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06/03/2025 | FRANCE | N°24TL02587

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 06 mars 2025, 24TL02587


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 mai 2024 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de changement de statut et sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2403560 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêt

é du 27 mai 2024, a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer un titre de séjour à M. A......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 mai 2024 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de changement de statut et sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2403560 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 27 mai 2024, a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer un titre de séjour à M. A... D... portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2024 sous le n° 24TL02587, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial Pech de Laclause Escale Knoepffler Huot Piret Joubes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de confirmer l'arrêté préfectoral du 27 mai 2024 ;

3°) de mettre à la charge de M. A... E... une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé le refus de séjour en retenant qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A... E... ne remplissait pas les conditions pour être admis au séjour au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. A... E... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le signataire de l'arrêté était compétent ;

- il ne pouvait obtenir de titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ; alors qu'il est divorcé depuis 2022 d'une ressortissante française, l'intéressé n'établit pas avoir des attaches personnelles ou familiales en France ;

- la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A... E... n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2024, M. A... E..., représenté par Me Burger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens d'appel du préfet des Pyrénées-Orientales ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2024 sous le n° 24TL02588, le préfet de des Pyrénées-Orientales demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 26 septembre 2024 sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de M. A... E... une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont retenu que le séjour de M. A... E... se justifiait par des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ;

- l'intéressé ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ou en qualité de salarié ;

- les moyens soulevés en première instance par l'intéressé ne sont pas fondés ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2024, M. A... E..., représenté par Me Burger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'établit pas l'existence de conséquences difficilement réparables auxquelles l'exposerait le jugement dont il est sollicité le sursis à exécution ;

- les moyens invoqués par le préfet ne sont fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabert, président,

- et les observations de Me Bardoux, représentant le préfet des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., ressortissant cubain né le 7 novembre 1991, est entré en France le 15 novembre 2018 muni d'un passeport sous couvert d'un visa D valable du 20 octobre 2018 au 20 octobre 2019. Il a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint d'une ressortissante française délivrée par le préfet des Pyrénées-Orientales le 21 octobre 2019 valable jusqu'au 20 octobre 2021, régulièrement renouvelée jusqu'au 20 octobre 2023. Il a déposé une demande de renouvellement de ce titre de séjour le 10 août 2023 et sollicité, le 5 février 2024, un changement de statut au titre de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 27 mai 2024, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 26 septembre 2024, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... E... dans le délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par sa requête n° 24TL02587, le préfet relève appel de ce jugement et, par sa requête n° 24TL02588, il demande qu'il soit sursis à son exécution. Ces deux requêtes étant présentées contre le même jugement, il y a lieu pour la cour de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.

Sur la requête n° 24TL02587 :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Montpellier :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, où le demandeur justifie d'une promesse d'embauche, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de la situation personnelle de l'intéressé, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... E..., après être entré régulièrement en France le 5 novembre 2018, a bénéficié d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", régulièrement renouvelée jusqu'au 20 octobre 2023 en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française, dont il est divorcé depuis le 2 décembre 2022. A la date de l'arrêté en litige, l'intéressé est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside notamment sa mère, et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Si M. A... E... se prévaut de la durée de son séjour régulier en France, de sa capacité d'intégration professionnelle et de son insertion, il ressort des pièces du dossier que son temps de présence en France n'est que d'un peu plus de cinq ans à la date de la décision en litige. Par ailleurs, si l'intimé produit plusieurs contrats saisonniers à durée déterminée en qualité d'ouvrier agricole et d'agent maraîcher entre 2019 et 2023, son activité de saisonnier ne suffit pas à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour. En outre, s'il a effectivement suivi une formation concernant la préparation du certificat d'aptitude professionnelle électricien au titre de l'année 2023/2024, a effectué plusieurs stages, et produit un contrat à durée indéterminée signé le 13 avril 2023 en qualité " d'aide couvreur ", ces éléments ne sont pas non plus suffisants pour caractériser des motifs exceptionnels d'admission au séjour au titre d'une activité salariée. Au surplus, si M. A... E... produit une convention de formation par apprentissage dans le cadre d'une nouvelle formation en maçonnerie au titre de l'année 2024-2025 ainsi qu'un contrat d'apprentissage établis le 14 juin 2024, ces éléments sont postérieurs à la date de l'arrêté en litige, et par suite sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... E..., le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

5. Eu égard à l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Montpellier, l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales pris à l'encontre de M. A... E... n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'appel dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... E... devant le tribunal administratif et la cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... E... :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

7. L'arrêté attaqué a été signé par M. B... C..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Orientales, qui bénéfice d'une délégation en vertu d'un arrêté du 29 avril 2024 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer tous les actes, arrêtés, décisions, et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des Pyrénées-Orientales. Cette délégation inclut expressément tous les actes issus de la législation du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 27 mai 2024 doit être écarté.

8. Il résulte de qui a été exposé aux points 4 que le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... F..., tant au regard de sa vie privée et familiale en France qu'au regard de son activité salariée.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'intimé n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la mesure d'éloignement prononcée à son encontre ne peut être regardée comme étant dépourvue de base légale et ne peut, contrairement à ce que soutient M. A... F..., être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant son admission au séjour.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 27 mai 2024, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A... D... portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête en sursis à exécution n° 24TL02588 :

11. Le présent arrêt statuant sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 26 septembre 2024, les conclusions du préfet tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement se trouvent dépourvues d'objet. En conséquence, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés aux litiges :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. A... E... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... E... les sommes réclamées par l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 septembre 2024 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... E... devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée par le préfet des Pyrénées-Orientales dans la requête n° 24TL02588.

Article 4 : Les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. H... A... E... et à Me Burger.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président-assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

T. Teulière

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 24TL02587, 24TL02588 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL02587
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Jazeron
Avocat(s) : BURGER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-06;24tl02587 ?
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