Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement n° 2003598 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, M. E... et M. C..., représentés par Me Zelteni, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 février 2023 en tant qu'il n'a pas fait droit à leurs conclusions à fin de décharge portant sur certains rehaussements ;
2°) de prononcer la réduction des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'établissement du rehaussement portant sur l'inscription de la somme de 162 633,45 euros sur le compte courant d'associé de M. C... est irrégulière dès lors que, pour assoir ce rehaussement, l'administration s'est fondée a posteriori sur des informations obtenues dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Le Roman de la Chaise avant même que celle-ci soit destinataire d'une proposition de rectification ;
- les dépenses prises en charge par M. E... au profit de la société Objectif Lune et inscrites à son compte courant d'associé n'ont pu être appréhendées au cours des années en litige, faute de trésorerie ;
- s'agissant du rehaussement lié à l'inscription de la somme de 162 633,45 euros sur le compte courant d'associé de M. C..., c'est à tort que le tribunal a retenu que l'origine de la somme n'avait pas été justifiée alors que l'administration avait admis cette justification ;
- l'inscription de cette somme procède d'une erreur comptable ;
- son imposition aboutit à une double imposition dès lors que M. E... et M. C... appartiennent au même foyer fiscal ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a refusé d'appliquer à l'avantage en nature perçu de la société Objectif Lune une décote de 30 % pour nécessité de service ;
- les pénalités pour manquement délibéré sont infondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 31 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... et M. C..., pacsés au cours des années en litige et désormais mariés, ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration fiscale leur a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire, son intention de mettre à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011, 2012 et 2013. M. E... et M. C... relèvent appel du jugement du 17 février 2023 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a refusé de faire droit à leur demande tendant à la décharge de certains de ces rehaussements.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. M. E... et M. C... soutiennent que, pour rejeter leur réclamation préalable portant sur le rehaussement fondé sur l'inscription au compte courant d'associé de ce dernier dans les comptes de la société Le Roman de la Chaise, l'administration s'est fondée, " au mépris des garanties du contribuable ", sur des éléments comptables obtenus au cours de la vérification de comptabilité de cette société, alors que celle-ci n'avait pas encore été destinataire d'une proposition de rectification. Toutefois, les intéressés ne précisent pas de quels éléments comptables, autres que le compte courant d'associé de M. C... déjà produit au cours de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle et le compte de tiers 4673 qu'ils ne contestent pas avoir produit à l'appui de leurs observations en réponse à la proposition de rectification du 19 décembre 2014, l'administration fiscale se serait servie pour asseoir ce rehaussement. Dès lors et en tout état de cause, ils ne sont pas fondés à soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularité.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que celles-ci ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.
4. D'une part, l'administration a considéré comme distribuées des dépenses de carburant, de péages, de restauration, d'alcools, de produits Nespresso, de téléphonie et d'internet engagées par M. E... au profit de la société Objectif Lune, qui a inscrit des sommes correspondant à ces dépenses au crédit de son compte courant d'associé, à hauteur de 8 624 euros pour l'année 2011, 9 092 euros pour l'année 2012 et 3 819 euros pour l'année 2013, au motif que de telles dépenses n'étaient pas justifiées ou n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société, ce que les appelants ne contestent plus en cause d'appel. En se bornant à produire les bilans et comptes de résultats de la société au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2012, les intéressés n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, que la situation de trésorerie de la société a fait obstacle au prélèvement de ces sommes tout au long des années en litige. C'est à bon droit, dès lors, que l'administration a imposé ces sommes entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
5. D'autre part, l'administration a imposé entre les mains de M. C..., associé majoritaire de la société Le Roman de la Chaise, une somme de 162 633,45 euros inscrite au crédit de son compte courant d'associé 4552 le 31 décembre 2011. Il est constant que cette somme avait été initialement inscrite au crédit du compte de tiers 4673 détenu par M. E..., au regard de plusieurs versements effectués par lui et par la société Objectif Lune au profit de cette société, pouvant être regardés comme des avances faisant naître une dette dont la société leur était redevable. Il n'est pas contesté que, par une écriture d'" opération diverse " à la clôture du bilan, la dette inscrite au compte 4673 a été éteinte pour être transférée dans le compte 4552. Alors que l'administration fiscale a regardé ce mouvement comme constitutif d'un abandon de créance de M. E... à la société Le Roman de la Chaise, puis de celle-ci à M. C..., les intéressés soutiennent que cette somme est constitutive d'un prêt de M. E... au profit de M. C... et que c'est au prix d'une erreur comptable qu'elle n'a pas été inscrite directement au crédit du compte courant d'associé de ce dernier. Toutefois, les intéressés n'ont produit aucune convention de prêt ni aucun échéancier permettant de justifier de l'existence d'un prêt, qu'ils n'ont d'ailleurs pas déclaré à l'administration fiscale. La seule justification d'un virement à hauteur de 110 000 euros effectué au profit de M. E... depuis le compte courant d'associé de M. C... réalisé en 2021, postérieurement aux opérations de contrôle, n'est pas de nature à justifier l'existence d'un tel prêt entre les membres du foyer fiscal, alors d'ailleurs qu'une partie des sommes inscrites au crédit du compte 4673 provenaient de la société Objectif Lune. Dès lors qu'il n'est pas justifié que M. E... aurait été imposé à raison des sommes apportées à la société Le Roman de la Chaise et qu'ils sont tous deux en relation d'affaires, la double imposition alléguée n'est pas établie. Enfin, ni l'attestation émise par l'expert-comptable actuel de la société, qui n'était d'ailleurs pas en charge de la comptabilité durant l'année en litige, ni les échanges avec l'ancien cabinet d'expertise-comptable ne sont davantage de nature à justifier, en tout état de cause, l'erreur comptable alléguée. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé la somme de 162 633,45 euros entre les mains de M. C....
6. En second lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que, durant les années en litige, la société Objectif Lune, alors société civile immobilière soumise à l'impôt sur les sociétés et propriétaire d'un studio et d'un appartement situés au 18 impasse Jean-Pierre Gras à Avignon (Vaucluse), a mis gratuitement à disposition de M. E... et M. C..., ses associés, un appartement, d'une superficie de 145 m² et composé de quatre chambres, trois salles de bain, un balcon et un garage. Le service fait valoir, sans être contesté, que les appelants se sont réservés la jouissance exclusive de cet appartement intégralement durant l'année 2011 et onze mois sur douze durant les années 2012 et 2013. Après avoir initialement évalué cet avantage en nature à 46 800 euros, l'administration a suivi l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires portant sur l'imposition de la société en retenant une base de 20 400 euros, correspondant au montant des loyers prévus par le bail commercial conclu entre la société Objectif Lune et la société Le Roman de la Chaise à partir de l'année 2013, et a ramené les avantages en nature à 14 960 euros pour 2011, 13 328 euros pour 2012 et 6 160 euros pour 2013.
8. Les appelants soutiennent qu'une décote de 30 % devrait être appliquée à ces montants eu égard à l'activité de location avec prestations para-hôtelières exercée par la société, rendant nécessaire la présence sur place de M. E..., gérant de la société et associé majoritaire. Toutefois, alors qu'aucun contrat passé entre la société et son gérant n'impose la présence de celui-ci sur place, il est constant que le studio n'a été loué que quelques nuitées au cours des années en litige, et l'appartement seulement un mois en 2012 et en 2013, imposant d'ailleurs aux appelants de libérer le logement à cette occasion. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir que le caractère très circonscrit de ces locations serait indépendant de la volonté de la société et de ses associés. Dès lors, et à supposer même que ces locations aient été accompagnées de prestations para-hôtelières, la présence dans les locaux de M. E... ne saurait être regardée comme rendue nécessaire par l'activité de la société. Les appelants ne sont, par suite, pas fondés à solliciter l'application d'une décote supplémentaire sur les montants retenus par le service.
En ce qui concerne les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
10. Pour justifier de l'infliction de pénalités pour manquement délibéré, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que M. E... et M. C... ne pouvaient ignorer le caractère imposable des sommes inscrites au crédit de leurs comptes courant d'associé respectifs, eu égard notamment au caractère personnel des dépenses effectuées par M. E... et à l'absence de prêt démontré entre les deux partenaires, ni a fortiori qu'il leur incombait de déclarer l'avantage en nature constitué par la mise à disposition à leur profit d'un appartement luxueux en plein centre-ville d'Avignon. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, et compte tenu du nombre important de rehaussements dont les appelants ont fait l'objet, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée des intéressés de se soustraire à l'impôt et était fondée, de ce fait, à assortir les trois rehaussements en litige de pénalités pour manquement délibéré.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. E... et M. C... une quelconque somme au titre des frais qu'ils ont exposés en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens. Les conclusions qu'ils présentent sur ce fondement doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... et M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01047