Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 2202560 du 24 juillet 2024, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Montpellier a renvoyé à la cour administrative d'appel de Toulouse le dossier de la requête présentée par la société civile immobilière SJM 2000.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai 2022 et 13 janvier 2023, la société civile immobilière SJM 2000, représentée par Me Melmoux, demande, dans le dernier état de ses écritures :
1°) l'annulation de l'arrêté n° PC 034 30921 M 0031 du 16 mars 2022 par lequel le maire de Teyran a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société en nom collectif Lidl en tant que ce permis de construire vaut autorisation de construire ;
2°) que soit mise à la charge solidaire de la commune de Teyran et de la société Lidl une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme en sa qualité de propriétaire d'une parcelle immédiatement voisine de celle du projet ;
- en raison des nuisances sonores induites par le projet en litige qui seront inacceptables pour le voisinage, le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article UE 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Teyran ;
- le projet autorisé présente une hauteur qui excède la hauteur maximale de 8 mètres autorisée par l'article UE 10 du même règlement ;
- en outre, le dossier de demande de permis de construire est incomplet dès lors qu'il ne comporte pas les éléments mentionnés à l'article R. 752-6 du code de commerce en méconnaissance de l'article R. 431-33-1 du code de l'urbanisme ;
- le dossier ne comprend pas l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
- le permis de construire a été délivré en violation du point 3.2 de l'article UE3 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la voirie ; la convention signée entre la société Lidl et le département de l'Hérault ne comprend aucun plan du programme des travaux faisant ainsi obstacle à ce que l'administration apprécie le caractère sécuritaire de l'accès projeté ;
- le dossier de demande ne comporte pas la carte ou le plan mentionné à l'article R. 752-6 du code de commerce ; ce dossier comprend des informations contradictoires sur le lien entre le projet et la piste cyclable ;
- le service départemental d'incendie et de secours n'a pas été saisi pour avis sur les conditions d'accès des véhicules de secours et des engins de lutte contre l'incendie ;
- les dispositions de l'article UE 13 du règlement du plan local d'urbanisme relatives aux espaces libres et aux plantations ont été méconnues dès lors que le plan de masse ne fait pas apparaître une surface de 1 546 m² soit 20 % de l'assiette foncière laissée en pleine terre ; les places de stationnement " écopavées " ne constituent pas des espaces de pleine terre et la société pétitionnaire a déclaré des espaces verts qu'elle n'entend pas réaliser, cette manœuvre constituant ainsi une fraude.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2022, la commune de Teyran, représentée par la SCP Territoires Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société SJM 2000 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 et 15 septembre 2023, la société en nom collectif Lidl, représentée par la SELARL Leonem, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société SJM 2000 une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir ;
- les moyens invoqués par la société relatifs à l'arrêté en litige en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;
- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé ;
- en outre, le tribunal administratif de Montpellier n'est pas compétent pour se prononcer sur la demande de la société SJM 2000.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabert, président,
- les conclusions de M. Jazeron, rapporteur public,
- les observations de Me Teles, représentant la commune de Teyran,
- et les observations de Me Canal, représentant la société Lidl.
Considérant ce qui suit :
1. La société Lidl a déposé le 7 juillet 2021 auprès des services de la commune de Teyran (Hérault) une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la démolition et la reconstruction d'un magasin de vente au détail à l'enseigne " Lidl " sur un terrain situé 1550 avenue de Montpellier. Par un arrêté n° PC 034 30921 M001 du 16 mars 2022, le maire de Teyran a délivré le permis de construire sollicité. Par la présente requête, la société SJM 2000 demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation de construire.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société Lidl aux moyens relatifs au permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale :
2. Aux termes du second alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. ".
3. La société SJM 2000, qui se prévaut de sa qualité de voisine immédiate du projet en litige, soutient que le dossier de demande de permis de construire ne comprend ni les éléments mentionnés à l'article R. 752-6 du code de commerce, ni l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6 du même code. Toutefois, ainsi que le fait valoir en défense la société Lidl, ces moyens sont relatifs à la régularité du permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés comme irrecevables.
En ce qui concerne le respect du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Teyran :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les parcelles formant le terrain d'assiette du projet en litige, d'une superficie totale de 7 730 m², sont situées en zone UE du plan local d'urbanisme de la commune de Teyran. Selon le règlement de ce plan, " il s'agit d'une zone dédiée aux activités secondaires (industries, artisanat) et tertiaires (services, bureaux, commerces). (...) ". Aux termes de l'article 2 du règlement applicable à cette même zone : " Toute les occupations et utilisations du sol sont admises, à l'exception de celles interdites à l'article 1, ainsi que les installations classées pour la protection de l'environnement à condition : / - que leur implantation ne présente pas de risques pour la sécurité des voisins (incendie, explosion) ; / - qu'elles n'entraînent pas pour leur voisinage des nuisances inacceptables, soit que l'établissement soit en lui-même peu nuisant, soit que les mesures nécessaires à l'élimination des nuisances soient prises, / (...) ".
5. D'une part, les constructions à usage de commerce ne figurent pas au nombre des occupations ou utilisations du sol interdites par l'article UE 1 du règlement du plan local d'urbanisme. D'autre part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le projet autorisé par l'arrêté en litige, consistant à démolir le bâtiment accueillant l'ancien magasin Lidl pour en construire un nouveau, relèverait de la nomenclature applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement. Dans ces conditions, la société SJM 2000 ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme en invoquant des nuisances sonores inacceptables pour le voisinage en raison de l'utilisation du quai de déchargement des marchandises qui se situe le long de sa limite de propriété. En tout état de cause, il ressort des plans produits à l'appui de la demande de permis de construire que ce quai de déchargement, situé au niveau de la façade nord du bâtiment, jouxte un parc de stationnement et bénéficiera d'une entrée réservée aux poids-lourds qui pourront manœuvrer en marche arrière sur une rampe dédiée. Aucun autre élément n'est avancé par la société requérante pour établir que l'utilisation de cet aménagement serait de nature à créer pour le voisinage des nuisances inacceptables au sens et pour l'application de l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UE. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes du point 3.2 de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la voirie : " Les dimensions, formes et caractéristiques des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation automobile doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir, elles doivent notamment répondre aux conditions exigées par le trafic poids lourds. Elles doivent avoir des caractéristiques adaptées à l'approche des matériels de lutte contre l'incendie, de protection civile, de brancardage etc... (largeur minimale de la voie 3.50 mètres). Elles doivent prendre en compte les écoulements des eaux de ruissellement. ".
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe en façade de la route départementale n° 21 dont un aménagement est prévu pour modifier le " tourne à gauche " et assurer les continuités piétonnes et cyclistes depuis la piste cyclable et en traversée de cette route départementale par la création d'un passage protégé. Une convention a d'ailleurs été signée le 14 mars 2022 entre la société Lidl et le département de l'Hérault, gestionnaire de la route départementale, pour la mise en œuvre et le financement de cet aménagement routier. Contrairement à ce que soutient la société requérante, cette convention comporte le plan du programme des travaux et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'administration n'aurait pas été en mesure d'apprécier les caractéristiques de l'accès en matière de sécurité. D'autre part, ainsi qu'il a été exposé aux points 4 et 5 du présent arrêt, le moyen tiré du défaut de carte ou de plan de la desserte du lieu d'implantation du projet en méconnaissance de l'article R. 752-6 du code de commerce est irrecevable pour contester la légalité de l'arrêté en litige en tant qu'il vaut autorisation de construire. Enfin, si la société SJM 2000 soutient que le permis de construire est illégal en l'absence d'avis du service départemental d'incendie et de secours du l'Hérault sur le respect des règles de desserte, elle ne se prévaut de la méconnaissance d'aucune disposition qui imposerait à l'autorité administrative de recueillir un tel avis préalablement à la délivrance de l'autorisation d'urbanisme en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du point 3.2 de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article UE 10 du règlement du plan local d'urbanisme : " La hauteur maximale des constructions, mesurée à partir du sol existant avant travaux, jusqu'au sommet du bâtiment, ouvrages techniques, cheminées et autres superstructures exclus, est fixée à 8 mètres. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le faîtage de la construction autorisée par le permis de construire en litige, qui constitue le sommet du bâtiment au sens et pour l'application de l'article UE 10 du règlement du plan local d'urbanisme, se situe à la cote 67,23 mètres du nivellement général de la France (NGF). Contrairement à ce que soutient la société requérante, il y a lieu de tenir compte, pour apprécier le respect de la règle de hauteur maximale fixée par l'article UE 10, du niveau du sol existant avant travaux et non de la cote et de l'épaisseur de la dalle du rez-de-chaussée de l'ordre de 0,60 mètre. Or il ressort également des pièces du dossier que le niveau le plus bas du sol existant avant travaux sur l'emprise du bâtiment se situe à la cote 59,26 mètres NGF. Dans ces conditions, la hauteur calculée au sommet du bâtiment, constitué par le faîtage situé à la cote 67,23 mètres NGF ainsi qu'il vient d'être exposé, est nécessairement inférieure à 8 mètres en tout point de ce bâtiment.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article UE 13 du règlement du plan local d'urbanisme : " La surface parcellaire devra comporter au minimum 20 % d'espaces libres en pleine terre végétalisée ou perméable. / (...) ".
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la notice hydraulique jointe à la demande de permis de construire comprenant un détail des surfaces du projet et un plan de masse de l'aménagement de l'ensemble du terrain d'assiette, qu'une surface de 1 583 m² est prévue pour les espaces verts en pleine terre, représentant ainsi plus de 20 % de la surface parcellaire du projet qui est de 7 730 m². Par ailleurs, si la société requérante soutient que les places de stationnement en " écopavés " ne peuvent être considérées comme des espaces perméables compte tenu d'un coefficient d'imperméabilisation de 0,75 retenu par la même notice hydraulique, il résulte de ce qui vient d'être exposé que la surface du projet réservée aux espaces libres en pleine terre, qui ne comprennent pas ces places de stationnement partiellement perméables, respecte l'exigence fixée par l'article UE13 précité.
12. D'autre part, un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.
13. Si la société SJM 2000 verse à l'appui de sa requête des photographies montrant l'aménagement d'un espace imperméabilisé pour l'implantation de blocs de climatisation / ventilation en lieu et place d'un espace vert figurant sur les plans joints à la demande de permis de construire, cette circonstance, qui relève de l'exécution des travaux autorisés par l'arrêté en litige, demeure par elle-même sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'en matérialisant à cet endroit un espace libre de pleine terre alors qu'ont été réalisés des travaux ne permettant pas de conserver cet usage, la société pétitionnaire aurait commis des manœuvres constitutives d'une fraude pour obtenir la délivrance du permis de construire en litige.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la société Lidl tirée du défaut d'intérêt pour agir, que la société SJM 2000 n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté n° PC 034 30921 M 0031 du 16 mars 2022 par lequel le maire de Teyran a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société en nom collectif Lidl en tant que ce permis de construire vaut autorisation de construire.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de la commune de Teyran et de la société Lidl, qui n'ont pas la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société SJM 2000 et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société SJM 2000 les sommes que demandent la commune de Teyran et la société Lidl sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société SJM 2000 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Teyran et la société Lidl sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière SJM 2000, à la commune de Teyran et à la société en nom collectif Lidl.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Teulière, président assesseur,
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président-assesseur,
T. Teulière La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL01997