Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... et Mme O... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la délibération du 30 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Castellet-en-Luberon a décidé de prononcer le déclassement de la parcelle cadastrée section A n° 781 d'une surface de 14 m² du domaine public communal en vue de son transfert dans le domaine privé de la commune, ainsi que de la délibération du 22 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de la même commune a rejeté leur recours gracieux dirigé contre la délibération du 30 octobre 2020.
Par un jugement n° 2101134 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2023, M. et Mme R... et O... S... A..., représentés par Me Fortunet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la délibération du 30 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal de Castellet-en-Luberon a décidé de prononcer le déclassement de la parcelle cadastrée section A n° 781 d'une surface de 14 m² du domaine public communal en vue de son transfert dans le domaine privé de la commune, ainsi que la délibération du 22 janvier 2021 par laquelle le même conseil municipal a rejeté leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Castellet-en-Luberon la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les délibérations attaquées ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière au regard de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales dès lors que si la commune a produit les pouvoirs adressés par M. Jean-Paul Mangeot à Mme Ruth Nijmeijer pour la délibération du conseil municipal du 30 octobre 2020, et par M. H... K... à M. I... Q... pour la délibération du conseil municipal du 22 janvier 2021, ces pouvoirs n'ont pas été rédigés à l'aide des modèles portés sur les convocations nominatives adressées à ces conseillers municipaux ; ces pouvoirs, par ailleurs, portent les mêmes dates que celles des délibérations en litige ; ces convocations doivent donc être regardées comme ayant été établies a postériori, pour les besoins de la cause ;
- les délibérations attaquées sont par ailleurs entachées d'illégalité au regard des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales compte tenu des liens familiaux unissant M. B... D..., bénéficiaire de la vente de la parcelle cadastrée section A n° 781, à M. F... J..., maire de la commune, et à Mme Cécile Ertle, conseillère municipale ; de plus, des liens unissent M. P... K..., époux de Mme C..., à MM. M... et H... K..., conseillers municipaux ; il existe encore des liens familiaux entre M. G... L..., ancien maire, et M. D... qui a bénéficié d'une première délibération du conseil municipal du 24 janvier 2020 acceptant la vente de la parcelle en litige avant que cette cession ne soit retirée ; des liens familiaux existent également entre M. D... et M. F... J..., maire de la commune depuis 2020 ;
- la cession de la parcelle cadastrée section A n° 781 A ne répond pas aux besoins de la commune, mais uniquement aux intérêts particuliers de M. D..., ce qui s'explique par les liens familiaux unissant ce dernier au maire et à plusieurs conseillers municipaux ;
- les délibérations attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 3111-11 du code général de la propriété des personnes publiques compte tenu du principe d'inaliénabilité du domaine public ; par ailleurs, le déclassement d'un bien ne peut intervenir qu'après désaffectation ; au cas d'espèce, aucune désaffectation ne peut intervenir compte tenu de ce que la rue Haute constitue une voie ouverte à la circulation publique ; l'impossibilité de procéder à cette désaffectation doit se déduire, par ailleurs, du fait qu'une enquête publique est intervenue en vue du déclassement ; de plus, si le commissaire-enquêteur a estimé que la partie de la parcelle aménagée en terrasse par les époux D... ne faisait plus office de voie de circulation et pouvait ainsi être rétrocédée, tel n'était pas le cas du surplus de la parcelle déclassée qui devait en conséquence demeurer dans le domaine public ; la cession n'est donc pas justifiée par l'intérêt de la commune et aucun motif d'intérêt général ne permet de fonder la réduction de l'espace public de circulation ;
- la cession de la parcelle à M. D... procède d'un favoritisme manifesté également par le fait que l'enquête publique organisée en vue du déclassement ne s'est pas déroulée de manière impartiale dès lors que le commissaire-enquêteur était préalablement intervenu en qualité de géomètre-expert dans le cadre de l'estimation, par le service des domaines, de la valeur vénale de cette parcelle ;
- les délibérations attaquées sont entachées d'une erreur de droit au regard de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors que le déclassement d'une voie ne peut intervenir avant que n'ait été constatée sa désaffectation, laquelle n'est pas intervenue en l'espèce dès lors que la parcelle en litige constitue une partie de la rue Haute, qui est une voie de circulation ; il a donc été porté atteinte, par ce déclassement, à la fonction de circulation et de desserte de la voie publique ; à cet égard, le commissaire-enquêteur, dans son rapport, a fait la distinction entre une " partie terrasse " de la parcelle, qui ne faisait plus office de voie de circulation et qui pouvait être rétrocédée, et la partie restante de la parcelle, " la pointe ", qui devait demeurer dans le domaine public ; les époux D... ont par ailleurs procédé, avec l'aide du maire et d'autres élus, à l'aménagement de leur terrasse et de leur jardinet sur la parcelle en litige pour accréditer l'idée de sa désaffectation en dépit du fait qu'elle était toujours affectée à la circulation publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, la commune de Castellet-en-Luberon, représentée par Me d'Albenas, conclut au rejet de la requête de M. et Mme A..., et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à leur charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 14 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 février 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Teles pour la commune de Castellet-en-Lubéron.
Considérant ce qui suit :
1. En 2019, M. et Mme D..., propriétaires de la parcelle cadastrée section ..., ont demandé à la commune de Castellet-en-Lubéron (Vaucluse) de leur vendre une portion de la surface d'assiette de cette rue située au droit de leur propriété. A la demande de la commune, un document d'arpentage a été dressé par un géomètre expert fixant à 14 m2 la superficie de la portion de terrain que les époux D... souhaitaient acquérir. Une parcelle correspondant à cette portion de terrain a été créée et enregistrée au cadastre sous le n° 781, section A. Par une délibération du 6 mars 2020, le conseil municipal de Castellet-en-Lubéron a accepté le principe de l'aliénation de la parcelle précitée à M. D..., et a demandé au maire de nommer un commissaire-enquêteur chargé de l'enquête publique préalable au déclassement de cette parcelle. M. E... A... et Mme O... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la délibération du 30 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal de Castellet-en-Luberon a prononcé le déclassement de la parcelle cadastrée A n° 781, d'une surface de 14 m², et l'annulation de la délibération du 22 janvier 2021 de ce même conseil municipal rejetant leur recours gracieux.
2. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 20 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux délibérations.
Sur la légalité de la délibération du 30 octobre 2020 :
3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales : " Un conseiller municipal empêché d'assister à une séance peut donner à un collègue de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir. Le pouvoir est toujours révocable. Sauf cas de maladie dûment constatée, il ne peut être valable pour plus de trois séances consécutives. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour la séance du conseil municipal du 30 octobre 2020, M. Jean-Paul Mangeot, conseiller municipal, a donné un pouvoir écrit à Mme Ruth Nijmeijer, conseillère municipale, pour le représenter lors de cette séance et voter en son nom. Contrairement à ce que font valoir les appelants, la circonstance que l'imprimé " Pouvoir " ait été rédigé sur une convocation non nominativement adressée à M. N... n'est pas de nature, par elle-même, à entacher d'irrégularité la procédure suivie. De même, le pouvoir donné par M. N... n'est pas irrégulier du seul fait qu'il est daté du même jour que la séance du conseil municipal du 30 octobre 2020.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération.
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions figurant sur le compte-rendu de la délibération attaquée du 30 octobre 2020 prononçant le déclassement de la parcelle cadastrée A n° 781, et dont le vote a été acquis à l'unanimité des membres présents et représentés, que le maire, M. F... J..., qui est le beau-frère de M. B... D..., et Mme Cécile Ertle, conseillère municipale et nièce de M. B... D..., n'ont pas pris part au vote relatif au point 2 des questions soumises à l'ordre du jour, qui portait précisément sur le déclassement de la parcelle en litige. Le compte-rendu de la délibération précise, en outre, que M. J... et Mme C... ont quitté la salle de réunion avant que la question du déclassement soit abordée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est au demeurant pas même allégué par les appelants, que M. J... et Mme C... auraient participé à des travaux préparatoires ou à des débats précédant l'adoption de la délibération du 30 octobre 2020. Si les appelants font également valoir que M. H... K... et M. M... K..., tous deux conseillers municipaux, auraient eux aussi été intéressés à l'affaire, il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu de la délibération du 30 octobre 2020 que M. H... K... était absent lors de la séance du 30 octobre 2020, tandis que M. M... K... est arrivé au conseil municipal après les débats et le vote du point 2 de l'ordre du jour relatif à l'approbation du déclassement de la parcelle précitée. Enfin, l'ancien maire, M. G... L..., qui ne fait plus partie du conseil municipal depuis le résultat des élections municipales de 2020, n'a pas pris part à la délibération en litige. Il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué par M. et Mme A..., sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement. ". Aux termes de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal.... / Les délibérations concernant le classement ou le déclassement sont dispensées d'enquête publique préalable sauf lorsque l'opération envisagée a pour conséquence de porter atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation assurées par la voie. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la rue Haute, voie publique communale, est dédiée à la circulation des seuls piétons et qu'elle fait ainsi partie du domaine public. Il ressort également du rapport établi par le commissaire enquêteur, à l'issue de l'enquête publique organisée en application de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière, ainsi que des photographies produites au dossier, que la parcelle n° 781, par son positionnement au droit immédiat de la propriété des époux D... à l'écart de la voie de passage et sa surface limitée à 14 m², ne sert pas, en pratique, à la circulation du public et ne peut, de fait, être regardée comme affectée à la circulation des piétons. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le déclassement de cette parcelle n° 781, en vue de sa cession, aurait pour effet de porter atteinte aux conditions de desserte des autres riverains de la rue Haute. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que la délibération du 30 octobre 2020, prononçant le déclassement de la parcelle en litige, lequel implique nécessairement le constat préalable de sa désaffectation, laquelle est établie par les éléments du dossier, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En quatrième et dernier lieu, en faisant valoir que la délibération en litige du 30 octobre 2020 aurait eu pour seul but de satisfaire les intérêts privés de M. D..., les appelants peuvent être regardés comme invoquant, à l'encontre de cette délibération, un moyen tiré du détournement de pouvoir. Toutefois, le seul fait que la délibération a été prise après que M. D... eut sollicité la cession de cette parcelle n'est pas suffisant pour caractériser l'existence d'un détournement de pouvoir, lequel ne peut davantage se déduire de la circonstance que le commissaire-enquêteur soit aussi préalablement intervenu en qualité de géomètre-expert, et cela dans le seul but de mesurer la superficie de la parcelle en cause afin de permettre au service des domaines d'en estimer la valeur vénale.
Sur la légalité de la délibération du 22 janvier 2021 :
10. Il est toujours loisible à la personne intéressée de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte. Toutefois, l'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative.
11. Dans ces conditions, les moyens invoqués par M. et Mme A..., relatifs à l'existence et à la validité de la procuration donnée par M. H... K... à M. I... Q... lors de la séance du conseil municipal du 22 janvier 2021, ainsi que celui tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, qui portent sur des vices propres à la délibération portant rejet du recours gracieux sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Castellet-en-Luberon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme A... sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Castellet-en-Luberon sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : M.et Mme A... verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Castellet-en-Luberon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié à M. E... A... et Mme O... A..., à la commune de Castellet-en-Luberon, et à M. B... D....
Délibéré après l'audience du 4 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02068 2