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13/02/2025 | FRANCE | N°23TL01519

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 13 février 2025, 23TL01519


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en vue de l'exécution de cette mesure.



Par un jugement n° 2100838 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme A....

Procédu

re devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2023 et 6 mars 2024, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en vue de l'exécution de cette mesure.

Par un jugement n° 2100838 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2023 et 6 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Amari de Beaufort, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ancien article L. 311-11 (7°) devenu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les premiers juges ont statué sur la légalité de cette décision au visa du seul article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans l'examiner au regard de l'article L. 423-23 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de séjour est également entachée d'illégalité au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'existence de circonstances exceptionnelles au sens de cet article, liées à l'état de santé de son petit-fils français ainsi qu'à sa propre situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire sont privées de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ; les mêmes décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 9 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2024.

Par une décision du 24 mai 2023, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante malgache, née en 1967 à Ambohitrakongona (Madagascar), est venue une première fois sur le territoire français pendant une brève période sous couvert d'un visa de court séjour obtenu en 2017. Elle est entrée une seconde fois sur le territoire national le 17 mai 2019 sous couvert d'un visa de court séjour portant la mention " ascendant non à charge " et s'y est maintenue après l'expiration de ce visa. L'intéressée a sollicité le 9 juillet 2020 son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 311-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables. Par arrêté du 14 janvier 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a opposé un refus, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué et, plus particulièrement, de son point 4 que les premiers juges ont examiné la légalité de la décision portant refus de séjour tant au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur qu'au regard du 7° de l'article L. 313-11 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils n'ont ainsi omis de répondre à aucun des moyens soulevés par la requérante dans sa demande à l'encontre de cette décision et le jugement n'est dès lors pas irrégulier sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont les dispositions sont reprises à l'article L. 423-23 du même code depuis le 1er mai 2021 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme A..., née en 1981, de nationalité française, réside en France depuis 2012 avec son époux avec lequel elle a eu un fils né le 18 mars 2019. Si la requérante soutient qu'elle n'a plus aucune attache familiale dans son pays d'origine, il est constant qu'elle a vécu dans ce pays jusqu'à l'âge de cinquante-et-un ans, sans la présence de sa fille depuis 2012 et sans l'assistance de sa cousine et de sa nièce depuis 2015. Dès lors, il ne peut être regardé comme établi qu'elle serait dépourvue de toute attache privée à Madagascar ou qu'elle se retrouverait isolée en cas de retour dans ce pays. En outre et bien que la fille de Mme A... lui ait apporté une aide financière avant son arrivée sur le territoire national en 2019, aucune pièce du dossier ne permet de présumer que la requérante ne pourrait pas se procurer des revenus en cas de retour dans son pays natal et qu'elle serait ainsi intégralement à la charge de ses descendants, alors qu'elle est au contraire entrée en France au moyen d'un visa portant la mention " ascendant non à charge ". Dans ces conditions, alors que l'intéressée ne se prévaut par ailleurs d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière sur le territoire français, la décision portant refus de séjour ne porte pas à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par suite, ladite décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 435-1 du même code depuis le 1er mai 2021 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que lui soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".

6. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier que le petit-fils de Mme A... souffre d'une drépanocytose pour laquelle il bénéficie notamment d'un suivi semestriel en hôpital de jour, le certificat médical établi le 4 février 2021 par le médecin traitant de la famille se borne à mentionner que la présence de la grand-mère de l'enfant permet de " décharger sa mère dans les tâches quotidiennes " et aucune autre pièce ne vient démontrer que cette présence serait indispensable, aux côtés des parents de l'enfant, pour prendre en charge les problèmes de santé de ce dernier. D'autre part, bien que la requérante ait subi des interventions chirurgicales pour une tumeur dentaire entre 2019 et 2021, il ne ressort pas des pièces médicales produites et il n'est au demeurant pas même allégué que la surveillance des suites opératoires ne pourrait pas se poursuivre à Madagascar. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4 du présent arrêt, il n'est pas établi que l'intéressée se trouverait isolée ou sans ressource en cas de retour dans son pays d'origine. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 3 à 6 du présent arrêt que la décision portant refus d'admission au séjour n'est pas entachée d'illégalité. En conséquence, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire seraient privées de leur base légale.

8. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ci-dessus.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 14 janvier 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelante et n'implique dès lors aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressée aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque à la requérante au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., au ministre de l'intérieur et à Me Amari de Beaufort.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL01519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01519
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : AMARI-DE-BEAUFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23tl01519 ?
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