui-ci soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen circonstancié de sa situation personnelle.

4. Eu égard à l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français, les décisions subséquentes portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français sont privées de base légale.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé ses décisions du 8 août 2023 portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français. M. A..., en revanche, est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 8 août 2023 portant obligation de quitter le territoire français et que cette décision doit être annulée.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Cohen de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 2304875 du 24 octobre 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Article 3 : L'arrêté du 8 août 2023 du préfet de la Haute-Garonne est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.

Article 4 : L'État versera à Me Cohen une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... et à Me Léa Cohen.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025.

La rapporteure,

A. Fougères

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02689


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02689
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Aurore Fougères
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-27;23tl02689 ?
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