Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 2101640, n° 2101641 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Durand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder, dans le même délai, au réexamen de sa situation, dans les deux cas sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elle ne tient pas compte de ce qu'elle n'aura pas accès en Albanie aux soins que nécessite son état de santé, en raison de son appartenance à l'ethnie rom ; pour les mêmes motifs, elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- de plus, elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît, en outre, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- de plus, elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des autres décisions de l'arrêté litigieux ;
- elle est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2023 à 12 heures.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 23 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 9 octobre 1976, déclare être entrée en France, accompagnée de son époux, le 31 janvier 2019. Les demandes d'asile qu'ils ont présentées le 1er mars 2019 ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 avril 2019, rejets confirmés par la Cour nationale du droit d'asile le 30 août suivant. Le 11 juillet 2019, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à leur encontre une première mesure d'éloignement, qu'ils n'ont pas exécutée. Le 15 janvier 2020, ils ont sollicité leur admission au séjour en se prévalant de l'état de santé de Mme A.... Par deux arrêtés du 13 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et les a interdits de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.
2. Mme A... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2020 pris à son encontre.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit / (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France (...) sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessité une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé "
4. Pour refuser à Mme A... son admission au séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Garonne s'est approprié l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 4 juin 2020 selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Albanie. Il ressort des pièces médicales versées aux dossiers que Mme A... est porteuse d'un stimulateur cardiaque nécessitant une surveillance biannuelle adaptée. Toutefois, aucun des trois certificats médicaux produits, rédigés les 9, 24 et 30 décembre 2020 par deux cardiologues hospitaliers et son médecin généraliste, ne se prononcent sur l'accessibilité d'une telle surveillance dans le pays d'origine de l'intéressée. Si l'intéressée se prévaut de ce que l'accès effectif aux soins requis serait empêché par son appartenance à la communauté rom, les documents d'ordre général auxquels elle se réfère, ne sauraient, à eux seuls, suffire à établir qu'elle ne pourrait bénéficier, en raison de cette appartenance, de la surveillance cardiaque annuelle dont elle a besoin en Albanie. Dans ces conditions et ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour édicté à son encontre méconnaîtrait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision doit également être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Il résulte, en premier lieu, de ce qui a été exposé précédemment, notamment au point 4, que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale en conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
6. Il résulte, en deuxième lieu, également de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
8. Il est constant que l'appelante n'est présente sur le territoire français que depuis le 31 janvier 2019, soit depuis moins de deux ans à la date d'édiction de l'arrêté litigieux, alors qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans dans son pays d'origine. Si sa fille mineure, C..., est actuellement scolarisée en France et bien intégrée dans son collège, elle n'établit ni même n'allègue l'impossibilité ou la difficulté pour elle d'accéder à une scolarité normale en Albanie. Elle ne produit, par ailleurs, aucun élément ni pièce de nature à attester de l'existence d'autres attaches privées ni d'une intégration particulière sur le territoire français. Ainsi, et alors que rien ne s'oppose ainsi à ce que la cellule familiale qu'elle et son mari forment avec leur fille se reconstitue à l'étranger, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, doit également être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte, en premier lieu, de ce qui a été exposé précédemment, que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale en conséquence de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants ". En l'espèce, si Mme A... soutient que la décision fixant le pays de destination méconnaît ces stipulations dès lors que le traitement adapté à sa pathologie serait indisponible dans son pays d'origine, ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4. Pour les mêmes motifs, l'erreur manifeste d'appréciation dirigée contre cette décision doit aussi être écartée.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Il résulte, en premier lieu, de ce qui a été exposé précédemment, que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait privée de base légale en conséquence de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
12. En second lieu et aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
13. Ainsi qu'il a été dit au point 8, Mme A... ne dispose pas d'attaches privées ou familiales, d'une durée de résidence conséquente ni d'une intégration particulière en France, alors qu'elle et son mari ont déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'ils n'ont pas exécutée. Dans ces conditions, et alors qu'aucune considération humanitaire n'est en l'espèce caractérisée, le prononcé par le préfet d'une interdiction de retour en France de six mois à l'encontre des requérants était justifié tant dans son principe que dans sa durée. Par suite, le moyen tiré d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions citées au point précédent doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être écartées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01877