Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Rennes-le-Château a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation du département de l'Aude au paiement de la somme de 121 035 euros, correspondant au coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres affectant le mur de soutènement du " chemin gaulois ", de la somme de 41 952,42 euros correspondant au coût des travaux de réfection de ce mur et de la somme de 5 861,03 euros correspondant au montant de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle n'a pas récupéré lors des travaux effectués pour mettre fin aux désordres.
Par un jugement n° 2203627 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le département de l'Aude à verser à la commune de Rennes-le-Château la somme de 8 390,48 euros en réparation des préjudices subis, la somme de 301,72 euros en application de l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que la somme de 3 223,12 euros au titre des frais d'expertise.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2023, et un mémoire en réplique du 5 avril 2024, la commune de Rennes-le-Château, représentée par Me Conquet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;
2°) la condamnation du département de l'Aude au paiement de la somme de 121 035 euros hors taxes correspondant au coût des aménagements nécessaires pour remédier aux désordres, la somme de 41 952,42 euros hors taxes correspondant au coût des travaux de réfection du mur de soutènement ainsi qu'une somme de 5 861,03 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle n'a pas récupérée lors des travaux réalisés ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Aude la somme de 16 115, 60 euros au titre des frais de l'expertise judiciaire ;
4°) de rejeter l'appel incident présenté par le département de l'Aude ;
5°) de mettre à la charge du département de l'Aude une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Rennes-le-Château soutient que :
- à titre principal, la responsabilité sans faute du département de l'Aude doit être engagée sur le fondement des dommages causés par les ouvrages publics dont il a la garde, la commune ayant la qualité de tiers vis-à-vis de ces ouvrages ;
- en l'espèce, le département a fait réaliser, en bordure de la route départementale 52, un ouvrage busé traversant qui récupère l'ensemble des eaux pluviales et les canalise vers le " chemin gaulois " ; cette situation a été à l'origine des deux sinistres subis sur le " chemin gaulois " et sur le mur de soutènement en 2018 et 2019, et pourrait être à l'origine de nouveaux sinistres dont la cause ne peut être attribuée à des épisodes pluvieux présentant le caractère de la force majeure ; il en est ainsi alors même que les intempéries d'octobre 2018 et d'octobre 2019 ont été reconnues par l'Etat au titre des catastrophes naturelles ;
- c'est donc à bon droit que le tribunal administratif a reconnu la responsabilité du département de l'Aude ;
- c'est, en revanche, à tort que les premiers juges ont considéré qu'il y avait lieu de laisser à la charge de la commune 80 % du montant des dommages, et donc 20% seulement de ce montant à la charge du département de l'Aude ; en effet, l'expert désigné par le tribunal administratif n'évoque pas de carence fautive de la commune ayant contribué aux désordres en litige ; l'expert a estimé au contraire qu'en temps normal, l'évacuation des eaux pluviales de la commune ne pose pas de problème, les désordres n'étant intervenus que lors des épisodes pluvieux exceptionnels d'octobre 2018 et d'octobre 2019 reconnus par l'Etat au titre des catastrophes naturelles ; l'expert relève par ailleurs que c'est l'ouvrage public appartenant au département, situé en bordure de la route départementale 52, qui dévie les eaux pluviales vers le " chemin gaulois " ; la circonstance invoquée par le département selon laquelle 99 % des volumes d'eaux pluviales se déversant sur le " chemin gaulois " auraient pour origine des eaux pluviales provenant du village doit être écartée dès lors que c'est l'ouvrage départemental qui canalise les eaux pluviales vers le chemin ;
- dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a reconnu l'existence d'une faute de la commune, une telle faute n'étant pas retenue par l'expert dans son rapport ;
- sans la dérivation des eaux communales par l'ouvrage départemental se trouvant à la sortie du village, et sans la canalisation départementale transportant ces eaux, située en en bordure de la route départementale 52, aucun désordre ne serait survenu ; la responsabilité du département de l'Aude doit dès lors être entièrement retenue dans la survenance des désordres subis par la commune ;
- la commune de Rennes-le-Château ne compte par ailleurs que 91 habitants et ne peut supporter le coût des désordres subis dont seul le département de l'Aude est responsable ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité pour faute du département de l'Aude doit être engagée pour défaut d'entretien des dépendances de la voirie départementale, alors même que cette voie traverse la commune, au regard des articles 640 et 641 du code civil, dont les juridictions administratives font application ; il doit en aller ainsi dès lors que le département ne dispose d'aucune servitude de passage sur les propriétés de la commune, qui lui aurait permis de déverser les eaux pluviales sur le " chemin gaulois " ;
- le coût des travaux permettant de faire cesser le ruissellement des eaux pluviales sur le " chemin gaulois " doit être fixé à 121 035 euros toutes taxes comprises ;
- la réparation des désordres touchant le mur de soutènement doit être fixée à 41 952,42 euros toutes taxes comprises ;
- le montant de l'indemnisation au titre des travaux de reprise des désordres doit être majoré de la somme de 5 861,03 euros toutes taxes comprises afin que la commune puisse récupérer la taxe sur la valeur ajoutée, fixée à 16,404%, dans les conditions posées par l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales ;
- l'appel incident présenté par le département de l'Aude doit être rejeté.
Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2024, le département de l'Aude, représenté par Me Lambert, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il le condamne à verser à la commune de Rennes-le-Château la somme de 8 390,48 euros en réparation de ses préjudices et la somme de 301,72 euros en application de l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales, ainsi que la somme de 3 223,12 euros au titre des frais d'expertise ; en conséquence, de rejeter les conclusions de la commune ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en tant qu'il retient une part de responsabilité du département à hauteur de 20% du montant des désordres et de fixer cette part, concernant le coût des travaux de reconstruction du mur de soutènement, à hauteur de 1% de ce montant ;
3°) à titre très subsidiaire, de confirmer le jugement du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Montpellier et de rejeter la requête d'appel de la commune de Rennes-le-Château ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Rennes-le-Château la somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Le département de l'Aude soutient que :
- sa responsabilité ne peut être engagée au regard des articles 640 et 641 du code civil dès lors que ces articles ne s'appliquent que lorsque les eaux pluviales s'écoulent naturellement, et non, comme en l'espèce, dans le cas où " la main de l'homme " y a contribué par la création d'ouvrages ;
- par ailleurs, le lien de causalité direct et certain entre les dommages subis et la présence de l'ouvrage public n'est pas établi dès lors que ces dommages ont pour cause essentielle les eaux provenant du territoire communal, lequel ne dispose pas de réseau destiné à les capter alors que l'existence et l'entretien d'un tel ouvrage sont de la responsabilité de la commune ; ces eaux provenant du territoire communal, en sortie du village, représentent 99 % des volumes d'eaux pluviales ; de plus, les désordres en litige sont dus également à des évènements climatiques exceptionnels ;
- cette absence de lien de causalité se déduit également du fait que l'expert préconise la création, pour un coût de près de 130 842 euros, d'un ouvrage destiné à capter les eaux pluviales du bassin communal pour les dévier vers le versant Nord de la commune, vers " la vallée de Sals " ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le fonctionnement comme le positionnement de la buse ne constituent pas le fait générateur des dommages dès lors que ces derniers ne surviennent que dans des circonstances exceptionnelles qui sont exclusivement liées à des phénomènes de catastrophes naturelles ; l'ouvrage départemental incriminé par la commune a été réalisé depuis environ une cinquantaine d'années, et il n'est allégué aucun dommage autre que ceux qui se sont produits en octobre 2018 et en octobre 2019 ;
- par ailleurs, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que les dommages invoqués par la commune de Rennes-le-Château présentaient un caractère accidentel, dispensant par là-même cette dernière d'établir l'existence d'un préjudice anormal et spécial ; le caractère spécial du préjudice n'est pas établi compte tenu de la reconnaissance, par des arrêtés ministériels, d'un état de catastrophe naturelle rendant la commune éligible au dispositif applicable à la totalité des communes sinistrées du département de l'Aude ;
- la commune doit également être regardée comme fautive du fait de l'absence de mise en place d'un dispositif d'évacuation des eaux pluviales, contrairement à ce qu'impose l'article L 2226-1 du code général des collectivités territoriales ;
- il n'est, par ailleurs, pas justifié de ce que l'ouvrage d'évacuation des eaux pluviales situé à la sortie du village appartiendrait au département, cette appartenance étant en tout état de cause sans incidence sur l'imputabilité des désordres dès lors que 99 % des volumes d'eaux pluviales se déversant sur le " chemin gaulois " ont pour origine des eaux pluviales provenant du village ;
- il ne peut être mis à la charge du département une part de responsabilité à hauteur de 20% comme l'a jugé le tribunal administratif, seule une part de responsabilité à hauteur de 1% pouvant, le cas échéant, être retenue ;
- en ce qui concerne l'évaluation des préjudices qui auraient été subis par la commune de Rennes-le-Château, l'estimation par l'expert, à la somme de 121 035 euros hors taxes, du coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres constatés ne peut être retenue dès lors que la solution préconisée vise à intervenir en amont sur la captation des eaux pluviales à la sortie du village et non sur l'exutoire se trouvant sur la route départementale 52 ; en ce qui concerne les coûts de reprise du mur de soutènement, le devis d'un montant de 41 952,42 euros hors taxes, au demeurant prohibitif, correspondant au coût des travaux de réfection du mur de soutènement, ne peut être retenu alors même que l'expert propose qu'il soit réduit à hauteur de 10 % dès lors qu'il ne porte pas sur la reconstruction du mur à l'identique ;
- à titre très subsidiaire, le département pourrait seulement être condamné à prendre en charge 1% du coût des travaux de réfection du mur de soutènement et 1% des frais et honoraires de l'expert judiciaire.
Par une ordonnance du 27 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 janvier 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Conquet pour la commune de Rennes-le-Château.
Considérant ce qui suit :
1. En contrebas de la commune de Rennes-le-Château (Aude), se trouve la route départementale n° 52, qui est jouxtée par un chemin communal, dit " chemin gaulois ", longé par un mur de soutènement en pierres sèches. En octobre 2018, à la suite de violentes intempéries, le mur de soutènement, propriété de la commune, s'est effondré sous la pression des eaux pluviales se déversant sur le chemin. La commune de Rennes-le-Château a entrepris des travaux de consolidation de ce mur. En octobre 2019, des intempéries se sont encore produites et le mur de soutènement s'est à nouveau effondré. Les intempéries d'octobre 2018 et d'octobre 2019 ont été reconnues par l'Etat au titre des catastrophes naturelles par des arrêtés ministériels des 17 octobre 2018 et 12 décembre 2019. Estimant que les désordres affectant le chemin et le mur de soutènement résultaient des ouvrages d'écoulement des eaux pluviales se trouvant sur la route départementale n°52, la commune a obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier la désignation d'un expert, lequel a remis son rapport le 2 février 2022. A la suite du rejet, par le département de l'Aude, de sa demande indemnitaire présentée le 14 mars 2022, la commune de Rennes-le-Château a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation du département de l'Aude à lui verser, tous chefs de préjudices confondus, la somme de 168 848,45 euros à titre de dommages et intérêts.
2. La commune de Rennes-le-Château relève appel du jugement n° 2203627 du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a limité la condamnation du département de l'Aude à la somme de 8 390,48 euros au titre des travaux de reprise du mur de soutènement, à la somme de 301,72 euros le montant de la compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée non récupérée en application de l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales et à la somme de 3 223,12 euros au titre des frais d'expertise. Le département de l'Aude, par la voie de l'appel incident, conclut à l'annulation du jugement et au rejet de la requête de la commune.
Sur les responsabilités :
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
3. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics, dont il a la garde, peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Et il appartient au tiers, victime d'un dommage lié à la présence d'un ouvrage public de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, l'ouvrage public et, d'autre part, le dommage dont il se plaint. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel. Enfin le maître d'ouvrage ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les dommages subis par la commune du fait de l'effondrement du mur de soutènement le long du " chemin gaulois " ne trouvent pas leur origine dans la conception même de l'ouvrage d'évacuation des eaux pluviales se trouvant en bordure de la route départementale n° 52, par lequel transitent une partie des eaux pluviales descendant du village, mais résultent de l'intensité des pluies qui se sont abattues sur la commune lors des intempéries survenues en octobre 2018 et 2019. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le département de l'Aude, ces dommages doivent être regardés comme présentant un caractère accidentel, et pour en obtenir réparation, la commune n'a, en tout état de cause, pas à établir qu'ils revêtent un caractère anormal et spécial.
5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 640 du code civil que la règle selon laquelle les fonds inférieurs sont assujettis à une servitude d'écoulement des eaux ne s'applique qu'aux relations entre des propriétaires privés et, en outre, lorsque les eaux se déversent naturellement des fonds supérieurs " sans que la main de l'homme y ait contribué ". Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors qu'une partie des eaux pluviales à l'origine des dommages transitent, ainsi qu'il est dit au point 4, par l'ouvrage public se trouvant en bordure de la route départementale n° 52. Par suite, la commune ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 640 du code civil à l'appui de sa demande de réparation.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du diagnostic hydraulique effectué au cours des opérations d'expertise, que les dommages en litige ont pour cause l'importance des débits d'eau de ruissellement provenant du village à la suite des épisodes pluvieux intenses qui se sont produits en octobre 2018 et en octobre 2019. Selon les conclusions du rapport d'expertise, 99 % des volumes d'eaux qui se sont abattus sur le chemin et son mur de soutènement proviennent directement du bassin versant communal (17 441 m2), les 1% restants provenant du bassin versant départemental (160 m2) qui a, en réalité, capté et rejeté une infime partie des volumes d'eaux déversées. Il résulte ainsi de l'instruction que les dommages dont la commune demande réparation ne se seraient pas produits si le chemin du " gaulois " et le mur de soutènement n'avaient recueilli que les eaux provenant du bassin versant départemental. Dans ces conditions, le lien de causalité - alors même que la commune n'était pas tenue de créer son propre réseau d'évacuation des eaux pluviales ainsi qu'il est dit au point 8 ci-dessous - entre les dommages subis par la commune et le positionnement de l'ouvrage public départemental d'évacuation des eaux pluviales de la route départementale n° 52 ne peut être regardé comme établi, même partiellement.
7. Le département de l'Aude est dès lors fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que sa responsabilité sans faute était engagée à hauteur de 20 % du montant des dommages subis par la commune de Rennes-le-Château. Il s'ensuit, par voie de conséquence, que la commune n'est pas fondée à demander, par son appel principal, la condamnation du département de l'Aude à l'indemniser de la totalité de ses dommages.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
8. La commune de Rennes-le-Château, si elle fait valoir l'existence d'une faute qui aurait été commise par le département de l'Aude, se borne à se prévaloir de l'article 640 du code civil assujettissant les fonds inférieurs à une servitude d'écoulement des eaux lequel, ainsi qu'il est dit au point 5 du présent arrêt, est inapplicable en l'espèce. Il en est de même, pour des motifs identiques, pour l'article 641 du code civil.
9. Par ailleurs, la circonstance que les dispositions de l'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer aux communes la réalisation de réseaux d'évacuation des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire ne permet pas à la commune de Rennes-le-Château de prétendre que la responsabilité du département doit être engagée en l'espèce dès lors que, ainsi qu'il est dit au point 6, les dommages litigieux ont pour origine les volumes d'eaux provenant à 99 % du bassin versant communal. En l'absence de lien de causalité entre l'ouvrage départemental et le dommage, la responsabilité du département de l'Aude ne peut non plus être engagée, en tout état de cause, au titre de la responsabilité pour faute.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le département de l'Aude est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué qui le condamne à verser à la commune de Rennes-le-Château la somme de 8 390,48 euros en réparation des préjudices subis du fait des désordres en litige, la somme de 301,72 euros en application de l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales au titre de la taxe sur la valeur ajoutée non récupérée, ainsi que la somme de 3 223,12 euros au titre des frais d'expertise. Il résulte également de ce qui vient d'être dit que la requête d'appel de la commune de Rennes-le-Château doit être rejetée.
Sur les frais d'expertise :
11. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ".
12. Compte tenu du rejet de l'ensemble des conclusions présentées par la commune de Rennes-le-Château à l'encontre du département de l'Aude, il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre les frais d'expertise, taxés à la somme de 16 115,60 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive de la commune de Rennes-le-Château, partie perdante.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application au bénéfice de la commune de Rennes-le-Château, partie perdante au présent litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Rennes-le-Château une somme de 1 500 euros à verser au département de l'Aude au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2203627 du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La requête de la commune de Rennes-le-Château est rejetée.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés à la somme de 16 115,60 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de la commune de Rennes-le-Château.
Article 4 : La commune de Rennes-le-Château versera au département de l'Aude une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rennes-le-Château et au département de l'Aude. Copie en sera adressée à M. B... A..., expert.
Délibéré après l'audience du 11 février 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Aude et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23TL02813 2