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25/03/2025 | FRANCE | N°23TL01577

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 25 mars 2025, 23TL01577


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile de moyens Cerix a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision n° 2020-2457 du 27 août 2020 du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie rejetant sa demande d'installation d'un équipement matériel lourd d'imagerie par résonance magnétique sur le site de la clinique du Vallespir à Céret, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, d'enjoindre à l'agence rég

ionale de santé Occitanie de procéder à un réexamen de sa demande et d'en tirer toutes les cons...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de moyens Cerix a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision n° 2020-2457 du 27 août 2020 du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie rejetant sa demande d'installation d'un équipement matériel lourd d'imagerie par résonance magnétique sur le site de la clinique du Vallespir à Céret, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, d'enjoindre à l'agence régionale de santé Occitanie de procéder à un réexamen de sa demande et d'en tirer toutes les conséquences de droit, et de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie et de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2103346 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie du 27 août 2020, ensemble la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Cerix, a enjoint au directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie de réexaminer la demande d'autorisation présentée par la société Cerix pour l'installation d'un équipement matériel lourd d'imagerie par résonance magnétique sur le site de la Clinique du Vallespir à Céret, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie le versement à la société Cerix d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2023 et le 21 juin 2024, l'agence régionale de santé Occitanie, représentée par Me Porte, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n°2103346 du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2023 ;

2°) de rejeter la demande de la société Cerix d'annulation de sa décision du 27 août 2020 portant rejet de la demande de cette dernière d'exploiter un appareil d'imagerie radio magnétique sur le site de la clinique du Vallespir, ensemble la décision du 30 avril 2021 par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision ;

3°) de rejeter subséquemment l'ensemble des autres demandes formulées par la société Cerix ;

4°) de mettre à la charge de la société Cerix une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de fait et une erreur de droit en n'accueillant pas la fin de non-recevoir soulevée en première instance, tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Cerix ;

- la société Cerix ne justifie pas d'un intérêt légitime lui donnant qualité pour agir contre la décision litigieuse, compte tenu en particulier du caractère frauduleux de sa demande ;

- le moyen d'annulation retenu par les premiers juges, tiré de l'erreur de droit entachant la décision, n'est pas fondé ; le tribunal a fait une fausse interprétation des termes du schéma régional de santé et de la décision litigieuse ;

- le tribunal a dénaturé les écritures de la société Cerix et méconnu le principe de l'immutabilité du litige en statuant au-delà des demandes formulées par la société, en examinant un moyen qui n'avait pas été soulevé ;

- le tribunal a commis une erreur de droit, dès lors qu'en estimant que l'organisation des mutualisations et des partenariats dans un cadre public-privé ne figure pas parmi les objectifs qualificatifs du schéma régional de santé d'Occitanie, il a méconnu les articles L. 1434-4 et R. 1434-7 du code de la santé publique ;

- subsidiairement, elle aurait pris la même décision en se fondant sur un autre motif, tiré du caractère mensonger d'allégations du dossier selon lesquelles l'équipement d'imagerie par résonance magnétique serait installé dans les locaux de la clinique du Vallespir et, partant, de l'incompatibilité du projet de la société Cerix avec les critères de priorisation définis dans les objectifs qualitatifs du schéma régional de santé, au nombre desquels l'adossement du projet à un ou plusieurs établissements de santé ayant d'importants besoins d'imagerie ; cette substitution de motif n'est pas de nature à priver la société Cerix d'une garantie ;

- les autres moyens soulevés par la société Cerix en première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 novembre 2023 et le 2 juillet 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Cerix, représentée par Me Contis conclut à titre principal au rejet de la requête, subsidiairement, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, à l'annulation de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie du 27 août 2020 et de la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté le recours hiérarchique, et, dans le dernier état de ses écritures, à ce que soit mise à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie une somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement est régulier ;

- elle justifie d'un intérêt pour agir contre la décision attaquée ;

- le motif d'annulation de la décision par les premiers juges est fondé ;

- la décision est entachée d'erreurs de droit en ce que l'agence régionale de santé a exigé du projet non seulement qu'il soit compatible avec les objectifs du plan régional de santé mais également qu'il réponde à ces objectifs, et en ce qu'elle s'est fondée sur des conditions qui ne figurent pas dans les objectifs qualitatifs et quantitatifs de l'offre de soins du projet régional de santé pour le volet imagerie ;

- la décision est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation quant au besoin en équipement d'imagerie par résonance magnétique dans la zone de Céret, identifié dans le cadre des travaux d'élaboration du projet régional de santé 2018 - 2022 et quant à l'importance des partenariats publics-privés recherchés dans la mesure ou le dossier de demande d'autorisation fait apparaître les partenariats historiques noués avec l'hôpital et le Samu au titre des activités d'imagerie en relevant et les collaborations conventionnelles avec les structures hospitalières.

Par ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Contis, représentant la société Cerix.

Une note en délibéré présentée pour l'agence régionale de santé Occitanie a été enregistrée le 14 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 août 2018, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a adopté le projet régional de santé de la région Occitanie. Par un arrêté du 20 décembre 2019, cette même autorité a arrêté le bilan quantifié de l'offre de soins, lequel fait apparaître en son annexe 16 la possibilité en 2020 de déposer des demandes d'autorisation à hauteur de deux implantations et de deux appareils d'imagerie par résonance magnétique (IRM) supplémentaires sur la zone des Pyrénées-Orientales. Trois promoteurs ont déposé une demande d'autorisation d'implantation et d'exploitation d'un équipement matériel lourd d'imagerie par résonance magnétique : la société Cerix, pour son centre d'imagerie implanté sur le site de la clinique du Vallespir à Céret, le groupement d'intérêt économique Diagnoscan pour le centre d'imagerie implanté sur le site de la clinique mutualiste La Catalane à Perpignan et la société Imagerie Conflent Canigou, en cours de constitution, pour le centre d'imagerie implanté sur le site de la clinique Saint-Michel à Prades. Par décisions du 27 août 2020, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a accordé à la société Imagerie Conflent Canigou et au groupement Diagnoscan l'autorisation d'exploiter un équipement d'imagerie par résonance magnétique respectivement sur le site de la clinique Saint-Michel à Prades et sur le site de la clinique mutualiste La Catalane à Perpignan. Par décision du même jour, cette même autorité a rejeté la demande de la société Cerix aux fins d'implantation d'un tel équipement. La société Cerix a formé un recours hiérarchique auprès du ministre des solidarités et de la santé à l'encontre de ces décisions. Par jugement du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 27 août 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a rejeté sa demande d'autorisation, ensemble la décision par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision, et a enjoint le réexamen de la demande d'autorisation de la société Cerix dans un délai de trois mois compter de la notification du jugement. L'agence régionale de santé Occitanie relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges ont fondé leur décision d'annulation sur ce que le premier motif de la décision, tenant à ce que la demande ne permettait pas de répondre aux principaux objectifs qualitatifs de l'offre de soins du projet régional de santé, reposait sur trois éléments dont deux, relevant de l'adossement à des établissements non détenteurs de l'autorisation d'activités de soins pour le traitement du cancer et des pathologies neurologiques et cardiologiques, et de la recherche insuffisante d'un partenariat ou coopération public-privé, étaient entachés d'erreur de droit. Les premiers juges ont considéré qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'agence régionale de santé Occitanie aurait pris la même décision en ne se fondant pas sur ces éléments. Or le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le directeur général de l'agence régionale de santé, en fondant sa décision, parmi d'autres motifs, sur l'insuffisante recherche d'un partenariat ou coopération public-privé, alors que le caractère public-privé du cadre de coopération avec des structures réalisant des activités fortement demandeuses d'imagerie n'était pas exigé par le projet régional de santé au titre des objectifs qualitatifs de l'offre de soins, n'avait pas été invoqué par la société Cerix qui s'était bornée à soulever une erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, les premiers juges, en soulevant d'office un tel moyen, qui n'est pas d'ordre public, ont entaché leur jugement sur ce point d'irrégularité. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité soulevés par l'agence régionale de santé Occitanie, le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2023 doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la société Cerix devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l'agence régionale de santé Occitanie :

4. Eu égard à l'objet de la décision attaquée, qui refuse d'accorder l'autorisation sollicitée par la société Cerix, cette dernière justifie d'un intérêt pour agir contre cette décision, sans que l'agence régionale de santé Occitanie puisse utilement invoquer à cet égard le caractère frauduleux de la demande d'autorisation.

En ce qui concerne le fond :

5. Aux termes de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à (...) l'installation des équipements matériels lourds ". Aux termes de l'article L. 6122-14 du même code : " Sont considérés comme équipements matériels lourds au sens du présent titre les équipements mobiliers destinés à pourvoir soit au diagnostic, à la thérapeutique ou à la rééducation fonctionnelle des blessés, des malades et des femmes enceintes, soit au traitement de l'information et qui ne peuvent être utilisés que dans des conditions d'installation et de fonctionnement particulièrement onéreuses ou pouvant entraîner un excès d'actes médicaux. La liste de ces équipements est établie par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article L. 6122-10-1 du même code : " Le schéma régional ou interrégional de santé et les décisions d'autorisation d'activités ou d'équipements matériels lourds sont susceptibles d'un recours hiérarchique auprès du ministre chargé de la santé, qui statue dans un délai maximum de six mois, après avis du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale. Ce recours hiérarchique ne constitue pas un préalable obligatoire au recours contentieux. ". Aux termes de l'article R. 6122-26 du même code : " Sont soumis à l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1 les équipements matériels lourds énumérés ci-après : 2° Appareil d'imagerie ou de spectrométrie par résonance magnétique nucléaire à utilisation clinique ; (...). ". Aux termes de l'article R. 6122-27 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 est accordée par le directeur général de l'agence régionale de santé. (...). ". Aux termes de l'article R. 6122-34 du code de la santé publique : " Une décision de refus d'autorisation ne peut être prise que pour l'un ou plusieurs des motifs suivants : (...) 3° Lorsque le projet n'est pas compatible avec les objectifs du schéma d'organisation des soins (...)".

6. Il résulte de ces dispositions que lorsque le schéma régional applicable prévoit l'installation d'un nombre d'équipements matériels lourds moindre que celui des demandes présentées qui répondent aux critères prévus à l'article L. 6122-2 du code de la santé publique et auxquelles aucun autre motif de refus énoncé à l'article R. 6122-34 du code de la santé publique ne peut être opposé, il appartient à l'autorité administrative, dans le cadre de son pouvoir général d'appréciation, d'apprécier les mérites respectifs des candidatures au regard des besoins de santé de la population identifiés par le schéma régional applicable.

7. La décision attaquée relève d'abord que le bilan des objectifs quantifiés de l'offre de soins pour les équipements matériels lourds en région Occitanie permet d'autoriser deux nouvelles implantations et deux nouveaux appareils d'imagerie par résonance magnétique dans la zone des Pyrénées-Orientales, et que, compte tenu du nombre de trois demandes déposées sur le territoire concerné, l'agence régionale de santé est tenue de procéder à l'appréciation des mérites respectifs de chacune des demandes afin d'identifier le projet répondant le mieux aux besoins de santé de la population du territoire et aux objectifs du schéma régional de santé. La décision attaquée se fonde ensuite sur ce que la clinique du Vallespir, à laquelle doit être adossé l'équipement d'imagerie par résonance magnétique, se situe à moins de 40 minutes de l'agglomération perpignanaise qui disposait déjà de 7 équipements du même type. Au regard des principaux objectifs qualitatifs de l'offre de soins, elle se fonde en outre sur ce que la clinique du Vallespir et les établissements du bassin de vie, principalement autorisés dans les activités de soins de suite et de réadaptation, n'exerçaient pas les activités de soins de traitement du cancer, des pathologies neurologiques et cardiologiques, en tant que détenteur de l'autorisation de l'activité de soins, sur l'insuffisante recherche d'un partenariat ou coopération public-privé, la coopération prévue étant principalement construite entre professionnels du secteur privé du groupe, et sur l'absence de proposition en matière de développement d'une activité interventionnelle sur le site de la clinique du Vallespir.

8. En premier lieu, compte tenu de ce que, ainsi qu'il a été dit au point 6, il appartenait à l'agence régionale de santé Occitanie d'apprécier les mérites respectifs des offres, au regard des besoins de santé de la population identifiés par le schéma régional applicable, la société Cerix n'est pas fondée à soutenir qu'en examinant si sa demande d'autorisation répondait le mieux aux objectifs inscrits dans le volet imagerie du schéma régional de santé, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie aurait entaché la décision attaquée d'erreur de droit.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 6122-25 du code de la santé publique : " Sont soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1 les activités de soins, y compris lorsqu'elles sont exercées sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation, énumérées ci-après : (...) 10° Chirurgie cardiaque ; 11° Activités interventionnelles sous imagerie médicale, par voie endovasculaire, en cardiologie ; 12° Neurochirurgie ; 13° Activités interventionnelles par voie endovasculaire en neuroradiologie ; (...) 18° Traitement du cancer ; (...) ".

10. Le volet imagerie du schéma régional de santé du projet régional de santé dispose que : " Les critères de priorisation comporteront l'adossement à des structures réalisant des activités fortement demandeuses d'imagerie, c'est-à-dire ayant : - une activité de cancérologie, de cardiologie ou de neurologie, - une activité de cancérologie réalisant de nombreux actes thérapeutiques sous guidage de l'imagerie en coupe (ponction sur sein sous IRM - traitement du cancer et de la douleur sous scanner), - une activité d'urgence autorisée (couverture TDM pour les urgences et IRM pour la neurologie en urgence). ". Certes, comme le soutient la société Cerix, le schéma n'exige pas par lui-même l'adossement de la structure demanderesse à un établissement titulaire des autorisations de soins pour les activités identifiées comme fortement demandeuses d'imagerie. Toutefois, dès lors que le schéma régional de santé prévoit comme critère de priorisation un adossement à des structures réalisant des activités fortement demandeuses d'imagerie, l'agence régionale de santé Occitanie pouvait se fonder sur la détention ou non d'autorisations de soins pour ces activités comme élément d'appréciation du projet au regard de ce critère. Dès lors, c'est sans commettre de droit que l'agence régionale de santé Occitanie a tenu compte de la non-détention de telles autorisations de soins par l'établissement auquel la société Cerix a entendu adosser l'équipement envisagé.

11. En troisième lieu, si le schéma régional de santé du projet régional de santé fixe parmi les objectifs qualitatifs de l'offre de soins, celui de la recherche de la constitution ou la consolidation d'équipes territoriales de radiologie dans le cadre de groupements hospitaliers de territoires ou dans le cadre de coopérations structurées et formalisées entre professionnels libéraux et hospitaliers, il ne fait pas état du caractère public-privé du cadre dans lequel cette recherche doit s'inscrire. Un tel cadre étant seulement évoqué parmi les ambitions du schéma, en préambule. Dès lors la décision attaquée, en tant qu'elle se fonde sur l'insuffisante recherche d'un partenariat public-privé, est entachée d'erreur de droit, ainsi que le fait valoir en appel la société Cerix.

12. En quatrième lieu, il résulte du schéma régional de santé du projet régional de santé que le développement de la radiologie interventionnelle est un des deux axes de ses priorités. Dès lors, l'agence régionale de santé Occitanie n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant, pour prendre la décision attaquée, sur l'absence de proposition en matière de développement d'une telle activité.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article D. 6121-6 du code de la santé publique : " Les objectifs quantitatifs de l'offre de soins qui sont précisés par le schéma régional ou interrégional de santé portent sur les activités de soins et les équipements matériels lourds définis respectivement à l'article R. 6122-25 et R. 6122-26. ". Aux termes de l'article D. 6121-9 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Les objectifs quantitatifs de l'offre de soins mentionnés à l'article D. 6121-6 sont exprimés, zones définies au 2° du I de l'article L. 1434-3, pour les équipements matériels lourds : -en nombre d'implantations disposant d'un équipement matériel lourd déterminé ; -en nombre d'appareils par équipement matériel lourd./ Les objectifs peuvent en outre être exprimés de la manière suivante :-temps maximum d'accès, dans une zone de santé, à un établissement disposant de l'un des équipements matériels lourds mentionnés à l'article R. 6122-26 ; -temps maximum d'attente pour les rendez-vous d'examens programmés pour les équipements matériels lourds mentionnés aux 2° et 3° de l'article R. 6122-26. ". Il résulte de ces dispositions que le schéma régional de santé doit comporter, pour les équipements lourds, des objectifs quantitatifs liés au nombre d'implantations disposant d'un tel équipement et au nombre d'appareils, tandis que les objectifs exprimés au regard du temps maximum d'accès ou du temps maximum d'attente pour les rendez-vous présentent un caractère facultatif.

14. En l'espèce, le schéma régional de santé du projet régional de santé pour l'Occitanie ne prévoit pas d'objectif relatif au temps maximum d'accès à l'équipement concerné. Dès lors, l'agence régionale de santé ne pouvait se fonder, pour rejeter la demande de la société Cerix, sur ce que la clinique du Vallespir, à laquelle doit être adossé l'équipement d'imagerie par résonance magnétique, se situe à moins de 40 minutes de l'agglomération perpignanaise qui disposait déjà de sept équipements du même type. Par suite, la décision attaquée est, au regard de ce motif, entachée d'erreur de droit.

15. Il ne résulte pas de l'instruction que l'agence régionale de santé Occitanie aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur les seuls motifs évoqués aux points 10 et 12.

16. En dernier lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

17. L'agence régionale de santé Occitanie soutient qu'un autre motif était de nature à fonder légalement la décision du 27 août 2020, tiré du caractère frauduleux de la demande de la société Cerix en ce que cette demande contenait de fausses informations quant à l'installation de l'équipement dans les locaux de la clinique du Vallespir et à l'accord de cet établissement pour le dépôt de la demande d'autorisation. Certes, lors de la séance du comité national de l'organisation sanitaire et sociale au cours de laquelle les recours hiérarchiques formés par la société Cerix à l'encontre des trois décisions du 27 août 2020 rappelées au point 1er, ainsi que cela ressort du procès-verbal de séance, le directeur du groupe Elsan, propriétaire de la clinique du Vallespir, a fait état d'un partenariat de ce groupe avec des radiologues pour mener à bien le projet concurrent d'implantation d'un équipement d'imagerie par résonance magnétique à Prades, et de ce qu'il n'avait jamais été saisi d'une demande d'implantation sur le site de la clinique du Vallespir par la société Cerix. Toutefois, au cours de cette même séance, un radiologue identifié comme co-gérant de la clinique du Vallespir, est intervenu en faveur du projet de la société Cerix, indiquant que la directrice de la clinique avait exprimé le souhait de l'attribution de l'IRM à la clinique à plusieurs reprises. En outre est versé aux débats un compte-rendu de la réunion de la commission médicale d'établissement de la clinique du Vallespir du 14 février 2018, au cours de laquelle a été transmise, aux membres de la commission, parmi lesquels la directrice de la clinique, l'information, de la part des radiologues de la clinique, de la préparation d'un dossier de demande d'autorisation d'installation d'un appareil d'imagerie par résonance magnétique en présence d'une " fenêtre favorable ". Bien qu'antérieur à la publication par l'agence régionale de santé Occitanie du bilan quantifié de l'offre de soins, ce document traduit la position alors favorable des membres de la commission médicale à l'installation de l'équipement concerné. Dès lors, en dépit de ce que la société Cerix ne justifie pas, en l'état des pièces du dossier, d'un accord formalisé avec la clinique du Vallespir, la production d'un tel document n'étant d'ailleurs pas exigée dans le dossier de demande, l'intention de tromper l'administration n'est pas établie, en particulier alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Cerix était informée, au moment du dépôt de sa demande et au cours de l'instruction de celle-ci, de ce que le gestionnaire de la clinique n'était pas d'accord pour la réalisation du projet. En conséquence, le caractère frauduleux de la demande d'autorisation de la société Cerix n'est pas établi. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la substitution de motifs sollicitée par l'agence régionale de santé Occitanie.

18. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la société Cerix en première instance et en appel, que la décision par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a rejeté la demande d'autorisation de la société Cerix doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Il n'est pas contesté que l'agence régionale de santé Occitanie n'a pas exécuté l'injonction, par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2023, de procéder au réexamen de la demande de la société Cerix. Dans ces circonstances, le présent arrêt implique qu'il soit procédé à ce réexamen dans un délai de 4 mois à compter de sa notification.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Cerix, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par l'agence régionale de santé Occitanie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie une somme de 1 500 euros à verser à la société Cerix en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°2103346 du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2023 est annulé.

Article 2 : La décision du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie n° 2020-2457 du 27 août 2020 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à l'agence régionale de santé de procéder au réexamen de la demande présentée par la société Cerix en vue de l'installation d'un équipement matériel d'imagerie par résonance magnétique sur le site de la clinique du Vallespir à Céret dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'agence régionale de santé Occitanie versera à la société Cerix une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'agence régionale de santé Occitanie est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'agence régionale de santé Occitanie et à la société civile de moyens Cerix.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL01577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01577
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-09-02 Santé publique. - Administration de la santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CONTIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;23tl01577 ?
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