Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... F... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'État à leur verser une somme de 231 500 euros en réparation des préjudices résultant d'agissements fautifs des services fiscaux chargés du recouvrement.
Par un jugement n° 2101676 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés le 13 juillet 2023 et les 3 janvier, 5 et 19 novembre 2024, M. G... F..., d'une part, M. H... F..., Mme E... F..., Mme C... F... et Mme D... F..., agissant tant en leurs noms personnels qu'en qualité d'héritiers de Mme A... B..., d'autre part, représentés par Me Fortunet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 mai 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de condamner l'État à leur verser une somme globale de 283 471 euros ou, à titre subsidiaire, une somme représentant 75 % de ce montant ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration fiscale a commis une faute en ne suspendant pas la procédure de vente sur licitation du bien immobilier en cause, intervenue le 21 juin 2018, alors que deux virements, qui permettaient de régler leur dette fiscale, avaient été opérés la veille ;
- cette faute est à l'origine de préjudices patrimonial, économique et moral.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 23 avril et 27 novembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les appelants n'est fondé.
Par une lettre du 29 janvier 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions indemnitaires des consorts F..., qui mettent en cause la responsabilité de l'État du fait d'une faute qui n'est pas détachable de la procédure suivie devant le juge judiciaire et de l'exécution des actes de poursuite.
Par un mémoire, enregistré le 5 février 2025, les consorts F..., représentés par Me Fortunet, ont présenté des observations en réponse à la mesure d'information du 29 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- et les observations de Me Fortunet pour les consorts F....
Considérant ce qui suit :
1. Par actes d'huissier des 29 et 30 janvier 2014, le comptable public du service des impôts des particuliers d'Avignon-Est, en charge du recouvrement forcé des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties dont M. G... F... et Mme A... B... restaient redevables au titre des années 2010 à 2013 à raison d'un bien immobilier qu'ils détenaient en indivision dans le quartier de Montfavet à Avignon (Vaucluse), a assigné ces derniers en licitation de ce bien devant le tribunal de grande instance d'Avignon. Par un jugement du 19 avril 2016, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 7 septembre 2017, ce tribunal a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre les intéressés et, au préalable, la vente sur licitation aux enchères publiques du bien immobilier en cause, devant intervenir lors d'une audience d'adjudication du 21 juin 2018. Alors que la dette fiscale des intéressés, comprenant des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2010 à 2017 et d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 à 2012, a été portée à 25 686 euros, l'immeuble a été vendu le 21 juin 2018 à 14 heures à la barre du tribunal de grande instance d'Avignon pour un montant de 341 000 euros. M. G... F... et les héritiers de Mme A... B..., décédée le 6 mai 2023, font appel du jugement du 22 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. F... et Mme B... tendant à la condamnation de l'État à leur verser une somme de 231 500 euros en réparation des préjudices subis du fait, pour l'administration fiscale, d'avoir mené à son terme cette procédure de vente, en dépit de deux ordres de virement effectués le 20 juin 2018. Ils portent en appel cette somme à 283 471 euros.
2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " (...) Les contestations relatives au recouvrement (...) peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 (...) ". L'ordre de juridiction compétent, en application de ces dispositions, pour connaître d'une action en décharge de l'obligation de payer procédant d'un acte de recouvrement l'est également pour connaître de l'action en responsabilité résultant du caractère éventuellement fautif de cet acte. La responsabilité résultant de fautes commises dans l'engagement du recouvrement forcé d'un impôt relève, ainsi, de la compétence du juge administratif lorsque celui-ci est le juge de l'impôt en cause. Par ailleurs, la juridiction judiciaire est seule compétente pour statuer sur les conséquences dommageables des fautes résultant, le cas échéant, des décisions par lesquelles une autorité administrative saisit les tribunaux judiciaires et de celles par lesquelles elle exerce ou refuse d'exercer une voie de recours contre leurs jugements.
3. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que l'appréciation d'une éventuelle responsabilité de l'État qui résulterait de l'absence de suspension de la procédure de vente sur licitation aux enchères publiques, prononcée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Avignon à l'issue d'une audience d'adjudication du 21 juin 2018, n'est pas détachable de la procédure suivie devant le juge judiciaire et porte, au demeurant, non sur l'engagement du recouvrement forcé des impositions en cause, mais sur les modalités de mise en œuvre des poursuites à l'encontre de M. F... et de Mme B.... Il s'ensuit qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître des conclusions correspondantes des consorts F.... Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement du 22 mai 2023 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté ces conclusions sans relever l'incompétence de la juridiction administrative et, statuant par voie d'évocation, de les rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2101676 du 22 mai 2023 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nîmes et les conclusions indemnitaires présentées devant la cour sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts F... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., M. H... F..., Mme E... F..., Mme C... F..., Mme D... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 20 février 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01740