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18/03/2025 | FRANCE | N°24TL00114

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 mars 2025, 24TL00114


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre mois.



Par un jugement n° 2300709 du 23 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif

de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 2300709 du 23 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Bazin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre mois ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Des pièces produites par Mme B... ont été enregistrées le 12 décembre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée, par une ordonnance du 18 novembre 2024 au 10 décembre 2024, à 12 heures.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 6 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 25 juillet 1985, déclare être entrée en France le 16 juin 2018 pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2019. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 21 novembre 2022. Par un arrêté du 16 janvier 2023, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois. Mme B... relève appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

3. Lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de sa charte des droits fondamentaux. Ce droit n'implique toutefois pas l'obligation, pour le préfet, d'entendre l'étranger spécifiquement au sujet de l'obligation de quitter le territoire français qu'il envisage de prendre après avoir statué sur le droit au séjour à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu. Au cas d'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile par les autorités compétentes en matière d'asile, lequel a duré plus de quatre ans, Mme B... n'aurait pas été mise en mesure de présenter des observations, écrites ou orales, en complément de sa demande d'asile ni qu'elle aurait sollicité, en vain, un entretien avec les services préfectoraux. Si l'appelante se prévaut du courriel adressé par son conseil, le 2 décembre 2022, aux services de la préfecture de l'Hérault pour solliciter un rendez-vous en vue de déposer une demande de titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que cette saisine est intervenue le 22 juin 2018, soit plus de quatre ans après l'enregistrement de sa demande d'asile et postérieurement à la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 novembre 2022 mettant fin à la procédure de demande d'asile au cours de laquelle il n'est pas établi que l'intéressée 'aurait été privée de la possibilité d'adresser, y compris par courrier, tout élément utile à propos de sa situation personnelle. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision en litige vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de Mme B..., en particulier les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 de ce code, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressée. Elle précise la date d'arrivée en France de Mme B... et indique, d'une part, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2019 et que le recours formé contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile le 21 novembre 2022. La décision portant obligation de quitter le territoire français, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, qui n'était pas tenu de faire état de manière exhaustive de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de Mme B..., a procédé à un examen sérieux de la situation de l'intéressée avant d'édicter la décision en litige. Mme B... n'ayant pas présenté, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, une demande de titre de séjour en complément de sa demande d'asile, la circonstance selon laquelle cette décision ne mentionne pas le courriel précité du 2 décembre 2022 faisant état de son insertion socio-professionnelle n'est pas, à elle seule, de nature à l'entacher d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme B... se prévaut de son entrée en France depuis plus de cinq ans et de la présence de sa fille mineure qui y poursuit sa scolarité depuis l'école primaire. Elle se prévaut également de son intégration socio-professionnelle attestée par ses activités de bénévolat, de son implication dans la vie de son quartier, de sa maîtrise de la langue française et, enfin, de l'emploi de femme de chambre qu'elle occupe depuis le mois d'août 2022. Toutefois, le séjour en France de Mme B... a été rendu possible seulement par le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile. Par ailleurs, par les éléments dont elle fait état, Mme B..., qui se déclare célibataire, ne démontre pas l'ancienneté, l'intensité et la stabilité des liens privés et familiaux qu'elle a développés en France où elle vit de manière précaire et isolée au regard de ceux conservés dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de 33 ans, dans lequel elle exerçait l'emploi de professeure et dans lequel elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, sa demande d'asile a été définitivement rejetée de sorte qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine où sa fille mineure, également de nationalité géorgienne, pourra poursuivre sa scolarité. Par suite, en faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

10. Il appartient au préfet chargé de fixer le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, en application de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'il prend n'exposent pas l'étranger à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La personne à qui le statut de réfugié a été refusé ou retiré ne peut être éloignée que si, au terme d'un examen approfondi et complet de sa situation, et de la vérification qu'elle possède encore ou non la qualité de réfugié, il est conclu, en cas d'éloignement, à l'absence de risque au regard des stipulations précitées. Si le préfet est en droit de prendre en considération les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger d'une demande de protection internationale, l'examen et l'appréciation par ces instances des faits allégués par le demandeur et des craintes qu'il énonce, au regard des conditions mises à la reconnaissance de la qualité de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et à l'octroi de la protection subsidiaire par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne lient pas le préfet, et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu de l'ensemble du dossier dont il dispose, que les mesures qu'il prend ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 721-4 précité. S'il est saisi, au soutien de conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, d'un moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier, dans les mêmes conditions, la réalité des risques allégués, sans qu'il importe à cet égard que l'intéressé invoque ou non des éléments nouveaux par rapport à ceux présentés à l'appui de sa demande d'asile. Si, à l'issue de cet examen, le juge de l'excès de pouvoir annule la décision distincte fixant le pays de renvoi, une telle décision ne s'impose pas avec l'autorité absolue de la chose jugée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Cour nationale du droit d'asile, eu égard à leurs compétences propres et à leur office. Toutefois cette décision constitue un élément nouveau au sens de l'article L. 531-42 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de nature à rendre recevable la demande de réexamen présentée, le cas échéant, par l'étranger concerné.

11. Mme B... soutient, sans autre précision, être exposée à des traitements contraires à ces stipulations en cas de retour en Géorgie. Toutefois, alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les autorités compétentes en matière d'asile, l'intéressée ne fait état d'aucun élément précis et circonstancié sur la nature exacte, la réalité, la gravité et l'actualité des risques qu'elle encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

13. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-6, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

14. Mme B... soutient qu'elle encourt le risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Géorgie. Elle se prévaut, en outre, de la triple circonstance qu'elle n'a jamais l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'elle a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France où elle travaille depuis plus d'un an et demi et où sa fille poursuit sa scolarité depuis plus de cinq ans. Ces différents éléments ne permettent toutefois pas de faire regarder l'appelante comme justifiant de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour alors, d'une part, que sa présence en France est uniquement liée au temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait exposée à des risques contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas d'éloignement et, enfin, qu'il n'existe aucun obstacle à ce qu'elle continue à exercer son activité professionnelle dans son pays d'origine où sa fille pourra poursuivre sa scolarité.

15. Eu égard aux conditions d'entrée et de séjour de Mme B... en France et dès lors que sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires particuliers, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre mois.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 16 janvier 2023. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24TL00114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00114
Date de la décision : 18/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-18;24tl00114 ?
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