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25/03/2025 | FRANCE | N°24TL00297

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 25 mars 2025, 24TL00297


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 17 août 2023, par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, su

bsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 17 août 2023, par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir et durant le temps nécessaire à la délivrance du titre de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2303516 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté de la préfète du Gard du 17 août 2023, enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, sous réserve d'un changement de droit et de fait dans la situation de l'intéressée et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 février 2024 et le 12 avril 2024, le préfet du Gard demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 janvier 2024.

Il soutient que :

- son arrêté du 17 août 2023 ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'intéressée ne justifie pas de liens privés et familiaux en France, compte tenu de l'isolement de la cellule familiale, et en l'absence d'obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Arménie, pays d'origine de Mme A... C... et de son époux, et qu'elle ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française ;

- les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté attaqué par Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2024, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Bellotti, conclut au rejet de la requête à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- l'arrêté de la préfète du Gard du 17 août 2023 comporte des inexactitudes matérielles et est entaché d'erreur de droit et d'erreur dans la qualification juridique des faits quant à la continuité de son séjour en France, à l'intensité, la stabilité et l'ancienneté de ses liens personnels et familiaux en France, à son intégration sur le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale ;

- elle n'est pas motivée ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale ;

- elle n'est pas motivée.

Par ordonnance du 2 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

- les observations de Me Bellotti, représentant Mme C... épouse B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante arménienne, née le 26 août 1996, est entrée en France le 5 septembre 2016, selon ses déclarations. Elle a sollicité, le 6 octobre 2021, la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 17 août 2023, la préfète du Gard a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 17 août 2023 et a enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, sous réserve d'un changement de droit et de fait dans la situation de l'intéressée. Le préfet du Gard relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal

2. Aux termes de l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a déposé une demande d'asile le 15 septembre 2016, et a fait l'objet d'un arrêté de transfert aux autorités italiennes le 30 janvier 2017, auquel elle s'est soustraite en ne se présentant pas à l'embarquement, et qui n'a par la suite pas été exécuté. Mme C... s'est mariée avec M. B..., ressortissant arménien alors titulaire d'un titre de séjour, à Alès le 6 décembre 2016, un premier enfant étant né de cette union le 15 avril 2017 à Alès et un second enfant le 31 octobre 2021, à Alès également, et que M. B... a sollicité le bénéfice d'une mesure de regroupement familial sur place en faveur de son épouse le 9 juin 2017, rejeté le 30 janvier 2018 par une décision devenue définitive. Mme C..., qui ne démontre pas être entrée sur le territoire français le 5 septembre 2016 comme elle l'allègue, a toutefois présenté une demande d'asile en France le 15 septembre 2016. Si l'intéressée, alors mère d'un enfant en bas âge, ne se prévaut d'aucune pièce attestant de sa présence en France en 2018, elle produit des documents divers, tenant notamment à des remboursements d'actes médicaux et achats en pharmacie, au suivi médical de ses grossesses, à ses démarches en vue de l'obtention de l'asile ou d'un titre de séjour, à ses liens avec l'école où est scolarisé son aîné à compter de décembre 2019, qui attestent de sa présence en France à compter de septembre à décembre 2016, ainsi qu'en 2017, et de 2019 jusqu'à l'édiction de l'arrêté attaqué. Mme C... doit ainsi être regardée, par ce faisceau d'indices, comme justifiant de la continuité de son séjour en France à compter de septembre 2016, et de sa résidence habituelle sur le territoire français à compter de cette date. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme C... réside avec sa famille à Saint-Ambroix, où est scolarisé l'un de ses enfants et où travaille son époux, lequel est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 18 juin 2025, dans l'exploitation d'un commerce d'alimentation générale, cette activité étant déclarée au registre du commerce et des sociétés depuis 2017. Compte tenu des circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme C... et à sa situation familiale, la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, en prenant cette décision, le préfet du Gard a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Gard n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 17 août 2023.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Gard est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 200 (mille deux cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... C... épouse B....

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°24TL00297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00297
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : BELLOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;24tl00297 ?
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