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18/02/2025 | FRANCE | N°23TL01239

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 18 février 2025, 23TL01239


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes l'a exclu définitivement de ses fonctions, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de le réintégrer dans ses fonctions et de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2100613 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes l'a exclu définitivement de ses fonctions, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de le réintégrer dans ses fonctions et de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2100613 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. B... C..., représenté par Me Debureau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2100613 du tribunal administratif de Nîmes du 28 mars 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes l'a exclu définitivement de ses fonctions ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier régional universitaire de Nîmes de le réintégrer ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la décision du directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes du 18 décembre 2020 est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du conseil de discipline mentionne que les membres du conseil étaient unanimes pour considérer que les faits nécessitaient une sanction, alors qu'il ressort du détail des votes qu'aucune proposition de sanction n'a recueilli l'accord de la majorité et que le président n'a pas soumis au vote la proposition qu'aucune sanction ne soit adoptée ;

- cette décision n'explique pas pourquoi l'administration a adopté une position différente de celle du conseil de discipline, et n'est donc pas motivée sur ce point ;

- la présence dans le conseil de discipline d'un membre qui n'était pas impartial a vicié la procédure ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation quant aux faits reprochés, la matérialité des faits n'étant pas établie, et quant à la sanction retenue, sanction la plus sévère.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2024, le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, représenté par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle se borne à reproduire le texte de la requête de première instance sans formuler aucune critique du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thuillier-Pena, représentant le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., agent de maîtrise au sein des effectifs du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, a été nommé stagiaire, par la voie du détachement, après obtention du concours interne, dans le grade de technicien hospitalier à compter du 1er janvier 2020, et a été affecté au service sécurité des biens et des personnes en qualité de chef d'équipe. Par décision du 18 décembre 2020, le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes a prononcé à l'encontre de M. C... une sanction d'exclusion définitive du service, dans son grade de détachement. Par jugement du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cette décision. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 19 de la même loi : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord. / Si aucune proposition de sanction n'est adoptée, le président propose qu'aucune sanction ne soit prononcée. / La proposition ayant recueilli l'accord de la majorité des membres présents est transmise par le président du conseil de discipline à l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Lorsque cette autorité prend une décision autre que celle proposée par le conseil, elle doit informer les membres du conseil des motifs qui l'ont conduite à ne pas suivre sa proposition. / Si aucune des propositions soumises au conseil de discipline n'obtient l'accord de la majorité des membres présents, son président en informe l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Si cette autorité prononce une sanction, elle doit informer le conseil des motifs qui l'ont conduite à prononcer celle-ci. ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire. Celle-ci statue par décision motivée. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline, saisi par l'autorité disciplinaire, a tenu sa séance le 14 décembre 2020, au cours de laquelle, d'après l'avis émis lors de la mise aux votes des propositions de sanction, en commençant par la plus sévère, deux membres se sont prononcés pour l'exclusion définitive et deux membres pour l'exclusion temporaire, et les quatre membres ont voté contre les deux sanctions les plus légères, avertissement et blâme, de sorte qu'aucune sanction n'a emporté la majorité des membres du conseil. Cet avis précise en outre que les membres du conseil de discipline étaient unanimes pour considérer que les faits nécessitaient une sanction. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de séance produit par le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, que le président du conseil de discipline a ensuite soumis au vote la proposition qu'aucune sanction ne soit adoptée, laquelle a fait l'objet d'un vote unanime défavorable des quatre membres du conseil. Dès lors, le vice de procédure tiré de ce que le président du conseil de discipline n'aurait pas mis aux votes la proposition qu'aucune sanction ne soit adoptée, en méconnaissance des dispositions rappelées au point précédent, doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., directrice des ressources et de l'organisation du travail, était présente à la séance du conseil de discipline du 14 décembre 2020 en tant que représentante de l'autorité disciplinaire, et non comme membre du conseil de discipline. Elle s'est ainsi exprimée devant le conseil de discipline pour exposer les observations de l'autorité disciplinaire et, au surplus, il ne ressort pas du procès-verbal de la séance qu'elle aurait alors fait preuve d'une animosité particulière à l'encontre de M. C.... Par suite, et alors qu'il n'est ni établi, ni même allégué, qu'elle aurait assisté ou participé aux débats internes du conseil de discipline, au délibéré et à la prise d'avis de ce dernier, M. C... ne peut utilement invoquer la partialité de l'intéressée.

6. En troisième lieu, les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, rappelées au point 2, imposent à l'autorité qui prononce la sanction l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent intéressé de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe. En revanche, il ne résulte ni de ces dispositions, ni de celles de l'article 11 du décret du 7 novembre 1989 qui rappelle l'exigence de motivation des sanctions disciplinaires, ni d'aucun principe, que l'autorité disciplinaire soit tenue de préciser, dans sa décision de sanction, les raisons pour lesquelles elle s'écarte de la proposition formulée par le conseil de discipline, dont les avis ne sont pas contraignants.

7. La décision attaquée vise les textes applicables ainsi que l'avis du conseil de discipline du 14 décembre 2020. Elle se fonde sur l'existence d'une accumulation de faits dénoncés par des agents du service, tenant à la tenue de propos et de gestes déplacés à connotation sexuelle, à l'encontre de collègues ou d'usagers, à la tenue de propos racistes et de propos dénigrants sur les femmes victimes de violences conjugales. Elle souligne le caractère récurrent de l'attitude en cause et le fait que les faits les plus récents ont été commis durant l'année 2020, et que les propos et le comportement de M. C... portent atteinte à la dignité des agents en raison de leur caractère répétitif, dégradant et humiliant. La décision attaquée relève en outre un manquement de l'intéressé à son obligation d'obéissance hiérarchique, du fait de la contestation, à plusieurs reprises des instructions de son supérieur hiérarchique, de l'édiction d'instructions en sens contraire à ses subordonnés, et notamment de la méconnaissance des instructions relatives au respect des gestes barrières relatifs à la lutte contre la Covid 19. La décision attaquée souligne enfin l'incompatibilité du comportement de M. C... avec ses fonctions d'encadrement et son niveau de responsabilité, et avec les valeurs du service public hospitalier, l'intéressé ayant manqué à son devoir d'exemplarité, de dignité et de retenue qui s'impose à lui dans l'exercice de ses fonctions. Dès lors, la décision attaquée, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, satisfait à l'exigence de motivation prescrite par les dispositions rappelées au point 6. Par suite, et alors que l'autorité disciplinaire n'avait pas à exposer dans la décision les motifs pour lesquels elle ne suivait pas l'avis du conseil de discipline qui n'en avait au demeurant émis aucun concernant la proposition d'une sanction, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées à l'agent stagiaire sont : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de deux mois, avec retenue de rémunération à l'exclusion du supplément familial de traitement ; / 4° L'exclusion définitive. ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier des témoignages circonstanciés et concordants d'agents ayant travaillé avec M. C..., recueillis à la fois au cours de l'entretien et lors de la séance du conseil de discipline, que M. C... a eu, de façon récurrente, des propos et attitudes déplacés à l'égard de certains membres du personnel féminin, ainsi que d'usagères, ainsi que des propos dénigrants et inappropriés à l'encontre des femmes victimes de violences conjugales, manquant ainsi à son devoir de dignité et de réserve. La circonstance que d'autres agents du service n'aient pas été témoins de tels propos et attitudes ne suffit pas à remettre en cause la matérialité des faits ainsi reprochés à M. C.... En outre, il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui ne conteste pas sérieusement ce point, a manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique par la contestation des instructions données par son supérieur hiérarchique et la méconnaissance de certaines consignes, notamment en matière de prévention de la Covid 19. M. C... n'est en conséquence pas fondé à soutenir que la décision attaquée, en tenant les faits reprochés pour établis, serait entachée d'erreur d'appréciation.

11. D'autre part, les faits en cause constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Compte tenu du caractère répété et de la gravité des manquements de l'intéressé, lequel exerçait en outre une fonction d'encadrement, et en dépit des bons états de service de l'intéressé au regard de ses fiches de notation annuelles antérieures, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la sanction d'exclusion définitive prononcée à son encontre serait entachée d'erreur d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. L'arrêt attaqué, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction de la requête doivent être rejetées.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

14. D'une part, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans la présente instance, M. C... n'est pas fondé, en tout état de cause, à en solliciter le remboursement.

15. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros à verser au centre hospitalier régional universitaire de Nîmes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera au centre hospitalier régional universitaire de Nîmes une somme de 1 000 (mille) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au centre hospitalier régional universitaire de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL01239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01239
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : DEBUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-18;23tl01239 ?
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