Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020, par lequel le maire de Mus a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison individuelle sur un terrain issu d'une division foncière.
Par un jugement n° 2100161 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté et mis à la charge de la commune de Mus une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2023, la commune de Mus, représentée par la SCP CGCB Avocats et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... D... devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet en litige méconnaît l'article UD3 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne prévoit pas d'aire de retournement et que la route d'accès au projet est un axe très emprunté ;
- le refus de permis de construire pouvait être également fondé sur le motif tiré de ce que le projet en litige méconnaît l'article UD5 du même règlement dès lors qu'il porte sur une maison individuelle et non sur une opération d'ensemble ou un lotissement et que les constructions avoisinantes sont implantées à plus de 5 mètres de la rue de la Montée Rouge, le lot n° 4 comportant une construction implantée à 4,49 mètres de la rue du champ de Mars et 5,3 mètres de la rue de la Montée Rouge ;
- la personne ayant signé l'arrêté était compétente pour ce faire ;
- l'autorisation d'urbanisme portant création d'un lotissement ne crée aucun droit acquis à l'obtention d'un permis de construire sur ces lots ; en tout état de cause, la déclaration préalable du 18 septembre 2014 n'a cristallisé les droits à construire que pendant une période de cinq ans, soit jusqu'à la fin de l'année 2019 et le plan local d'urbanisme révisé et approuvé le 27 mai 2019 trouvait donc à s'appliquer à la date du dépôt de la demande de permis de construire le 23 juillet 2020
- le projet ne peut pas faire l'objet d'une adaptation mineure dès lors que les écarts d'implantation par rapport à l'alignement ne sont ni mineurs ni justifiés par la configuration du terrain.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, M. C... F..., représenté par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Mus une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Mus ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de M. Florian Jazeron, rapporteur public,
- et les observations de Me Péchon, représentant la commune de Mus, et de Me Blanc, représentant M. F....
Une note en délibéré, présentée par M. F..., représenté par Me Blanc, a été enregistrée le 26 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 septembre 2014, une déclaration préalable en vue de la division foncière de la parcelle cadastrée section AB n° 01, d'une contenance de 1 714 m², a été déposée en mairie de Mus (Gard) par la SARL Foncière et développement, dont le représentant est M. F.... Ce dernier a ultérieurement sollicité la délivrance d'un permis de construire une maison individuelle sur le lot ... issu de cette division. Par arrêté du 13 novembre 2020, le maire de Mus a refusé de délivrer ce permis de construire. Par jugement du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté et mis à la charge de la commune une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la présente requête, la commune de Mus relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par le tribunal :
2. En l'espèce, pour annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 du maire de Mus, le tribunal administratif de Nîmes a jugé que le motif tenant à la méconnaissance de l'article 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Mus, applicable à la zone UD dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet et fondant cet arrêté était entaché d'illégalité. Il a, de même, considéré que la demande de substitution de motifs invoquée par la commune de Mus, tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du même règlement, ne pouvait être accueillie.
3. Aux termes de l'article UD3 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'accès et la voirie : " (...) / Lorsque le terrain est riverain de plusieurs voies publiques, l'accès sur celles de ces voies qui présentent une gêne ou un risque pour la circulation, peut être interdit. / Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. /Tout accès nouveau particulier est interdit sur les routes départementales sauf autorisations à solliciter auprès de l'administration départementale gestionnaire de la voirie ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'accès prévu au terrain d'assiette du projet en litige se situe sur la rue du champ de Mars qui comporte une bonne visibilité. De plus, et alors qu'il n'est pas démontré que cette rue soit particulièrement passante, un panneau stop est situé à l'intersection avec la rue de la Montée Rouge située à quelques mètres de cet accès. En outre, les services du département du Gard, gestionnaire de la voirie, ont émis le 12 août 2020 un avis favorable à la desserte routière de la maison par la rue du champ de Mars sans soulever de difficultés sur les conditions de circulation ou encore la configuration du terrain et des accès. Dans ces conditions, et alors même que le projet ne prévoit pas d'aire de retournement dans le terrain d'assiette, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès en litige ne serait pas adapté de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. Par suite, le maire de Mus ne pouvait légalement refuser d'accorder à M. F... un permis de construire sur le fondement des dispositions précitées de l'article UD3 du plan local d'urbanisme.
5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. La commune de Mus fait valoir en appel, comme en première instance, que le refus de permis de construire litigieux pouvait trouver son fondement dans les dispositions de l'article 5 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UD aux termes desquelles : " Le recul minimal est de 5 mètres par rapport à l'alignement des voies ouvertes à la circulation. / Toutefois, des implantations différentes peuvent être autorisées : / - lorsque le projet jouxte une construction existante de valeur ou en bon état et sous réserve qu'elle présente une unité architecturale avec celle-ci, / - lorsqu'il s'agit d'opération d'ensemble et de lotissement afin de permettre notamment la réalisation de constructions groupées. Toute extension ou nouvelle construction devra respecter le recul de la construction initiale. / - lorsqu'il s'agit d'équipements d'infrastructure et/ou d'équipements liés au fonctionnement des services publics ".
7. En outre, aux termes des dispositions de l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme : / 1° Peuvent faire l'objet d'adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ; / 2° Ne peuvent faire l'objet d'aucune autre dérogation que celles prévues par les dispositions de la présente sous-section. ". Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de permis de construire, de déterminer si le projet qui lui est soumis ne méconnaît pas les dispositions du plan local d'urbanisme applicables, y compris telles qu'elles résultent le cas échéant d'adaptations mineures lorsque la nature particulière du sol, la configuration des parcelles d'assiette du projet ou le caractère des constructions avoisinantes l'exige. Le pétitionnaire peut, à l'appui de sa contestation, devant le juge de l'excès de pouvoir, du refus opposé à sa demande se prévaloir de la conformité de son projet aux règles d'urbanisme applicables, le cas échéant assorties d'adaptations mineures dans les conditions précisées ci-dessus, alors même qu'il n'a pas fait état, dans sa demande à l'autorité administrative, de l'exigence de telles adaptations.
8. Il ressort des pièces du dossier que la SARL Foncière et développement a déposé le 18 septembre 2014 une déclaration préalable en vue de la division foncière d'une parcelle en six lots dont cinq lots à bâtir et que le projet en litige porte sur le lot .... Dans ces conditions, il doit être regardé comme s'inscrivant dans une opération d'ensemble et de lotissement au sens des dispositions précitées qui autorisent des implantations alternatives à la règle générale qu'elles fixent. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que, ainsi que le soutient la commune de Mus, le lot ... qui a fait l'objet d'un permis de construire délivré le 1er septembre 2014, et constitue dès lors la construction initiale au sens des dispositions précitées, supporte une construction implantée à 5,30 mètres par rapport à la rue de la Montée Rouge, ce qui est également corroboré par la photographie aérienne de cette construction insérée dans les écritures de la commune. Par suite, le projet en litige, qui prévoit une implantation de la construction de 3,97 mètres par rapport à la rue de la Montée Rouge ne respectant pas le recul de la construction initiale, méconnaît les dispositions de l'article 5 précitées du règlement du plan local d'urbanisme. En outre, et à supposer qu'un tel dépassement de 1,03 mètre puisse être regardé comme rendu indispensable par la configuration du terrain, un tel écart ne peut être regardé comme revêtant un caractère mineur. En conséquence, le maire de Mus n'a pas commis d'erreur d'appréciation en s'abstenant d'autoriser le projet au bénéfice des dispositions du 1° de l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le maire aurait pris la même décision de refus sur la demande de permis de construire s'il s'était initialement fondé sur ce motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UD 5 du plan local d'urbanisme, lequel suffisait à justifier légalement ledit refus. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par la commune appelante, laquelle n'a pour effet de priver le pétitionnaire d'aucune garantie procédurale.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'intimé, tant en première instance qu'en appel, au soutien de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par l'intimé :
10. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé, pour le maire de Mus, par Mme B... E..., troisième adjointe, en vertu d'une délégation consentie par arrêté du 5 juin 2020 publié et transmis en préfecture le jour même lui donnant compétence pour signer les autorisations en matière de droit des sols. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.
11. En deuxième lieu, M. F... soutient que, en ne s'opposant pas à la déclaration préalable déposée par la SARL Foncière et développement le 18 septembre 2014 en vue de la division foncière d'une parcelle en cinq lots, le maire a " validé " les cinq lots, dont le lot ... qui est l'objet de l'arrêté de refus de permis de construire en litige. Toutefois, et dès lors que la décision de non-opposition à cette déclaration préalable n'emporte pas délivrance d'un permis de construire, M. F... ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis à une utilisation à des fins de construction du lot .... Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Mus est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 13 novembre 2020, par lequel son maire a refusé de délivrer à M. F... un permis de construire une maison individuelle sur un terrain issu d'une division foncière, et mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mus, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... une somme de 1 200 euros au titre des mêmes dispositions à verser à la commune de Mus.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100161 du 18 avril 2023 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Nîmes ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : M. F... versera à la commune de Mus une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mus et à M. C... F....
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23TL01404