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13/02/2025 | FRANCE | N°23TL01103

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 13 février 2025, 23TL01103


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.



Mme C... B... a également demandé au tribunal adminis

tratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Mme C... B... a également demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Par un jugement nos 2206781, 2206782 du 16 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier, après avoir joint les deux procédures, a rejeté les demandes de Mme B... et de M. A....

Procédures devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 12 mai 2023, sous le n° 23TL01103, M. A..., représenté par Me Moulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 du préfet de l'Hérault pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- par sa réponse au moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal a statué ultra petita, méconnu l'étendue de son office, porté atteinte au principe du contradictoire et commis une erreur de fait relevant d'une dénaturation volontaire ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation affectant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français au regard de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle porte atteinte au droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur de droit.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'erreur de droit et de vice de procédure ;

- elle est contraire au point 3 de l'article 3 de la directive 2008/115/CE ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3 de la convention relative à la prévention de la torture ;

Sur la décision portant interdiction temporaire de retour sur le territoire français :

- elle est intervenue en méconnaissance du champ d'application de la loi et est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- la mesure d'éloignement doit être suspendue afin que ses droits au titre de l'asile soient préservés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen tiré de l'inconventionnalité de sa décision fixant le pays de renvoi est infondé et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 2 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été reportée au 15 janvier 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.

II.- Par une requête, enregistrée le 12 mai 2023, sous le n° 23TL01106, Mme B..., représentée par Me Moulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 du préfet de l'Hérault pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- par sa réponse au moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal a statué ultra petita, méconnu l'étendue de son office, porté atteinte au principe du contradictoire et commis une erreur de fait relevant d'une dénaturation volontaire ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation affectant la décision portant interdiction de retour au regard de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle porte atteinte au droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur de droit.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'erreur de droit et de vice de procédure ;

- elle est contraire au point 3 de l'article 3 de la directive 2008/115/CE ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3 de la convention relative à la prévention de la torture ;

Sur la décision portant interdiction temporaire de retour sur le territoire français :

- elle est intervenue en méconnaissance du champ d'application de la loi et est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- la mesure d'éloignement doit être suspendue afin que ses droits au titre de l'asile soient préservés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen tiré de l'inconventionnalité de sa décision fixant le pays de renvoi est infondé et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 2 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été reportée au 15 janvier 2024.

Mme B... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Teulière, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... et M. A..., ressortissants tchadien et camerounais, mariés et parents de deux enfants, ont déclaré être entrés sur le territoire français en septembre 2021. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 mai 2022. Ils ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 13 décembre 2022 par lesquels le préfet de l'Hérault les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de six mois. Par un jugement du 16 février 2023, dont ils relèvent appel, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté leurs demandes.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 23TL01103 et 23TL01106 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les demandes tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

3. Mme B... et M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 5 avril 2023, antérieures à l'enregistrement de leurs requêtes, leurs demandes tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont dépourvues d'objet et doivent donc être rejetées.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. (...) ".

5. D'une part, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance par les décisions fixant le pays de renvoi en litige des dispositions citées au point précédent, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier, après avoir relevé que les requérants avaient sollicité l'asile en Italie et que cet Etat leur avait accordé une protection, les a regardés comme ayant ainsi manifesté leur volonté de séjourner en Italie. En portant une telle appréciation, il n'a pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, méconnu l'étendue de son office et le principe du contradictoire. Il n'a pas davantage statué au-delà des conclusions dont il se trouvait saisi. D'autre part, le moyen tiré d'une erreur de fait relevant d'une dénaturation volontaire se rattache, quant à lui, à la contestation du bien-fondé du jugement et ne saurait dès lors être utilement invoqué pour en critiquer la régularité.

6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

7. Le magistrat désigné, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés devant lui, a visé puis a répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation affectant les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français au regard des dispositions précitées de l'article L. 612-8 du code aux points 14 à 16 du jugement attaqué. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de réponse à ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions d'éloignement :

8. Par les arrêtés contestés, le préfet de l'Hérault a visé les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier celles du 4° du I de l'article L. 611-1, dont il a été fait application. Il a relevé que Mme B... et M. A... ont fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a fait état d'éléments relatifs à la situation personnelle des requérants et examiné leur situation au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puis a mentionné que les intéressés ne justifiaient d'aucun droit de se maintenir sur le territoire français et pouvaient faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Ces arrêtés sont, par suite, suffisamment motivés.

9. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 621-1 du même code : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre État ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application des articles L. 621-1 et suivants, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'État membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 621-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'État membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient ou s'il est résident de longue durée dans un État membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel État, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet État ou de le réadmettre dans cet État.

11. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de l'impossibilité d'édicter des mesures d'éloignement à l'encontre des requérants et de l'obligation pesant sur l'autorité préfectorale de mettre en œuvre une procédure de remise ne peut qu'être écarté.

12. Les décisions par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté pour irrecevabilité les demandes d'asile en France présentées par les intéressés ne constituent pas la base légale des mesures d'éloignement en litige, lesquelles n'ont pas été prises pour l'application des décisions de l'office. Dès lors, Mme B... et M. A... ne sauraient utilement exciper de l'illégalité des décisions d'irrecevabilité prises à leur encontre par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, les moyens tirés de l'atteinte à leurs droits au titre de l'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences des décisions attaquées sur leur situation ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que le moyen tiré d'un vice de procédure en raison du défaut de mis en œuvre d'une procédure de remise doit être écarté.

14. Il est constant que Mme B... et M. A... se sont vu accorder, par les autorités italiennes, le bénéfice d'une protection subsidiaire et délivrer, en conséquence, des titres de séjour valables jusqu'au 26 septembre 2021. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que ces protections auraient cessé du fait de leur départ volontaire du territoire italien ou de l'expiration de leurs titres de séjour. Par suite, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ne seraient plus légalement admissibles en Italie. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Hérault a pu légalement fixer l'Italie comme pays à destination duquel les requérants pourront être reconduits d'office alors même que ces derniers soutiennent qu'ils n'avaient pas préalablement donné leur accord pour ce renvoi. Pour ces motifs, le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code ne saurait être accueilli.

15. Les requérants ne peuvent, par ailleurs, utilement soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi sont contraires à l'article 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, dès lors qu'à la date des arrêtés contestés, cette dernière avait été transposée en droit interne.

16. Aux termes de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : " 1. Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. / 2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend à compter du 1er mai 2021 les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du même code, dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

17. Si les requérants allèguent avoir été victimes de discriminations en Italie, notamment pour l'accès aux soins de Mme B... ou dans le cadre de la relation de travail de M. A..., ils n'établissent pas la réalité de celles-ci, ni des traitements inhumains et dégradants qu'ils pourraient effectivement et personnellement encourir en cas de retour dans ce pays. En outre, ils n'apportent aucun élément de nature à établir que les autorités italiennes ne pourraient, le cas échéant, leur assurer une protection effective. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-9 du même code : " Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente décision portant obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, les articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ne sont pas applicables à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application des articles L. 425-1 ou L. 425-3 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet État à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti. ".

19. Mme B... et M. A..., qui ne soutiennent ni même n'allèguent avoir été titulaires d'un titre de séjour délivré en Italie sur le même fondement que celui délivré en application des articles L. 425-1 ou L. 425-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne relèvent pas des dispositions citées au point précédent de l'article L. 612-9 de ce code. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale ne pouvait, sans commettre une erreur de droit ou méconnaître le champ d'application de la loi, fonder ses décisions sur les dispositions de l'article L. 612-8 dudit code doit être écarté.

20. Si les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français sont susceptibles d'entraîner une inscription au fichier d'information Schengen, il est constant qu'en l'espèce, le préfet de l'Hérault a uniquement fixé comme pays à destination duquel les requérants pourront être reconduits d'office l'Italie et non les pays tiers dont les requérants ont la nationalité. Par suite, ceux-ci ne sont pas contraints de quitter l'espace Schengen et l'inscription audit fichier est dès lors sans incidence. Il en résulte que les décisions en litige ne peuvent être regardées comme privant les requérants de la protection subsidiaire qui leur a été accordée en Italie et, par suite, comme portant atteinte à leurs droits au titre de l'asile. Pour ces raisons, Mme B... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur d'appréciation en prenant à leur encontre les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français en litige.

En ce qui concerne les demandes de suspension des effets des mesures d'éloignement :

21. Par décision du 3 février 2023, antérieure à l'introduction des requêtes d'appel, la Cour nationale du droit d'asile a statué sur les demandes d'asile de Mme B... et M. A... et les a rejetées. Par suite, leurs demandes aux fins de suspension des effets des mesures d'éloignement sont dépourvues d'objet et doivent donc être rejetées.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes d'annulation et de suspension. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent également qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les demandes de Mme B... et M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont rejetées.

Article 2 : Les requêtes de Mme B... et M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., M. D... A..., à Me Moulin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président de chambre,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

T. Teulière

Le président,

D. Chabert La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

Nos 23TL01103, 23TL01106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01103
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23tl01103 ?
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