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27/03/2025 | FRANCE | N°23TL01151

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 27 mars 2025, 23TL01151


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2016.



Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis sa demande, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, au tribunal administratif de Montpellier.



Par un jugement n° 2120551 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2016.

Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis sa demande, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, au tribunal administratif de Montpellier.

Par un jugement n° 2120551 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, M. C..., représenté par Me Sérée de Roch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mars 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'exercice clos en 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification ne respecte pas les exigences de motivation prévues par les articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, dès lors que l'administration n'a pas renseigné dans un tableau les rectifications concernées, que la proposition de rectification ne comprend que des données chiffrées et des phrases stéréotypées ne permettant pas de comprendre l'origine des rehaussements et que le service ne pouvait motiver ses rehaussements par référence à la proposition de rectification adressée à la société MCTravaux faute de l'avoir annexée à la leur ;

- ces manquements, qui portent atteinte aux droits de la défense, sont de nature à entraîner la décharge des impositions en application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- la somme inscrite au crédit de son compte-courant d'associé ne constitue pas un revenu distribué dès lors qu'elle a pour origine une convention de prêt, celui-ci ayant été consenti par un ami pour faire face aux difficultés financières de la société, de sorte que l'opération doit être regardée comme une cession de dette, laquelle n'est soumise à aucune formalité d'enregistrement ;

- la somme inscrite à son compte-courant d'associé ne peut être regardée comme ayant été mise à sa disposition, dès lors que la trésorerie de la société à la clôture de l'exercice n'en permettait pas l'appréhension ;

- le taux de l'intérêt de retard de 0,40 % est supérieur au taux légal et constitue une sanction contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas motivée et est injustifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fougères,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée MCTravaux, qui réalise des prestations de services liées au secteur des équipements routiers à Portet (Haute-Garonne) et dont M. C... est le gérant et l'associé, a fait l'objet en 2018 d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service a procédé à la réintégration dans les résultats de la société d'un apport en compte courant injustifié. En conséquence, le service a notifié à M. C..., par proposition de rectification du 25 juin 2018, son intention de mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2015 et 2016, assorties de pénalités pour manquement délibéré. M. C... fait appel du jugement du 20 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impositions mis à sa charge au titre de la seule année 2016.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ". Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, de manière à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

3. La proposition de rectification que le service a adressée le 25 juin 2018 à M. C... comporte les mentions exigées par les dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, en particulier les références des textes fondant les rectifications envisagées, les bases d'imposition, les périodes et les montants rappelés, qui sont retracés dans un tableau final contrairement à ses allégations. S'agissant des motifs du rehaussement contesté, cette proposition mentionne que l'inscription, qui n'a pu être justifiée, de la somme de 55 433,64 euros au crédit du compte courant d'associé de M. C... au sein de la société MCTravaux, constitue un revenu distribué au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, devant faire l'objet d'une imposition en son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et renvoie aux extraits pertinents de la proposition de rectification adressée à la société le 18 juin 2018 qui y sont annexés, qui font eux-mêmes état de ce qu'il n'est pas justifié qu'un prêt entre M. C... et M. A... serait à l'origine de cette inscription. La circonstance que l'administration n'a pas joint in extenso la proposition de rectification adressée à la société, ce qu'elle n'était pas tenue de faire, n'est pas de nature à entacher de défaut de motivation la proposition de rectification adressée à M. C..., dès lors que les extraits annexés étaient suffisants pour comprendre la motivation des rehaussements. L'ensemble de ces éléments permettaient au contribuable de présenter utilement ses observations, ce qu'il a d'ailleurs fait par courrier du 24 août 2018. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification et de la méconnaissance des droits de la défense doivent être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

5. En premier lieu, il ressort des éléments versés au dossier, en particulier des relevés bancaires de la société MCTravaux produits, qu'à la suite de l'encaissement sur les comptes de cette société de deux chèques d'un montant de 31 433,64 euros, le 22 mars 2016, et d'un montant de 24 000 euros, le lendemain, le compte courant d'associé de M. C... a été crédité d'une somme de 55 433,64 euros le 31 mars 2016. Pour combattre la présomption de distribution instituée par les dispositions précitées, l'appelant soutient que ces sommes ont été versées à la société par M. A..., un ami, lequel lui avait consenti un prêt de 55 433,64 euros pour l'aider à mettre fin aux difficultés de trésorerie de la société, selon convention du 15 mars 2016 versée au dossier, et que l'inscription à son compte courant d'associé s'assimile à une cession de dette, laquelle n'est soumise à aucune formalité. Toutefois, d'une part, l'opération décrite, qui conduit à modifier le créancier et non le débiteur de la somme, ne constitue pas une cession de dette mais bien une cession de créance, qui n'a pas fait l'objet de la signification prévue à l'article 1690 du code civil. D'autre part et en tout état de cause, alors que l'origine des chèques encaissés par la société n'est pas établie par les pièces du dossier, et qu'il n'est pas davantage justifié du remboursement des sommes par M. C... au profit de M. A..., le contrat de prêt versé au dossier, faute d'enregistrement ou de tout autre élément permettant de déterminer de manière certaine la date de son adoption, est insuffisamment probant pour justifier de la réalité d'un prêt. Dès lors, l'intéressé n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les sommes inscrites à son compte courant d'associé sont la contrepartie d'une dette que la société vérifiée aurait contractée à son égard, et que cette somme ne correspondrait pas à la mise à disposition d'un revenu. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration l'a imposée entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

6. En second lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ".

7. Pour établir que l'état de la trésorerie de la société MCTravaux ne permettait pas le prélèvement de la somme inscrite au compte courant d'associé de M. C..., celui-ci se borne à produire les relevés bancaires de la société des mois de mars et décembre 2016, qui révèlent des soldes s'élevant seulement à 17 481,40 euros et 12 423,25 euros au 31 mars 2016 et des soldes négatifs à la clôture de l'exercice le 31 décembre de la même année. Toutefois, ce faisant, l'intéressé ne justifie pas que l'état de la trésorerie de la société MCTravaux a fait obstacle à tout prélèvement de la somme de la date de son inscription au compte courant d'associé le 31 mars 2016 à la fin de l'année 2016. M. C... ne démontre pas, dès lors, ne pas avoir eu la disposition de la somme de 55 433,64 euros au cours de l'année 2016.

En ce qui concerne les pénalités :

8. En premier lieu, aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts : " Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ". Les intérêts de retard prévus par le premier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une sanction mais d'une réparation du préjudice subi par le Trésor, à raison du non-respect par le contribuable de ses obligations déclaratives même pour la part qui excèderait l'application du taux de l'intérêt légal. Il en résulte que M. C... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance selon laquelle son taux supérieur au taux d'intérêt légal constituerait une sanction dès lors qu'il n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Par suite, les intérêts de retard qui ont été mis à sa charge, n'entrent pas dans le champ d'application du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".

10. La proposition de rectification adressée à M. C... vise les dispositions citées au point précédent et expose les motifs pour lesquels l'administration a retenu la caractérisation de manquements délibérés. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les pénalités n'auraient pas été motivées manque en fait et doit être écarté.

11. En troisième lieu, pour justifier l'application de pénalités pour manquement délibéré, le vérificateur retient non seulement l'absence de justification de l'apport au compte courant d'associé de la somme de 55 433,64 euros mais également le paiement par la SARL MCTravaux de dépenses personnelles de M. C.... Eu égard à la pluralité et à l'importance des rehaussements, et alors que l'intéressé ne pouvait ignorer le caractère imposable de ces sommes, c'est à bon droit que l'administration fiscale a assorti ses rehaussements de pénalités pour manquement délibéré.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025.

La rapporteure,

A. Fougères

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23TL01151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01151
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Aurore Fougères
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : SEREE DE ROCH

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-27;23tl01151 ?
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