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04/03/2025 | FRANCE | N°23TL02989

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 04 mars 2025, 23TL02989


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société ATC France a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Lirac du 11 décembre 2020 en tant qu'elle a prononcé la nullité de la convention d'" autorisation d'occupation temporaire " du 2 février 2015 de la parcelle cadastrée section B n° 587 appartenant à la commune conclue avec la société FPS Towers, en tant qu'elle prononce la résiliation de cette convention, en tant qu'elle prononce le retra

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ATC France a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Lirac du 11 décembre 2020 en tant qu'elle a prononcé la nullité de la convention d'" autorisation d'occupation temporaire " du 2 février 2015 de la parcelle cadastrée section B n° 587 appartenant à la commune conclue avec la société FPS Towers, en tant qu'elle prononce la résiliation de cette convention, en tant qu'elle prononce le retrait de l'autorisation d'occupation du domaine public accordée à la société ATC France, en tant qu'elle décide l'incorporation au domaine public communal du mât de télécommunications se trouvant sur la parcelle considérée, et en tant qu'elle fixe de nouveaux tarifs d'occupation du domaine public pour les années 2016 à 2020. La société ATC France a également demandé à ce qu'il soit enjoint à la commune de Lirac de lui délivrer un nouveau titre d'occupation du domaine public.

Par un jugement n° 2101812 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la délibération du conseil municipal de la commune de Lirac du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce l'annulation de la convention du 2 février 2015, en tant qu'elle prononce le retrait de l'autorisation d'occupation du domaine public, en tant qu'elle prononce l'incorporation au domaine public communal du mât de télécommunications, en tant qu'elle fixe de nouveaux tarifs de redevance d'occupation pour les années 2016 à 2020, et a rejeté le surplus de la demande de la société ATC France.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023 sous le n° 23TL03000, la société ATC France représentée par Me Peyronne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce la résiliation de la convention d'occupation du domaine public du 2 février 2015 ;

2°) d'annuler la délibération du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce la résiliation de la convention d'occupation du domaine public du 2 février 2015.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ses conclusions contestant la résiliation de la convention d'occupation du domaine public du 2 février 2015 tendaient à la reprise des relations contractuelles pour en déduire qu'elles étaient irrecevables pour tardiveté ; elle avait en réalité présenté des conclusions d'excès de pouvoir tendant seulement à l'annulation de la délibération du 11 décembre 2020 ;

- les conclusions qu'elle a présentées en première instance tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Lirac de lui délivrer un nouveau titre d'occupation temporaire correspondaient à des conclusions accessoires à des conclusions en annulation ; elles ne conféraient pas à sa demande le caractère d'un recours de plein contentieux ;

- en tout état de cause, le tribunal administratif ne pouvait lui opposer une tardiveté dès lors, que lorsque la notification d'une décision administrative indique qu'un recours administratif peut être intenté, la personne publique est liée par cette indication alors même que le recours gracieux ne pourrait normalement être interruptif de délai ;

- en l'espèce, le courrier du 17 décembre 2020 par lequel la commune de Lirac lui a notifié la délibération en litige du 11 décembre 2020 mentionnait que la société ATC France pouvait saisir le maire d'un recours gracieux dans le délai de deux mois, auquel cas un nouveau délai de deux mois courrait à compter du rejet explicite ou implicite de ce recours gracieux pour saisir le tribunal administratif de Nîmes ; dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, cette mention, alors même qu'elle aurait été erronée, a eu pour effet de permettre à la société ATC France de bénéficier d'une prorogation du délai de recours contentieux pour contester devant le juge la validité de la résiliation ;

- il convient donc pour la cour d'annuler le jugement, de statuer au fond par la voie de l'évocation et d'annuler la délibération du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce la résiliation de la convention d'occupation du domaine public du 2 février 2015, et en tant qu'elle rejette ses conclusions dirigées contre la décision du maire de Lirac portant rejet de son recours gracieux formé le 8 février 2021.

Par un mémoire, enregistré le 6 janvier 2025, la commune de Lirac, représentée par Me Brunel, demande à la cour de rejeter la requête de la société ATC France et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nîmes, les conclusions de la société ATC France dirigées contre la résiliation de la convention du 2 février 2015 sont irrecevables pour tardiveté.

Par une ordonnance du 7 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 janvier 2025 à 12h00.

II. Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2023, sous le n° 23TL02989, et un mémoire du 20 janvier 2025 non communiqué, la commune de Lirac, représentée par Me Brunel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2023 en tant qu'il a annulé la délibération de son conseil municipal du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce le retrait de l'autorisation d'occupation du domaine public, en tant qu'elle prononce l'incorporation au domaine public communal du mât de télécommunications, et en tant qu'elle fixe de nouveaux tarifs de redevance annuelle au titre de l'occupation de la parcelle B n° 587 pour les années 2016 à 2020 ;

2°) de mettre à la charge de la société ATC France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le tribunal a annulé la délibération du conseil municipal du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce l'incorporation au domaine public communal du mât de télécommunications se trouvant sur la parcelle cadastrée section B n° 587 alors que seule la juridiction judiciaire est compétente pour connaître d'un tel litige ; par ailleurs, l'acte de vente conclu le 22 novembre 2012 entre les sociétés Bouygues Telecom et France Pylône n'était pas opposable à la commune, faute pour cette cession de lui avoir été notifiée dans les conditions prévues aux articles 1689 et 1690 du code civil ;

- en ce qui concerne la fixation des redevances, la société ATC France en ayant hébergé les équipements de plusieurs opérateurs de téléphonie a bénéficié de revenus supplémentaires dont il doit être tenu compte, conformément au principe posé par l'article L 2125-3 du code général de propriété des personnes publiques ; il résulte de cet article que les redevances pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public sont établies en fonction des services rendus à l'occupant ;

- en ce qui concerne la légalité de la délibération du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce le retrait de l'autorisation d'occupation du domaine public accordée à la société ATC France, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, dès lors que les autorisations d'occupation du domaine public sont personnelles, toute sous-location à des tiers est prohibée ; la convention d'" autorisation d'occupation temporaire " du 2 février 2015, conclue entre la commune de Lirac, la société Bouygues Télécom et la société FPS Towers, ne saurait bénéficier à des tiers ; la commune a, par ailleurs, été trompée quant à la durée de la convention d'occupation ; par ailleurs, alors que la convention initiale prévoyait que l'autorisation était délivrée à la société Bouygues Télécom, en sa qualité de titulaire d'une autorisation de réseau de téléphonie mobile, les sociétés FPS et ATC n'étaient pas titulaires d'une telle autorisation ;

- la convention tripartite intitulée " avenant de transfert convention d'occupation du domaine public du 27 mai 2004 ", signée en 2012 par la commune de Lirac, la société Bouygues Télécom et la société FPS, n'a pas de valeur juridique dès lors que les autorisations d'occupation temporaires du domaine public sont strictement personnelles et ne peuvent être transférées à des tiers ;

- par ailleurs la convention signée en 2012 ne respecte pas les conditions de forme dès lors qu'elle ne précise pas le nom et la qualité de l'intervenant censé avoir signé pour le compte de la société FPS, et ne précise non plus pas les conditions d'exécution de la convention ;

- l'aspect du mât de télécommunications a été modifié sans déclaration préalable en application du code de l'urbanisme ;

- la société ACT a permis à des utilisateurs tiers d'occuper des dépendances du domaine public sans jamais avoir obtenu l'accord de la commune ;

- par ailleurs, au terme de la convention, les constructions doivent rester la propriété de la commune ;

- en ce qui concerne la fixation des redevances d'occupation, compte tenu de l'annulation de la convention, qui est censée n'avoir jamais existé, il appartenait bien à la commune de procéder à la fixation des tarifs au titre des années 2016 à 2020.

- ces redevances d'occupation du domaine public, aux fins d'émissions hertziennes, sont fonction du nombre d'équipements installés, lesquels dépendent du nombre d'opérateurs et du nombre de réseaux de chaque opérateur ; le tarif qui avait été fixé en 2015 dans la convention était illégal dès lors qu'il ne prévoyait pas d'évolution des tarifs en fonction du nombre d'opérateurs et du nombre de réseaux de chacun de ces opérateurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2024, la société ATC France, représentée par Me Peyronne, demande à la cour :

1°) le rejet de la requête de la commune de Lirac ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lirac une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société ATC France soutient qu'aucun des moyens de la requête de la commune de Lirac n'est fondé.

Par une ordonnance du 13 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 janvier 2025 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Peyronne pour la société ATC.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Lirac (Gard) est propriétaire de la parcelle cadastrée section B n° 587 qui appartient au domaine public communal. Cette parcelle a fait l'objet d'une convention, signée le 27 mai 2004 entre la commune de Lirac et la société Bouygues Télécom, autorisant cette dernière à y faire édifier et y exploiter une station radioélectrique comprenant notamment un pylône, plusieurs antennes et faisceaux hertziens ainsi que des armoires techniques. A la suite de la création de la société France Pylônes Services (FPS), renommée ultérieurement FPS Towers puis ATC France à compter du 1er janvier 2018, et à l'occasion du rachat par la société France Pylônes Services à la société Bouygues Telecom, du pylône et des installations annexes, une convention tripartite, intitulée " avenant de transfert convention d'occupation du domaine public du 27 mai 2004 ", a été signée le 22 novembre 2012 entre la commune de Lirac, la société Bouygues Télécom et la société FPS. Cette convention prévoyait notamment la subrogation de la société FPS dans les droits et obligations de la société Bouygues Télécom résultant de la convention du 27 mai 2004.

2. Ultérieurement, le 2 février 2015, le maire de Lirac, habilité à cet effet par une délibération du conseil municipal du 9 janvier 2015, et la société FPS Towers, ont signé une convention intitulée " autorisation d'occupation temporaire " d'une durée de 15 ans portant toujours sur la parcelle cadastrée section B n°57. Par un courrier du 17 novembre 2020, le maire de Lirac a adressé à la société ATC France un projet de délibération prévoyant que la convention du 2 février 2015 serait " annulée ", que l'autorisation d'occupation du domaine public accordée à cette société serait " retirée ", que le mât de télécommunications serait incorporé au domaine public communal et que de nouveaux tarifs de redevance annuelle au titre des années 2016 à 2020 seraient appliqués. Par un courrier du 4 décembre 2020, la société ATC France a fait part à la commune de Lirac de ses observations sur ce projet de délibération.

3. Par une délibération du 11 décembre 2020, le conseil municipal de Lirac a décidé de " constater la nullité " de la convention d'occupation du domaine public signée le 2 février 2015, de résilier cette convention, de retirer l'autorisation d'occupation domaniale accordée à la société ATC France, d'incorporer le mât de télécommunication édifié sur la parcelle au domaine public communal, et d'arrêter les tarifs de redevance annuelle d'occupation domaniale au titre des années 2016 à 2020. La société ATC France a, le 8 février 2021, présenté à l'encontre de cette délibération un recours gracieux auquel la commune de Lirac n'a pas répondu. La société ATC France a alors demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 11 décembre 2020, ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours gracieux formé le 8 février 2021, et d'enjoindre à la commune de lui délivrer une nouvelle autorisation d'occupation temporaire du domaine public.

4. D'une part, la commune de Lirac, par la requête n° 23TL02989, relève appel des articles 2, 3 et 4 du jugement du 17 octobre 2023 par lesquels le tribunal administratif de Nîmes a annulé la délibération du 11 décembre 2020 en tant que celle-ci prononçait le retrait de l'autorisation d'occupation du domaine public, décidait d'incorporer au domaine public communal le mât de télécommunications et fixait de nouveaux tarifs de redevance annuelle d'occupation pour les années 2016 à 2020.

5. D'autre part, la société ATC France, par la requête n° 23TL03000, relève appel du jugement du 17 octobre 2023 du tribunal administratif de Nîmes en ce qu'il a rejeté comme tardives ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 11 décembre 2020 en tant que celle-ci prononçait la résiliation de la convention du 2 février 2015.

Sur la jonction :

6. Les requêtes n° 23TL02989 et n°23TL03000 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n°23TL03000 de la société ATC France dirigée contre la délibération du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce la résiliation de la convention du 2 février 2015 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

7. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation. Eu égard aux particularités de ce recours contentieux, à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester cette mesure, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux . Il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant.

8. Même s'il ne tendait pas explicitement à la reprise des relations contractuelles, dès lors que la société ATC France se bornait à demander l'annulation de la délibération résiliant la convention d'occupation du domaine public et à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui délivrer une nouvelle autorisation domaniale, les premiers juges ne se sont pas mépris sur la portée du recours dont ils étaient saisis en estimant qu'il tendait, en réalité, à la reprise des relations contractuelles nées de la convention d'occupation du domaine public signée le 2 février 2015.

9. Toutefois, le courrier du 17 décembre 2020, par lequel le maire de Lirac a notifié à la société ATC France la délibération du 11 décembre 2020, laquelle prononçait notamment la résiliation de la convention du 2 février 2015, mentionnait que cette délibération était susceptible de faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Nîmes, mais qu'elle pouvait aussi faire l'objet " d'un recours gracieux dans le même délai. Dans ce cas un nouveau délai de deux mois courra pour la réponse de ma commune, le rejet explicite ou le défaut de réponse, valant rejet implicite, ouvrant alors un nouveau délai de deux mois devant le tribunal administratif de Nîmes ". Ces mentions, quand bien même elles étaient erronées au regard de la règle énoncée au point 7, étaient opposables à la commune de Lirac et la société ATC France pouvait ainsi s'en prévaloir. Dans ces conditions, et dès lors que la prorogation du délai de recours par l'exercice d'un recours administratif, mentionnée dans le courrier du 17 décembre 2020, concernait l'ensemble des décisions prises dans la délibération du 11 décembre 2020, et donc en particulier la décision résiliant la convention du 2 février 2015, le recours gracieux présenté par la société ATC France, reçu en mairie le 8 février 2021, a eu pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Après le silence gardé par le maire sur ce recours gracieux, qui a fait naître une décision implicite de rejet le 8 avril 2021, les conclusions, présentées devant le tribunal administratif de Nîmes le 8 juin 2021 par la société ATC France, tendant à la contestation de la décision de résiliation prise le 11 décembre 2020 par le conseil municipal de Lirac, n'étaient pas tardives.

10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté pour tardiveté les conclusions présentées par la société ATC France tendant à la contestation de la décision de résiliation prise par le conseil municipal de Lirac par sa délibération du 11 décembre 2020.

11. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du 17 octobre 2023 du tribunal administratif de Nîmes pour irrégularité en ce qu'il rejette les conclusions présentées par la société ATC France dirigées contre la résiliation de la convention du 2 février 2015, et de statuer sur ces conclusions par la voie de l'évocation.

En ce qui concerne le bien-fondé de la résiliation de la convention du 2 février 2015 :

12. Eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, les parties sont tenues de faire application des conventions qui les lient, sauf caractère illicite du contrat ou dans le cas où il existerait un vice d'une particulière gravité relative, notamment, aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.

13. La résiliation pour faute de la convention du 2 février 2015, par la délibération du 11 décembre 2020 du conseil municipal de Lirac, est fondée sur trois motifs. Le premier de ces motifs tient aux vices ayant affecté le consentement de la commune, lors de la signature de la convention, à la suite de manœuvres commises par la société ATC France. Le deuxième de ces motifs tient aux " sous-locations prohibées à des tiers " qui ont été consenties par la société ATC France lors de l'exécution de la convention. Enfin, le troisième motif de la résiliation tient au fait que la société ATC France a procédé à des travaux modifiant l'aspect des installations radioélectriques sans solliciter les autorisations d'urbanisme requises.

14. Il résulte de l'instruction que, le 27 mai 2004, la commune de Lirac et la société Bouygues Télécom ont conclu une " convention d'occupation privative du domaine public " portant sur la parcelle communale cadastrée section B n° 270 - cadastrée par la suite sous le n° B n°587. Cette convention autorisait la société Bouygues Telecom à installer une station radioélectrique comprenant notamment un pylône, des antennes et des armoires techniques. A la suite de la création de la société France Pylônes Services, renommée ultérieurement FPS Towers, puis ATC France, et à l'occasion du rachat par la société France Pylônes Services, alors filiale de la société Bouygues Télécom, auprès de cette dernière, du pylône et des installations, une convention tripartite intitulée " avenant de transfert convention d'occupation du domaine public du 27 mai 2004 " a été signée le 22 novembre 2012 entre la commune de Lirac, la société Bouygues Télécom et la société FPS. Cette convention tripartite prévoyait notamment, dans son article 1er, l'accord des parties sur la subrogation de la société FPS dans les droits et obligations de la société Bouygues Télécom résultant de la convention du 27 mai 2004. Ultérieurement, le 2 février 2015, le maire de Lirac, habilité par une délibération du conseil municipal du 9 janvier 2015, a signé avec la société FPS Towers une convention intitulée " autorisation d'occupation temporaire ", d'une durée de 15 ans, ayant le même objet que la convention du 27 mai 2004.

15. En premier lieu, la convention du 2 février 2015, en dépit de son intitulé " autorisation d'occupation temporaire ", constitue bien un acte contractuel ainsi que le stipule expressément son article 1er. Cette convention, dans son préambule, indique qu'elle est destinée " à prendre acte " de la cession, intervenue le 22 novembre 2012, par la société Bouygues Télécom à la société FPS " des infrastructures passives " se trouvant sur la parcelle cadastrée section B n° 587 et de la reprise, par la société FPS, de l'ensemble des droits et obligations résultant de la convention conclue le 27 mai 2004 entre la commune de Lirac et la société Bouygues Télécom. Cette reprise avait, par ailleurs, déjà été actée lors de la signature de la convention tripartite, intitulée " avenant de transfert convention d'occupation du domaine public du 27 mai 2004 ", signée le 22 novembre 2012 entre la commune de Lirac, la société Bouygues Télécom et la société FPS. Ainsi, en application de ces conventions, la commune avait consenti à ce que la société FPS soit substituée dans les droits de la société Bouygues Telecom. Il ne résulte aucunement de l'instruction que le consentement de la commune de Lirac aurait été vicié de quelque manière que ce soit par de quelconques manœuvres de la société FPS à l'occasion de la signature de ces conventions. Dans ces conditions, la société ATC France, qui vient aux droits de la société FPS, est fondée à soutenir que le motif retenu dans la délibération en litige du 11 décembre 2020, tiré de ce que le consentement de la commune aurait été obtenu par des manœuvres déloyales justifiant la résiliation de la convention du 2 février 2015, est entaché d'illégalité.

16. En deuxième lieu, la convention du 2 février 2015 indique, dans son préambule, que " ... FPS exploite, entretient et met à disposition (les) infrastructures afin de permettre entre autres le regroupement des opérateurs (conformément à l'article D 98-6-1 du code des postes et des communications électroniques) ... ". Par ailleurs, l'article 7 " Libre accès aux installations " de cette convention stipule que " FPS ou les occupants du point-haut et leurs préposés, leurs sous-traitants, ainsi que toute entreprise appelée à intervenir à leurs demandes, auront, en tout temps, libre accès aux équipements leur appartenant pour les besoins de la maintenance et de l'entretien des éléments d'infrastructures et pour procéder aux modifications et/ou extensions jugées utiles ... Pendant la durée de la présente convention, le propriétaire s'interdit de perturber, même indirectement, l'activité de FPS et des occupants hébergés sur les infrastructures lui appartenant ... ". Contrairement à ce qu'il est indiqué dans les motifs de la délibération en litige, la société ATC n'a pas procédé à des " sous-locations " de ses installations mais a hébergé les équipements techniques d'opérateurs conformément à son objet social et aux prévisions de la convention du 2 février 2015. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que les équipements mis en place ne seraient pas au nombre de ceux permis par les stipulations précitées de l'article 7 de la convention. Dans ces conditions, la société ACT France est fondée à soutenir que le motif de la résiliation tiré de ce qu'elle aurait procédé à des " sous-locations prohibées à des tiers " sans autorisation préalable de la commune, en méconnaissance du caractère personnel et incessible de la convention d'occupation domaniale, est entaché d'illégalité.

17. En troisième lieu, le dernier motif de résiliation de la convention est fondé sur ce que la société ATC France aurait procédé à des travaux modifiant l'aspect des équipements sans avoir sollicité une déclaration préalable d'urbanisme. Toutefois, et alors que la nature des travaux en cause n'est pas décrite par la commune, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'à lui seul, ce motif ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation de la convention.

18. Il résulte de ce qui précède que la société ATC France est fondée à soutenir que la délibération du 11 décembre 2020 du conseil municipal de Lirac, en tant qu'elle prononce la résiliation de la convention du 2 février 2015, est infondée. Par voie de conséquence, la société est en droit de solliciter, dès lors que sa demande tendait en réalité à cette fin, la reprise des relations contractuelles qui la liait à la commune de Lirac. Il y a lieu d'ordonner cette reprise dès lors qu'à la date du présent arrêt la durée d'exécution de la convention, fixée à 15 ans, n'est pas arrivée à son terme.

Sur la requête n°23TL02989 de la commune de Lirac tendant à l'annulation des articles 2, 3, et 4 du jugement attaqué :

En ce qui concerne le retrait de l'autorisation d'occuper le domaine public :

19. Le présent arrêt, en son point 18, retient que la résiliation de la convention du 2 février 2015 par la délibération du 11 décembre 2020 est infondée et ordonne la reprise des relations contractuelles entre la société ATC France et la commune de Lirac. Par suite, les conclusions de la commune de Lirac tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué, annulant la délibération du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce le retrait de l'autorisation d'occupation du domaine public, ne peuvent être que rejetées.

En ce qui concerne la décision d'incorporer au domaine public communal le mât de télécommunications :

20. Au motif que la société occupante aurait " délaissé " les équipements édifiés sur la parcelle, le conseil municipal de Lirac a décidé d'incorporer le mât de télécommunications dans le domaine public communal. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'article 5-3 de l'annexe 1 " Conditions générales " de la convention du 27 mai 2004 stipulait que les équipements techniques " sont et demeurent la propriété de la société Bouygtel ", et qu'à l'expiration de la convention Bouygtel reprendrait tout ou partie des équipements techniques. Ces stipulations n'ont pas été remises en cause par la convention signée le 2 février 2015 dont le préambule précise même qu'elle " reprend les conditions et éléments contractuels définis précédemment ". En l'espèce, et alors, ainsi qu'il est jugé au point 18, que les relations contractuelles entre la commune de Lirac et la société ATC France doivent se poursuivre, les équipements techniques, au nombre desquels se trouve le mât de télécommunications, demeurent la propriété de la société ATC France conformément au contrat. Par suite, cette circonstance fait obstacle à l'incorporation de cet équipement dans le domaine public communal. Il en résulte que la commune de Lirac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes, par l'article 3 de son jugement, a annulé la délibération du conseil municipal du 11 décembre 2020 en tant qu'elle prononce l'incorporation au domaine public communal du mât de télécommunications.

En ce qui concerne la fixation de nouveaux tarifs de redevance annuelle au titre de l'occupation de la parcelle B n° 587 :

21. Il résulte de l'instruction que l'article 2 de la convention signée le 27 mai 2004 prévoyait que le montant de la redevance serait de 5 500 euros " nets " et que l'article 9 de l'annexe 1 " Conditions générales " de cette même convention stipulait que le montant de la redevance serait indexé sur l'indice national du coût de la construction. L'article 8 de la convention du 2 février 2015 a porté le montant de la redevance annuelle à la somme de 7 416, 39 euros, avec un mécanisme d'indexation prévu à l'article 9 de la même convention. Dès lors que le présent arrêt ordonne la poursuite des relations contractuelles issues de la convention signée le 2 février 2015, les conclusions de la commune de Lirac tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué, annulant la délibération en litige du 11 décembre 2020 en tant qu'elle fixait de nouveaux tarifs de redevance annuelle au titre de l'occupation de la parcelle B n° 587 pour les années 2016 à 2020, doivent être rejetées.

22. Il résulte de tout ce qui précède, que la société ATC France est fondée à soutenir que la résiliation de la convention du 2 février 2015, par la délibération du 11 décembre 2020, est infondée et à demander qu'il soit enjoint à la commune de Lirac de reprendre les relations contractuelles issues de cette convention. Il en résulte également que la requête de la commune de Lirac doit être rejetée.

Sur les frais liés aux litiges :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société ATC France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Lirac au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Lirac une somme totale de 2 000 euros à verser à la société ATC France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101812 du 17 octobre 2023 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a rejeté pour tardiveté les conclusions présentées par la société ATC France dirigées contre la délibération du 11 décembre 2020 du conseil municipal de Lirac en tant qu'elle prononce la résiliation de la convention d'occupation du domaine public du 2 février 2015.

Article 2 : La résiliation de la convention du 2 février 2015 prononcée par la délibération du 11 décembre 2020 du conseil municipal de Lirac est déclarée infondée.

Article 3 : Il est ordonné la reprise des relations contractuelles entre la société ATC France et la commune de Lirac sur le fondement de la convention du 2 février 2015.

Article 4 : La commune de Lirac versera à la société ATC France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La requête n° 2302989 de la commune de Lirac et ses conclusions présentées dans la requête n° 2303000 sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société ATC France et à la commune de Lirac.

Délibéré après l'audience du 11 février 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 23TL02989 et 23TL03000 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02989
Date de la décision : 04/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Contrats et concessions.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Interruption et prolongation des délais - Interruption par un recours administratif préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SELARL COUPE PEYRONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-04;23tl02989 ?
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