Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination.
Par un jugement n° 2202327 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2023, Mme C..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté a omis de viser et de répondre à son moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ajoutant une condition non prévue par ce texte ;
- les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ajoutant une condition de ressources propres qui n'existe pas à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a entaché sa décision de refus de séjour d'un défaut d'examen réel et complet ;
- il a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté et s'en remet, pour les autres moyens, à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 15 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 décembre 2024.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Teulière, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née en 1980, est entrée sur le territoire français le 24 avril 2014 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités italiennes. De son union avec M. B... C..., dont elle a divorcé en 2004, est né un enfant le 14 décembre 2001. Mme C... a sollicité, le 10 février 2022, la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 2 mars 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme C... relève appel du jugement n° 2202327 du 18 juillet 2022, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'instruction que le tribunal a omis de viser et d'analyser le moyen de Mme C... tiré de ce que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ajoutant à cet article une condition de ressources propres qu'il ne comporte pas. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit donc être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. L'arrêté contesté vise, notamment, les dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a été fait application. Il fait également état des éléments propres à la situation personnelle et familiale de Mme C..., en mentionnant notamment qu'en dépit de la présence sur le territoire de sa fille majeure, de nationalité française, elle ne démontre pas se trouver dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine où elle a vécu une grande partie de sa vie et ne justifie pas y être isolée. Dès lors, et alors même qu'il ne vise pas l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et permettant à la requérante d'en contester utilement le bien fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.
5. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté critiqué, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de l'Hérault ne se serait pas livré à un examen réel et complet de la situation de Mme C... avant d'édicter l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen suffisant doit également être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application de ces dispositions et stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. D'une part, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de l'Hérault n'a pas fondé la décision de refus de séjour qu'il a opposée à la requérante sur le constat d'un défaut de ressources propres de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'il aurait commise en ajoutant une condition ne figurant pas à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point précédent, ne peut qu'être écarté.
8. D'autre part, Mme C... se prévaut de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, de ses conditions d'existence, de son insertion dans la société française et de l'ancrage en France de ses liens familiaux. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C... n'établit pas la régularité de son entrée en France au cours de l'année 2014, ni ne justifie avoir obtenu un visa de long séjour. Si elle a produit des avis de non-imposition établis à compter de l'année 2016, des documents relatifs à l'obtention de l'aide médicale de l'Etat, des pièces médicales ainsi que des attestations d'hébergement récentes, ces éléments ne suffisent pas à établir la continuité de son séjour en France alors qu'elle n'a demandé son admission au séjour pour la première fois que le 10 février 2022. Si elle se prévaut particulièrement de la relation qu'elle entretient avec sa fille majeure Fatima, de nationalité française, il est constant que la garde de celle-ci, lorsqu'elle était mineure, a été confiée à ses grands-parents maternels par jugement de kafala en date du 20 décembre 2005. Dans ces conditions, ni les attestations de sa fille, ni les photographies produites ne sauraient établir l'intensité des liens l'unissant à sa fille. La requérante n'établit pas davantage qu'elle serait isolée en cas de retour au Maroc où elle a auparavant vécu et où réside encore une sœur. Il suit de là, et alors même qu'une partie de sa fratrie et son père ont acquis la nationalité française et en dépit de ses efforts d'insertion sociale par un engagement associatif et l'apprentissage de la langue française, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle disposerait en France de liens personnels et familiaux tels qu'un refus de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
10. Eu égard à la situation de la requérante telle que précédemment exposée, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation après avoir estimé que l'intéressée ne justifiait pas, par les éléments exposés, de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 mars 2022.
Sur le surplus de la demande de Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier et de ses conclusions d'appel :
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de première instance de Mme C... à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées, de même que le surplus de ses conclusions d'appel.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202327 du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président de chambre,
M. Teulière, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
Le rapporteur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23TL01814