Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Saint-Mathieu a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Perpignan l'a mise en demeure de prendre diverses mesures pour mettre fin à l'état de péril imminent que fait courir l'immeuble lui appartenant situé 17 rue Saint-Mathieu sur la parcelle cadastrée section AI n° 0039.
Par un jugement rendus sous les n°s 2100855 et 2105125 du 3 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2023, la société civile immobilière (SCI) Saint-Mathieu, représentée par Me Deplanque, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Perpignan l'a mise en demeure de prendre diverses mesures pour mettre fin à l'état de péril imminent que fait courir l'immeuble lui appartenant situé sur la parcelle cadastrée section AI n° 0039 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige ne lui a pas été notifié ;
- il est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire ;
- les travaux prescrits par l'arrêté en litige ne sont assortis d'aucun délai pour les réaliser ;
- elle a fait intervenir des entreprises qui ont entamé les travaux prescrits par l'arrêté en litige, lesquels n'ont cependant pu être poursuivis dès lors que la commune de Perpignan a interdit à ces entreprises l'accès à l'immeuble'.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2025, la commune de Perpignan, représentée par Me Latapie, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les travaux réalisés par la société appelante sont postérieurs tant à l'arrêté en litige qu'au délai de huit jours qui lui a été laissé pour les faire réaliser ;
- les travaux prescrits n'ont pas été exécutés dès lors qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé le 8 février 2021, soit plus de 45 jours après la notification de l'arrêté en litige, qu'à cette date, de nombreux travaux prescrits par cet arrêté n'avaient toujours pas été exécutés ; en outre, les devis produits par la société appelante sont insuffisants pour attester de l'exécution des travaux auxquels elle était tenue ;
- elle était fondée à procéder d'office aux travaux en litige et, par voie de conséquence, à éventuellement interdire l'accès au chantier aux personnes non autorisées ; en tout état de cause, les attestations produites par la société appelante ne précisent pas la date à laquelle les entreprises auxquelles elle a confié les travaux propres à remédier au péril imminent se sont vu empêcher l'accès à l'immeuble en litige ;
- l'arrêté en litige mentionne un délai de huit jours pour procéder à l'exécution des travaux destinés à faire cesser le péril imminent ;
- la société appelante n'a pas été en mesure de se conformer aux prescriptions et au délai fixé par l'arrêté en litige.
Par une ordonnance du 13 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2025, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- les observations de Me Deplanque, représentant la SCI Saint-Mathieu, et celles de Me Latapie, représentant la commune de Perpignan.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Saint-Mathieu est propriétaire des lots n°s 1, 2, 3, 5 à 10, 14, 15, 16, 19 à 24 représentant 731/1 000èmes des parties communes de l'immeuble en copropriété situé sur la parcelle cadastrée section AI n° 0039, 17 rue Saint-Mathieu à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Par un arrêté du 22 décembre 2020, pris dans le cadre de la procédure de péril imminent prévue par l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, le maire de cette commune l'a mise en demeure, ainsi que les autres copropriétaires, de faire réaliser, dans le délai de huit jours, divers travaux jugés nécessaires pour garantir la sécurité publique, à défaut de quoi il y serait pourvu d'office et à ses frais par la commune. La SCI Saint-Mathieu relève appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
2. Pour statuer sur la légalité des arrêtés de péril imminent pris sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L.511-3 du code de la construction et de l'habitation, il appartient au juge administratif, statuant en qualité de juge de plein contentieux, d'apprécier les circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il se prononce.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation alors en vigueur : " Tout arrêté de péril pris en application de l'article L. 511-1 est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, tels qu'ils figurent au fichier immobilier. Il est également notifié, pour autant qu'ils sont connus, aux titulaires de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, aux occupants et, si l'immeuble est à usage total ou partiel d'hébergement, à l'exploitant. Lorsque les travaux prescrits ne concernent que les parties communes d'un immeuble en copropriété, la notification aux copropriétaires est valablement faite au seul syndicat de la copropriété. / À défaut de connaître l'adresse actuelle des personnes visées au premier alinéa ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, de l'arrondissement où est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble. / Cet arrêté reproduit le premier alinéa de l'article L. 521-2. / À la demande du maire, l'arrêté prescrivant la réparation ou la démolition de l'immeuble menaçant ruine est publié au fichier immobilier ou au livre foncier dont dépend l'immeuble pour chacun des locaux aux frais du propriétaire ".
4. Par un courrier du 2 février 2021 adressé au maire de Perpignan et produit par la société appelante devant le tribunal, cette dernière a reconnu avoir été destinataire de l'arrêté de péril imminent relatif à l'immeuble en litige. Il résulte également des pièces de la procédure que cette société a contesté cet arrêté devant le tribunal le 18 février 2021, soit dans le délai de recours contentieux. Par suite, contrairement à ce qu'elle soutient, la société appelante doit être regardée comme ayant reçu la notification de l'arrêté en litige au plus tôt le 2 février 2021, et au plus tard, le 18 février 2021, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que les travaux prescrits par l'arrêté de péril imminent du 22 décembre 2020 ne concernent que les parties communes de l'immeuble en litige, lequel constitue une copropriété, et que cet arrêté a été également, en vertu de son article 8, notifié au syndic de la copropriété pris en la personne de la société Foncia Roussillon par une lettre remise contre signature ou à défaut par affichage sur le bâtiment et en mairie. Par suite, la circonstance, à la supposer établie, que cette décision n'aurait pas été personnellement notifiée à la SCI Saint-Mathieu est sans incidence sur la légalité.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " I. ' Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'État, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. / L'arrêté de péril précise également que, à l'expiration du délai fixé, en cas de non-exécution des réparations, travaux et mesures prescrits, le propriétaire est redevable du paiement d'une astreinte par jour de retard dans les conditions prévues au IV du présent article. (...) / III. ' Sur le rapport d'un homme de l'art, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d'achèvement et prononce la mainlevée de l'arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. (...) / IV. ' À l'expiration du délai fixé dans l'arrêté de péril prévu au I, si les réparations, mesures et travaux prescrits n'ont pas été réalisés, le propriétaire défaillant est redevable d'une astreinte (...). / V. ' Lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire de procéder à cette exécution dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. À défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti par la mise en demeure, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite sur jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, rendue à sa demande (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque les désordres affectant des murs, bâtiments ou édifices sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l'article L. 511-2, le maire en informe, en joignant tous éléments utiles en sa possession, le propriétaire et les titulaires de droits réels immobiliers et les invite à présenter leurs observations dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. / Le maire est réputé avoir satisfait à cette obligation lorsqu'il a informé les propriétaires et titulaires de droits réels immobiliers tels qu'ils figurent au fichier immobilier de la conservation des hypothèques ou au livre foncier ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 ".
7. Dès lors que l'arrêté en litige ne constitue pas un arrêté de péril ordinaire mais un arrêté de péril imminent subordonné à l'envoi d'un simple avertissement au propriétaire concerné, en application des dispositions précitées de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction alors en vigueur, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'il n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire. Par suite, le vice de procédure allégué est inopérant et doit, dès lors, être écarté.
8. En troisième lieu, il résulte des mentions mêmes de l'arrêté en litige que, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, la SCI Saint-Mathieu disposait d'un délai de huit jours pour faire exécuter les mesures prescrites par cet arrêté en vue de mettre fin à l'imminence du danger relevé par l'expert désigné le tribunal administratif, et faire cesser tout péril. Par suite, la société appelante ne saurait sérieusement soutenir que l'arrêté en litige n'était assorti d'aucun délai d'exécution.
9. En quatrième et dernier lieu, la SCI Saint-Mathieu se prévaut de deux attestations de témoins, datées des 3 et 5 septembre 2023, pour soutenir que les services municipaux auraient interdit l'accès à l'immeuble en litige à deux entreprises de travaux qu'elle a chargées d'exécuter les travaux prescrits par l'arrêté en litige. Toutefois, il résulte de l'instruction que la SCI Saint-Mathieu a demandé à accéder à l'immeuble postérieurement au délai qui lui était imparti par l'arrêté en litige pour mettre fin à l'imminence du danger tandis que la commune de Perpignan a, du fait précisément de la carence de cette société, pris l'initiative de faire réaliser les travaux nécessaires, ce qui était de nature à justifier une interdiction d'accès au chantier pour des raisons de sécurité. En outre, par ces seules attestations, établies pour les besoins de la cause, la société appelante n'établit pas ni même n'allègue avoir saisi la commune de Perpignan en vue d'obtenir un accès à cet immeuble dans le délai prescrit par l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que la société aurait été placée dans l'impossibilité de faire réaliser les travaux que l'état de l'immeuble rendait nécessaires doit être écarté, en tout état de cause.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Saint-Mathieu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Perpignan du 22 décembre 2020.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Perpignan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Saint-Mathieu demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Saint-Mathieu une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Perpignan et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de la SCI Saint-Mathieu est rejetée.
Article 2 : La SCI Saint-Mathieu versera à la commune de Perpignan une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Saint-Mathieu et à la commune de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02263