Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2203065 rendu le 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Sergent, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 24 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente dès la notification de l'arrêt et sous la même astreinte, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente dès la notification de l'arrêt et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français portant une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale compte tenu notamment de sa durée de séjour importante en France, de ses études, de ses liens amicaux et de sa bonne intégration, alors qu'il n'a plus de liens dans son pays d'origine où il se retrouverait isolé ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation se caractérise par des considérations humanitaires et des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour sur le fondement de cet article ;
- l'autorité préfectorale a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en fixant le délai de départ volontaire à seulement trente jours, dès lors qu'un tel délai ne lui permettait pas de terminer l'année universitaire en cours ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle, lesquelles sont excessives ;
- le tribunal administratif a commis des erreurs de droit et des erreurs d'appréciation en n'accueillant pas les moyens mentionnés aux alinéas précédents.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2024, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler - Huot - Piret - Joubes, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et de l'arrêté attaqués et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 28 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2024.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- et les observations de Me Bellamy, représentant le préfet des Pyrénées-Orientales.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 3 août 1997, serait entré en France au mois de septembre 2013 selon ses déclarations. Il a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département du Tarn à compter du 25 septembre 2013, puis il a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " avec les services de ce même département du 23 juillet 2015 au 31 juillet 2017. Le préfet du Tarn lui a délivré des autorisations provisoires de séjour du 22 septembre 2015 au 5 août 2017, puis une carte de séjour portant la mention " étudiant " du 1er septembre 2017 au 31 août 2018. L'intéressé ayant aussi sollicité une carte de séjour en qualité de " salarié " et après l'annulation d'un refus implicite par le tribunal administratif de Toulouse le 5 mars 2018, le préfet du Tarn a pris à son encontre, le 3 mai 2019, un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 20 décembre 2019 et la cour administrative d'appel de Bordeaux le 23 février 2021.
2. M. B... s'est maintenu sur le territoire français et a sollicité auprès des services de la préfecture des Pyrénées-Orientales, le 29 avril 2021, l'octroi d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 313-11 (7°) ou L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, en se prévalant de sa relation sentimentale avec une ressortissante française et de son inscription à l'université de Perpignan. Par un arrêté pris le 24 mars 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en vue de l'exécution de cette mesure. Par la présente requête, M. B... interjette appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. L'appelant soutient que le tribunal administratif aurait commis des erreurs de droit ainsi que des erreurs d'appréciation en n'accueillant pas les moyens de sa demande tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des erreurs de droit et d'appréciation commises par le préfet au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'agissant de la fixation du délai de départ volontaire et, enfin, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet s'agissant des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle. De tels moyens relèvent toutefois de l'office du juge de cassation et non du juge d'appel, auquel il appartient de statuer directement sur la légalité de l'arrêté dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
4. En premier lieu, selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, si M. B... peut se prévaloir d'une présence de huit années et demi en France à la date de l'arrêté en litige, il n'y a été admis au séjour que de manière temporaire, pour sa prise en charge comme mineur isolé, puis pour son parcours scolaire jusqu'à l'obtention du bac professionnel en électrotechnique en 2017 et de la mention complémentaire de " technicien réseaux " en 2018. L'intéressé s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire français nonobstant la mesure d'éloignement prise à son encontre le 3 mai 2019. Il est célibataire et sans enfant, ne soutient plus entretenir une relation avec une ressortissante française et ne démontre pas avoir noué des liens privés intenses sur le territoire national en se bornant à produire les attestations de quatre amis et quelques photographies. Il n'établit pas non plus entretenir des relations suivies avec son frère et son oncle résidant en région parisienne et, bien que ses parents soient décédés, il ne peut être regardé comme sans attaches dans son pays d'origine où vivent sept autres frères ou sœurs. Malgré la durée de sa présence en France, l'appelant ne justifie en outre d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière et ne prouve notamment pas avoir cherché à exercer une activité dans le domaine de l'électrotechnique entre la fin de sa formation en 2018 et son inscription en première année de licence de droit à l'université de Perpignan en septembre 2021. Il ne dispose enfin d'aucune ressource propre et son hébergement dans une résidence universitaire est financé au moins pour partie par des prestations sociales. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français contenues dans l'arrêté en litige ne portent pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
6. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la date de l'arrêté préfectoral litigieux, lesquelles se sont substituées le 1er mai 2021 à celles de l'ancien article L. 313-14 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
7. Les éléments de la situation personnelle de M. B..., tels qu'ils ont été rappelés au point 5 du présent arrêt, ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels susceptibles de justifier, par eux-mêmes, une admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'appelant ne peut par ailleurs utilement invoquer les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour des ressortissants étrangers en situation irrégulière, lesquelles sont dépourvues de portée règlementaire. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de régularisation présentée par l'intéressé au titre de l'article L. 435-1 précité.
8.
En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ".
9. Le requérant s'est inscrit en première année de licence de droit à l'université de Perpignan à la rentrée de septembre 2021 et produit les attestations de deux enseignants relatant son assiduité à leurs travaux dirigés. Il a cependant procédé à cette inscription alors qu'il se maintenait en situation irrégulière en France après la mesure d'éloignement du 3 mai 2019 et les pièces versées à l'instance ne permettent au demeurant pas d'établir qu'il aurait passé et réussi les examens partiels du premier semestre comme il l'allègue. Dès lors, l'appelant ne démontre pas l'existence de circonstances exceptionnelles propres à justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur au délai de trente jours normalement applicable et le préfet n'a donc commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un tel délai.
10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points précédents du présent arrêt, il n'apparaît pas que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle du requérant. En conséquence, le moyen soulevé en ce sens doit être également écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 mars 2022 en litige.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
12. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelant et n'implique dès lors aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'appelant la somme réclamée par le préfet des Pyrénées-Orientales au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Sergent et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL01905