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13/02/2025 | FRANCE | N°23TL02590

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 13 février 2025, 23TL02590


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour en France pour une durée de quatre mois.



Par un jugement n° 2206737 du 28 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellie

r a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 9 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour en France pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 2206737 du 28 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2023, Mme C... B..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'ordonner au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de la munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative en ce qui concerne la réponse apportée au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le jugement est également insuffisamment motivé dans la réponse aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée en fait ;

- la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que la décision de rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile ne lui a pas été notifiée et qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses nouvelles observations concernant sa vie privée et familiale avant l'édiction de la décision en litige ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants dans la mesure où elle a établi le centre de sa vie privée et familiale en France avec son fils auprès de son conjoint français ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation dès lors que la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques encourus dans son pays d'origine ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

-elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle craint pour sa vie et celle de son fils en cas de retour au Venezuela en raison de sa participation à des manifestations d'opposition et de son engagement politique et social ;

Sur l'interdiction de retour en France pur une durée de deux ans :

- cette interdiction est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa situation personnelle et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 18 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 août 2024.

Par décision du 4 octobre 2023, Mme C... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante vénézuélienne née le 7 décembre 1990, est entrée sur le territoire français le 29 juillet 2021 selon ses déclarations et a formulé une demande d'asile le 17 août 2021. Sa demande tendant à obtenir le bénéfice du statut de réfugié a été rejetée en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 juillet 2022. Par un arrêté du 22 novembre 2022, le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois. Par la présente requête, Mme C... B... fait appel du jugement du 28 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, il ressort des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a mentionné avec une précision suffisante, aux points 4 et 5, les motifs pour lesquels il n'a pas accueilli le moyen soulevé par la requérante tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et, aux points 6 et 7, les raisons l'ayant conduit à écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motivation sur ces points.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit 5 (...) ". L'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. L'arrêté litigieux, qui rappelle les conditions d'entrée et de séjour de Mme C... B..., comporte un énoncé suffisamment précis des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Les motifs de l'arrêté attaqué font notamment état du rejet définitif par la Cour nationale du droit d'asile de la demande d'asile de l'intéressée par une décision du 27 juillet 2022 et qu'en conséquence, Mme C... B... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si, ainsi que le fait valoir la requérante, le préfet n'a pas fait mention de son hébergement chez les parents de son conjoint, cette seule circonstance ne suffit pas à établir une insuffisance de motivation, alors que l'autorité administrative n'est pas tenue de mentionner l'ensemble des faits relatifs à la situation du demandeur. Par ailleurs, la circonstance que l'appelante conteste la date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne permet pas de regarder la mesure d'éloignement comme étant insuffisamment motivée. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée en fait et en droit.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". L'article R. 532-57 du même code dispose que : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

6. Le droit d'être entendu, notamment énoncé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et affirmé par un principe général du droit de l'Union européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ait été définitivement refusée à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité et de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance en sa qualité de réfugié.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... B... s'est vu refuser la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 juillet 2022. Le relevé " Telemofpra " produit en défense par le préfet de l'Hérault, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, indique que le rejet du recours de Mme C... B... formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 décembre 2021, a été prononcé par une " décision " de la Cour nationale du droit d'asile prise le 25 juillet 2022. Dès lors que la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 juillet 2022 doit être regardée comme ayant été faite en audience publique le même jour, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressée n'ait pas reçu cette décision le 3 août 2022 compte tenu de difficultés de transfert de courrier, est sans incidence à cet égard. Ainsi contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet n'était pas tenu de l'inviter à se présenter en préfecture ni à produire d'autres pièces que celles déjà versées lors de sa procédure de demande d'asile. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'intéressée aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle aurait été empêchée de faire valoir tout nouvel élément avant que ne soit édicté l'arrêté contesté, notamment la circonstance qu'elle souhaitait épouser un ressortissant français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... B... déclare sans l'établir être entrée en France le 29 juillet 2019 avec son fils mineur et avoir déposé une demande d'asile le 17 août 2021. Cette demande a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 décembre 2021 et par la Cour nationale du droit d'asile le 25 juillet 2022. Si Mme C... soutient qu'elle est mariée à un ressortissant français et qu'elle justifie d'une communauté de vie antérieure au mariage et continue, il est constant que son mariage célébré le 2 septembre 2023 est postérieur à la date de la décision en litige et par suite sans incidence sur la légalité de cette mesure qui s'apprécie à la date de son édiction. Il ressort également des pièces du dossier que cette relation est récente à la date de la décision en litige. Par ailleurs, si l'intéressée se prévaut de la scolarité de son enfant né le 19 septembre 2016 d'une précédente union, elle n'en justifie que depuis la rentrée scolaire 2022, soit postérieurement à la date de la décision attaquée. Enfin, si elle se prévaut d'actions de bénévolat une fois par semaine depuis le mois d'août 2021 auprès de l'association " la table d'Anouk ", et de son apprentissage de la langue française, la durée et les conditions du séjour en France, en particulier le caractère récent de sa relation avec une personne de nationalité française, ne permettent pas de regarder la décision en litige comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ne peut qu'être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

11. La requérante ne peut utilement soulever le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de celles-ci, inopérant à l'encontre de l'arrêté attaqué, qui ne constitue pas une décision de refus de titre de séjour.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

13. Si Mme C... B... soutient que la mesure d'éloignement porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, dès lors qu'il doit rester en France du fait de sa scolarité, la décision attaquée n'a pas pour conséquence de la séparer de son enfant de même nationalité, qui eu égard à son âge a vocation à la suivre hors du territoire français et poursuivre sa scolarité. Par ailleurs, si l'appelante mentionne les liens de son enfant avec son conjoint, cette relation est récente ainsi que cela a été indiqué au point 9 et l'intéressée, qui allègue en avoir la garde exclusive sans l'établir, ne justifie pas de l'absence de liens entre son fils et son père dont il porte également le nom. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de son enfant.

14. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français aurait sur la situation personnelle et familiale de l'appelante des conséquences d'une gravité exceptionnelle. Par suite, en prononçant cette mesure d'éloignement, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au présent litige dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

16. Mme C... B... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle sera exposée à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants en raison de sa participation à des manifestations d'opposition et de son engagement politique et social. Ces allégations ne sont toutefois corroborées par aucun document probant, permettant de tenir pour établie l'existence des menaces auxquelles elle serait exposée si elle retournait au Venezuela. Dans ces conditions, et alors que sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a fixé le pays de destination n'est pas entaché d'erreur d'appréciation au regard des stipulations et dispositions précitées. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de cette décision qui mentionne l'absence de production par l'intéressée d'" élément nouveau de nature à établir la réalité des risques personnels qu'elle encourrait ", que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois :

17. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Selon l'article L. 612-10 dudit code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

18. Eu égard au caractère récent de la présence en France de Mme C... B... et des conditions de son séjour, le préfet de l'Hérault a pu légalement prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois, alors même que son comportement ne menacerait pas l'ordre public et que l'intéressée n'avait jusque-là fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement. Par ailleurs, la circonstance tenant à son mariage avec un ressortissant français est postérieure à la date de la décision attaquée et par suite sans incidence sur sa légalité et leur relation est en tout état de cause récente à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté de même que celui tiré de l'erreur manifeste dont serait entachée cette décision.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme C... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Teulière, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

T. Teulière La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02590
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23tl02590 ?
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