Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " salarié ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2306384 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé l'arrêté du 18 septembre 2023, d'autre part, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " à M. A... dans le délai de deux mois, ensuite, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2024 et 11 décembre 2024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il fait droit aux conclusions de la demande de M. A....
Il soutient que :
- il a pu légalement refuser à M. A... le renouvellement de sa carte de séjour temporaire " salarié " dès lors que l'intéressé n'était pas titulaire d'une autorisation de travail en cours de validité ; la demande d'autorisation de travail de l'intéressé doit être regardée comme ayant été implicitement rejetée ; eu égard au caractère incomplet de son dossier et de l'absence de retour de son employeur, sa demande a été clôturée avant la date de l'arrêté en litige ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'arrêté était entaché d'une erreur de droit dans l'application de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la demande d'autorisation de travail de M. A... n'était plus en cours d'instruction ;
- en outre, la situation de M. A... au regard de son activité professionnelle ne suffit pas à établir que le refus opposé à sa demande de titre de séjour en qualité de salarié serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Kerbrat, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement, à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 18 septembre 2023 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui sera recouvrée par son conseil.
Il faut valoir que :
- la décision portant refus de séjour n'a pas été prise après un examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en faisant une application erronée de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles R. 5221-1 et suivants du code du travail ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation professionnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2014-1292 du 23 octobre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 12 février 2000, a sollicité le 4 avril 2023 auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 18 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de la Haute-Garonne fait appel de ce jugement en tant qu'il fait droit aux conclusions de M. A....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les motifs retenus par le tribunal administratif de Toulouse :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué, qu'après avoir visé aux points 2 et 3 les dispositions des articles L. 421-1, R. 433-2 et R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles des articles L. 5221-2, L. 5221-6, R. 5221-1, R. 5221-3, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail, les premiers juges ont annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 18 septembre 2023 en se fondant sur un premier motif tiré de l'erreur de droit commise par le représentant de l'Etat dans l'application de ces dispositions dès lors que la demande d'autorisation de travail présentée par M. A... devait être regardée comme étant en cours d'instruction à la date de l'arrêté attaqué et que le préfet ne pouvait légalement opposer l'absence d'une telle autorisation de travail. Le tribunal a également retenu au point 6 un second motif d'annulation tiré de l'erreur manifeste dont se trouve entaché ce même arrêté dans l'appréciation de la situation professionnelle de M. A... compte-tenu de l'entière satisfaction que donne l'intéressé sur son emploi.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail / (...) ". L'article R. 5221-15 du code du travail dispose que : " La demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est adressée au moyen d'un téléservice au préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège (...) ". Aux termes du II de l'article R. 5221-1 du même code : " La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur / (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 de ce code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur (...), ainsi qu'à l'étranger ". Enfin, en vertu de l'article 1er du décret du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe " silence vaut acceptation ", pris pour l'application des articles L. 231-5 et L. 231-6 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorisation de travail délivrée à un étranger en vue d'exercer une activité salariée en France est au nombre des décisions pour lesquelles le silence gardé pendant deux mois par l'administration vaut rejet de la demande.
4. Pour refuser de renouveler le titre de séjour dont bénéficiait M. A... en qualité de salarié qui était valable jusqu'au 22 mai 2023, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pas obtenu l'autorisation de travail prévue à l'article L. 5221-2 du code du travail. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur de M. A..., l'entreprise " Clinea ", a déposé le 19 avril 2023, au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 5221-15 précité du code du travail, une demande d'autorisation de travail tendant à ce que M. A... puisse exercer l'emploi de cuisinier dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. S'il est constant que le préfet n'avait pas statué de manière expresse sur cette demande à la date de la décision en litige, celle-ci a en tout état de cause fait l'objet d'une décision implicite de rejet à l'expiration d'un délai de deux mois, en vertu des dispositions du décret du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe " silence vaut acceptation ". Dans ces conditions, c'est à tort que, le tribunal administratif de Toulouse a retenu le moyen tiré de l'erreur de droit pour annuler l'arrêté du 18 septembre 2023.
5. En second lieu, pour refuser de renouveler le titre de séjour délivré à M. A... en qualité de salarié qui était valable jusqu'au 22 mai 2023, le préfet de la Haute-Garonne s'est également fondé sur le motif tiré de ce que la situation de l'intéressé ne justifiait pas de " passer outre " la condition relative à l'obtention de l'autorisation de travail prévue à l'article L. 5221-2 du code du travail et relevé qu'il ne pouvait être amis au séjour de manière discrétionnaire, pour motif professionnel. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est arrivé sur le territoire français alors qu'il était mineur, a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle cuisine en 2018 et a travaillé régulièrement dans ce secteur depuis six années à la date de la décision en litige. Il exerce notamment les fonctions de cuisinier au sein de la clinique du Château de Seysses depuis le 18 juillet 2022 dans le cadre de contrats de mise à disposition, puis de contrats à durée déterminée et, depuis le 27 janvier 2023, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à plein temps en qualité d'employé polyvalent de restauration. Il ressort tant des termes de son entretien annuel d'évaluation que du formulaire de satisfaction des patients ou encore d'attestations établies par la directrice de cette clinique, que M. A... donne entière satisfaction dans l'exercice de ses fonctions et fait preuve " d'un engagement constant ". La directrice de cet établissement évoque notamment dans un courrier les difficultés de recrutement de personnel en cuisine au sein de la clinique, malgré la publication régulière d'annonces d'emploi et souligne le fait que " M. A... fut régulièrement le seul cuisinier en poste devant les absences de ses collaborateurs ou du fait des carences de poste ". Dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. A... en refusant de procéder à la régularisation de sa situation au titre du travail.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de son arrêté du 18 septembre 2023, lui a enjoint de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... n'a sollicité ni obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, l'intimé ne peut solliciter que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui sera recouvrée par son conseil selon ses écritures. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. A... sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Teulière, président-assesseur
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président-assesseur,
T. Teulière La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL02030