Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée J-L International a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision du 25 mai 2020 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé l'entreprise Vortex à procéder au transfert du contrat de travail de Mme B... A..., salariée protégée, d'autre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant quatre mois par la ministre du travail sur son recours hiérarchique, et enfin la décision du
30 décembre 2020 par laquelle le ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique et confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 25 mai 2020.
Par un jugement n° 2005785, 2200207 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions en annulation de la décision implicite de rejet de la ministre du travail et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 février 2023 et le 17 juin 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société J-L International, représentée par Me Cazelles, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 décembre 2022 ;
2°) d'annuler les décisions du 25 mai 2020 et du 30 décembre 2020 en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- ce jugement qui s'est abstenu de répondre, d'une part, à ses conclusions, présentées dans sa demande n° 2005785, en annulation de la décision implicite de rejet de la ministre du travail opposée à sa demande de communication des motifs de cette décision et, d'autre part, au moyen soulevé dans son mémoire en réplique du 20 octobre 2022, produit avant la clôture de l'instruction, tiré de ce que Mme A... ne satisfaisait pas aux conditions légales prévues à l'article 2.3 de l'accord collectif du 7 juillet 2009, relatif à la garantie d'emploi et à la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataire dans le transport interurbain de voyageurs, est insuffisamment motivé ;
- en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, ce jugement omet de viser, d'une part, les mémoires échangés dans la procédure initialement enregistrée devant le tribunal administratif de Lyon et, d'autre part, le moyen soulevé dans son mémoire du 20 octobre 2022 ;
- en ne communiquant pas son mémoire en réplique du 20 octobre 2022, produit avant la clôture de l'instruction, alors qu'il soulevait un moyen tiré de ce que Mme A... ne satisfaisait pas aux conditions légales prévues à l'article 2.3 de l'accord collectif du 7 juillet 2009, les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- les décisions du 25 mai 2020 et du 30 décembre 2020 sont insuffisamment motivées ;
- ces décisions ne sont pas légalement fondées dès lors que Mme A... ne remplissait pas les conditions posées par l'article 2.3 de l'accord collectif du 7 juillet 2009 applicable pour bénéficier de la garantie d'emploi du personnel affecté au marché ;
- à titre subsidiaire, les conditions du transfert posées par l'article 2.5 de l'accord collectif en cause n'ont pas été respectées, le nom de Mme A... ne figurant pas dans la liste des salariés repris qui devait lui être adressée par le prestataire sortant dans un délai de 48 heures ;
- du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail, la décision du ministre du travail doit être annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Campagnolo, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société J-L International la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est pas irrégulier ;
- ce jugement s'est prononcé de façon explicite sur les conclusions de la société demanderesse tendant à obtenir l'annulation de la décision implicite de refus opposée à sa demande de communication des motifs de cette décision ;
- elle n'a pas reçu communication du mémoire de la société demanderesse du 20 octobre 2022, visé dans le jugement attaqué, et produit antérieurement à la clôture de l'instruction ; toutefois, dès lors que ce mémoire ne contenait aucun moyen nouveau et n'apportait aucun élément nouveau, le jugement attaqué n'est pas vicié par le défaut d'analyse de ce mémoire ;
- l'absence de visa des mémoires échangés dans le cadre de l'instance n° 2100336, qui s'est tenue devant le tribunal administratif de Lyon, n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué ;
- dès lors que la ministre du travail avait pris une décision explicite de rejet, laquelle s'est substituée à sa décision implicite de rejet, le tribunal a régulièrement prononcé un non-lieu à statuer concernant les conclusions en annulation dirigées contre cette décision implicite de rejet de la ministre du travail ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- les décisions attaquées sont suffisamment motivées ; la société appelante ne justifie pas de l'envoi et de la réception du courrier qu'elle aurait adressé à l'administration pour solliciter les motifs de la décision implicite de rejet de la ministre ; de plus, la décision explicite de la ministre du travail s'est substituée à la décision implicite de rejet ;
- les conditions posées par l'article 2.5 de l'accord du 7 juillet 2009 en litige ont été respectées ; le délai de 48 heures prévu par cet article ne concerne que la liste du personnel affecté au marché repris, laquelle est complétée ultérieurement par la copie des documents visés par cet article ; son entier dossier comportant l'ensemble des documents requis a été transmis à la société appelante le 13 mai 2020 ;
- les conditions posées par l'article 2.3 de l'accord du 7 juillet 2009 litigieux ont été respectées dès lors qu'elle était exclusivement affectée sur le marché transféré ; de plus, ses bulletins de salaires produits par la société appelante établissent qu'elle n'a pas été absente depuis quatre mois ou plus à la date de fin du marché.
Par un mémoire enregistré le 20 juin 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.
Elle s'en remet à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 17 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 9 octobre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Cardon, substituant Me Cazelles, représentant la société
J-L International.
Considérant ce qui suit :
1. La société Vortex, qui employait 1 745 salariés, avait pour activité principale le transport scolaire pour le compte de départements et le transport d'enfants scolarisés en instituts médico-éducatifs. Elle avait, en 2017, recruté Mme A... en qualité de conductrice de bus en période scolaire dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Par deux jugements rendus le 29 avril 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a placé la société Vortex en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 22 juin 2020. En application de l'accord collectif du 7 juillet 2009, annexé à la convention collective des transports routiers et instituant une garantie d'emploi en cas de perte de marché, l'administrateur judiciaire de la société Vortex a demandé le transfert du contrat de travail de Mme A..., qui était depuis 2019 membre suppléante du comité social et économique de cette société, au profit de la société J-L International. Par une décision du 25 mai 2020, l'inspecteur du travail a autorisé le transfert du contrat de travail de Mme A... à la société J-L International. Celle-ci a formé à l'encontre de cette décision un recours hiérarchique, reçu le 17 juin 2020 par la ministre du travail, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet le 24 octobre 2020. Par une lettre du 27 octobre 2020, la société J-L International a demandé à la ministre du travail de lui communiquer les motifs de la décision implicite de rejet. Par une décision du 30 décembre 2020, la ministre du travail a expressément autorisé le transfert du contrat de travail de Mme A... et a confirmé la décision de l'inspecteur du travail. Par la présente requête, la société J-L International relève appel du jugement du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions en annulation de la décision implicite de rejet de la ministre du travail et a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse (...) mémoires (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le défaut d'analyse d'un mémoire apportant des éléments nouveaux, produit avant la clôture de l'instruction, est de nature à vicier la régularité du jugement. De même l'omission de répondre à un moyen, qui n'est pas inopérant, soulevé dans un mémoire rend le jugement insuffisamment motivé et l'entache ainsi d'irrégularité.
5. Il ressort des pièces du dossier que la société J-L International a produit, devant le tribunal, avant la clôture de l'instruction intervenue le 26 octobre 2022, un mémoire récapitulatif enregistré par le greffe le 20 octobre 2022. Ce mémoire comportait un moyen nouveau tiré de la méconnaissance, par les décisions en litige, de l'article 2.3 de l'accord du 7 juillet 2009, relatif à la garantie d'emploi et à la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataire dans le transport interurbain de voyageurs, lequel reposait sur une cause juridique identique à celle des autres moyens auparavant soulevés dans le délai de recours contentieux et était, dès lors, recevable. Si ce mémoire, non communiqué, a été visé par les premiers juges, ces derniers n'ont toutefois pas analysé dans leurs visas le moyen nouveau qu'il contenait et n'ont pas répondu dans leur jugement à ce moyen alors qu'il n'était pas inopérant. Par suite, la société J-L International est fondée à soutenir qu'en omettant de répondre à ce moyen, le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité.
6. Il en résulte que la société appelante est fondée à demander l'annulation de ce jugement sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité de la requête. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de se prononcer immédiatement sur la demande de la société J-L International.
Sur la requalification des conclusions dirigées contre les décisions implicites de rejet de la ministre du travail du recours hiérarchique de la société et de la demande de communication des motifs du rejet de ce recours :
7. D'une part, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ".
8. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande de transfert d'un contrat d'un salarié protégé en exécution d'un accord collectif, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de transfert du contrat de travail compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Si le silence gardé par l'administration sur un recours hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, se substitue à la première décision.
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ".
10. Il résulte des dispositions précitées que si le silence gardé par la ministre du travail sur le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge administratif, une décision explicite de rejet du ministre du travail intervenue postérieurement, y compris le cas échéant en cours d'instance et qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision prise implicitement par le ministre du travail sur le recours administratif qui lui a été adressé. Il en résulte que, dans une telle hypothèse, des conclusions contestant cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.
11. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. " Aux termes de l'article 7 de cette ordonnance : " (...). Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. (...) "
12. Il ressort des pièces du dossier que la société J-L International a formé, le 15 juin 2020, un recours hiérarchique, reçu le 17 juin 2020, à l'encontre de la décision du 25 mai 2020 de l'inspecteur du travail autorisant le transfert dans ses effectifs du contrat de travail de
Mme A.... Conformément à l'article 7 précité de l'ordonnance du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, le point de départ du délai au terme duquel une décision implicite de rejet du recours hiérarchiques est née, a été reporté au 23 juin 2020 à minuit. Il en résulte qu'une décision implicite de rejet du recours hiérarchique est née le 24 octobre 2020. Ensuite, par une lettre du 27 octobre 2020, la société J-L International a demandé à la ministre du travail de lui communiquer les motifs de cette décision implicite de rejet. Toutefois, la ministre du travail a pris, le 30 décembre 2020, une décision expresse de rejet du recours hiérarchique qui s'est substituée à la précédente décision implicite de rejet. Il en résulte que les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet née le 24 octobre 2020 doivent être regardées comme dirigées contre décision explicite de rejet et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration en ne communiquant pas à la requérante les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois prévu par ces même dispositions.
Sur les conclusions en annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 25 mai 2020 :
13. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-17 du code du travail : " La demande d'autorisation de transfert prévue à l'article L. 2421-9 est adressée à l'inspecteur du travail quinze jours avant la date arrêtée pour le transfert. Elle est transmise par voie électronique selon les modalités prévues aux articles R. 112-9 à R. 112-9-2 du code des relations entre le public et l'administration ou par lettre recommandée avec avis de réception en deux exemplaires. L'inspecteur du travail met à même le salarié de lui présenter ses observations écrites, et sur sa demande, des observations orales. A cette occasion, le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. Sans préjudice des dispositions précédentes, l'inspecteur du travail peut en outre procéder à une enquête contradictoire telle que définie au premier alinéa de l'article R. 2421-11. Les dispositions du troisième alinéa de l'article R. 2421-11 et celles de l'article R. 2421-12 s'appliquent. " Aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) "
14. La décision attaquée comporte l'ensemble des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Cette décision vise, en particulier, l'accord du 7 juillet 2009, relatif à la garantie d'emploi et à la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataires dans le transport interurbain de voyageurs, tel que modifié par l'avenant n° 1 du 20 septembre 2013. La société J-L International soutient néanmoins que cette décision serait insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne se prononce pas sur le respect des stipulations de l'article 2.5 de cet accord. Toutefois, l'administration n'était pas tenue de se prononcer explicitement sur l'ensemble des conditions posées par cet article qui concerne en outre les démarches que l'ancien prestataire est tenu d'effectuer au titre de son obligation de fournir au nouveau prestataire la liste du personnel concerné par le transfert. Par ailleurs, l'administration a expressément indiqué que Mme A... remplissait l'ensemble des conditions conventionnellement prévues par l'article 2.3 pour le maintien dans l'emploi d'un salarié affecté au marché faisant l'objet de la reprise. Dès lors, l'inspecteur du travail a exposé avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait de sa décision, permettant à la société J-L International d'en mesurer la portée, et le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit ainsi être écarté.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2.3 de l'accord du 7 juillet 2009 : " Conditions d'un maintien dans l'emploi - Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise lorsqu'il remplit les conditions cumulatives suivantes : - être affecté sur le marché depuis au moins 6 mois et ne pas être absent depuis 4 mois au plus à la date de fin du marché, (...). Cette condition s'apprécie sur les 6 mois qui précèdent la date de la fin du marché ". Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que la fin du marché attribué à l'ancien prestataire est intervenue le 11 mai 2020.
16. Aux termes de l'article L. 1255-55 du code du travail : " A l'issue du congé parental d'éducation (...), le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire (...) " Aux termes de l'article R. 4624-31 de ce code, dans sa version alors applicable : " Le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail : 1° Après un congé de maternité ; (...) Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise. "
17. La société Vortex qui avait recruté, le 22 septembre 2017, Mme A... pour exercer les fonctions de conductrice en période scolaire, a intégré le nom de cette dernière dans la liste des personnes dont le contrat de travail devait être transféré à la société J-L International au motif que Mme A... était affectée à l'exécution du lot n° 34, correspondant au marché repris par cette dernière société.
18. Si la société appelante soutient que Mme A... n'était pas, en réalité, affectée à l'exécution du lot n° 34, elle n'établit cependant pas cette allégation en se bornant à produire des fiches de circuit de ramassage scolaire, établies au nom d'autres conducteurs que Mme A... et pour un circuit effectué le 11 mai 2020, soit une date correspondant au transfert du marché. De même, la circonstance alléguée par la société selon laquelle Mme A... habite à plusieurs dizaines de kilomètres des écoles desservies ne permet pas, à elle seule, d'estimer qu'elle ne pouvait être affectée à l'exécution du lot n° 34. De plus, s'il n'est certes pas contesté par Mme A... qu'elle a bénéficié d'un congé parental à temps plein à compter du 8 novembre 2018, il ressort des pièces du dossier qu'une visite de reprise a été organisée par le médecin du travail le 9 janvier 2020 dans le cadre de l'article R. 4624-31 du code de travail. En application de cet article, Mme A... doit être regardée comme ayant réintégré ses fonctions de chauffeur accompagnateur au plus tard le 9 janvier 2020. De plus, la circonstance que cette dernière ait été placée en congé parental, lequel est un droit légalement reconnu, ne permet pas, par elle-même, de la faire regarder comme n'étant plus affectée sur ce marché depuis au moins six mois au 11 mai 2020, date du transfert du marché. Dès lors, Mme A... doit être regardée comme étant affectée depuis plus de six mois à l'exécution du marché repris par la société J-L International à la date du transfert de ce marché.
19. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des bulletins de salaire établis par la société Vortex, que Mme A... avait repris son activité de conductrice en période scolaire au plus tard le 9 janvier 2020. Dès lors, Mme A... n'était pas absente depuis quatre mois au plus à la date de la fin du marché, intervenue le 11 mai 2020. Il en résulte que
Mme A... remplissait les conditions posées à l'article 2.3 de l'accord du 7 juillet 2009 précité pour que son emploi soit maintenu et que son contrat de travail soit transféré à la société appelante. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision de l'inspecteur du travail serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 2.3 de cet accord ne peuvent qu'être écartés.
20. En troisième lieu, aux termes de l'article 2.5 de l'accord du 7 juillet 2009 relatif à la garantie d'emploi et poursuite des relations de travail en cas de changements de prestataire dans le transport interurbain de voyageurs : " Fourniture de la liste du personnel concerné par le transfert par " l'ancien prestataire " - " L'ancien prestataire est tenu d'établir une liste de tout le personnel affecté au marché repris, en faisant ressortir les salariés remplissant les conditions énumérées à l'article 2.3 " Conditions d'un maintien dans l'emploi " du présent accord. Cette liste contiendra, pour chaque personne bénéficiant de la garantie d'emploi, le détail de sa situation individuelle, conformément au modèle figurant en annexe. Elle sera communiquée obligatoirement " au nouveau prestataire " dans les plus brefs délais et au plus tard 40 jours avant le début du marché si le délai de 45 jours prévu à l'article 2.2 " Modalités entre entreprises du présent accord est respecté. Dans le cas contraire, cette communication sera effectuée 48 heures (hors dimanche et fêtes) à compter du moment où elle sera informée de l'attribution du marché. Si l'ancien prestataire ne communique pas les informations prévues par le présent article dans les délais visés ci-dessus, et fournit une réponse incomplète ou laisse sans réponse une demande formelle du nouveau prestataire, ce dernier est délivré de ses obligations à son égard. Dans ce cas, le salarié reste à la charge de l'ancien prestataire. (...) La liste du personnel sera complétée, ultérieurement, de la copie des documents suivants : les 12 derniers bulletins de paye, l'attestation du nombre de jours de congés payés acquis restant à prendre (...), la dernière attestation de suivi médical, la copie du contrat de travail et, le cas échéant de ses avenants, la copie des titres et diplômes, permis de conduire (...), l'attestation d'emploi (...) "
21. Il résulte de ces stipulations que le délai de 48 heures imparti à l'ancien prestataire ne concerne que l'établissement de la liste du personnel concerné par le transfert. La communication par l'ancien prestataire de la copie des documents, tels que les bulletins de paie et autres pièces propres à chaque salarié, destinés à compléter cette liste, n'est, quant à elle, enserrée dans aucun délai.
22. Il ressort des pièces du dossier que par courriel du jeudi 7 mai 2020 à 19H17, soit la veille d'un jour férié, la société Vortex, placée en liquidation judiciaire, a été informée par le département de la Loire des nouveaux attributaires de huit de ses lots, dont le lot n° 34. Par un courrier recommandé du lundi 11 mai 2020, la société Vortex a adressé à la société J-L International, attributaire de ces lots, la liste, figurant dans un tableau, des conducteurs affectés à ces services, au sein de laquelle figurait le nom de Mme A.... Il ressort ainsi des pièces du dossier que la société Vortex a transféré la liste du personnel affecté au marché repris à la société appelante dans le délai de 48 heures à compter de l'information de l'attribution du marché n° 34 conformément aux exigences de l'article 2.5 précité de l'accord du 7 juillet 2009. En revanche, il résulte du point 21 ci-dessus que la circonstance que l'ensemble des documents et notamment la copie des bulletins de paie n'aient été transmis à la société appelante que le 3 juin 2020, soit près d'un mois après la date du transfert du marché, n'est pas de nature à établir une méconnaissance des stipulations de l'article 2.5 de l'accord collectif. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision de l'inspecteur du travail serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 2.5 de cet accord ne peuvent qu'être écartés.
Sur les conclusions en annulation de la décision explicite de la ministre du travail du 30 décembre 2020 :
23. En premier lieu, la décision du 30 décembre 2020 indique, notamment, que
Mme A... répond aux conditions exigées par l'accord du 7 juillet 2009 pour bénéficier d'un transfert de son contrat de travail et que les informations transmises par l'ancien prestataire à la société J-L International l'ont été dans des conditions qui ne sont pas contraires à l'article 2.5 de cet accord. Par suite, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
24. En deuxième lieu, par sa décision expresse de rejet du 30 décembre 2020, la ministre du travail n'a pas procédé au retrait de sa décision implicite de rejet née de son silence gardé sur le recours hiérarchique de la société J-L International pendant quatre mois, mais a confirmé explicitement cette dernière décision. Aucune disposition ne fixe un délai de deux mois à l'administration pour prendre une décision expresse de rejet confirmative d'une précédente décision implicite de rejet. Par suite, le moyen tiré de ce que la ministre du travail aurait méconnu un délai de deux mois qui serait imparti à l'administration pour prendre une décision expresse de rejet ne peut qu'être écarté.
25. Pour les motifs exposés aux points 15 à 22, la décision attaquée ne méconnaît ni les stipulations de l'article 2.3 ni celles de l'article 2.5 de l'accord collectif du 7 juillet 2009, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations
26. Il résulte de tout ce qui précède que la société J-L International n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 25 mai 2020 de l'inspecteur du travail et de la décision du 30 décembre 2020 de la ministre du travail. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société appelante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
28. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société J-L International la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 décembre 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée en première instance par la société J-L International et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : La société J-L International versera à Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée J-L International, à Mme B... A... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience du 11 février 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président de chambre,
M. Bentolila, président assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00338