La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2025 | FRANCE | N°23TL01286

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 13 février 2025, 23TL01286


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2301907 du 11 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoi

nt au préfet de la Haute-Garonne de supprimer sans délai le signalement aux fins de non-admission de M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2301907 du 11 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de supprimer sans délai le signalement aux fins de non-admission de M. B... dans le système d'information Schengen à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 250 euros au titre des frais liés au litige.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin 2023 et 9 janvier 2024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé son arrêté du 4 avril 2023 et mis à la charge de l'Etat à verser au conseil du requérant une somme de 1 250 euros au titre des frais liés au litige.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- M. B... n'établit pas avoir eu sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ; c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son arrêté n'a pas méconnu les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code, ni celles du 5° de l'article L. 611-1, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sa décision portant interdiction de retour pour une durée de trois ans n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 et 22 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Galinon, conclut au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- il entre dans le champ d'application des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors que les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du même code ne peuvent en constituer le fondement et qu'elles ne lui sont pas applicables, celles-ci visant uniquement les étrangers qui résident en France régulièrement depuis moins de trois mois ;

- il méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'interdiction de retour est disproportionnée au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle et sa vie privée et familiale.

Par ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 février 2024.

Par une décision du 29 mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a maintenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée à M. B... le 27 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Teulière, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 4 avril 1979 à Oujda (Maroc), a fait l'objet d'un arrêté, en date du 4 avril 2023, par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement n° 2301907 du 11 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a notamment annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant d'une somme de 1 250 euros au titre des frais liés au litige. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu protéger de l'éloignement les étrangers qui sont en France depuis l'enfance, à raison de leur âge d'entrée et d'établissement sur le territoire. Dans ce cadre, les éventuelles périodes d'incarcération en France, si elles ne peuvent être prises en compte dans le calcul d'une durée de résidence, ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de treize ans, alors même qu'elles emportent, pour une partie de la période de présence sur le territoire, une obligation de résidence, pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la lettre du préfet en date du 7 avril 2023 au juge des libertés et de la détention, que M. B..., est entré sur le territoire français le 24 décembre 1989 à l'âge de dix ans. Il justifie, notamment par la production de certificats de scolarité ou d'inscription scolaire, d'une résidence habituelle en France de 1991 à 1996. Il est également constant que, depuis le dépôt de sa première demande de titre de séjour, le 29 novembre 1996, M. B... a bénéficié de titres de séjour au titre de la vie privée et familiale régulièrement renouvelés jusqu'au 19 février 2023. Pour remettre en cause la réalité de sa résidence habituelle sur le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne soutient en appel que le requérant n'a produit aucun élément justifiant sa présence au titre de la période allant du mois de juin 1997 au mois de juin 1998. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été pris en charge, à compter du 4 avril 1997, par le service de l'aide sociale à l'enfance du département du Cher en tant que jeune majeur et qu'il a, dans ce cadre, notamment bénéficié d'un contrat d'aide incluant une prestation d'hébergement en foyer jusqu'au 31 décembre 1997. Si le préfet soutient qu'il a séjourné au Maroc pour une période indéterminée au cours de l'année 2000, la délivrance, le 4 juillet 2000, d'un visa de retour ne suffit pas, par elle-même, à remettre à cause la résidence habituelle de M. B... en France au titre de cette même année, alors qu'il n'est pas contesté que l'intéressé s'est vu remettre des récépissés les 21 janvier, 21 avril, 4 juillet et 9 octobre 2000. Par ailleurs, le requérant a été scolarisé en lycée professionnel au titre de l'année scolaire 1999-2000 et il a exercé une activité salariée du 23 septembre au 19 octobre 2000. Son court séjour au Maroc au cours de l'été 2015 n'est également pas de nature à remettre à cause la résidence habituelle de M. B... en France. Enfin, si le préfet de la Haute-Garonne soutient que sa présence n'est pas démontrée entre le 13 novembre 2005 et 25 septembre 2006, dates de faits délictueux pour lesquels il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bourges, il ne justifie pas que le requérant ait fait l'objet de condamnations par défaut à raison de ces faits. Par ailleurs, M. B... s'est vu remettre des récépissés les 12 décembre 2005 et 3 avril 2006 ainsi que des titres de séjour les 12 janvier et 5 juillet 2006. La circonstance que le requérant n'ait pas déclaré de revenus au titre de l'année 2016 ne permet pas de le regarder comme n'étant pas habituellement présent sur le territoire au titre de la même année et est donc sans incidence. Eu égard à l'ensemble des éléments précités, la présence habituelle en France de l'appelant doit être tenue pour établie depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Dès lors, les dispositions précitées du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à son éloignement. Par suite, alors même que le comportement de l'intéressé peut être regardé comme constitutif d'un trouble à l'ordre public, le préfet de la Haute-Garonne ne pouvait, sans faire une inexacte application des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obliger M. B... à quitter le territoire français.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 4 avril 2023 et mis à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant d'une somme de 1 250 euros au titre des frais liés au litige.

Sur les frais liés au litige :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Galinon, conseil de M. B..., d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Galinon et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président de chambre,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

T. Teulière

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL01286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01286
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : GALINON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23tl01286 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award