Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2200180 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2023, et un mémoire du 11 octobre 2024 non communiqué, Mme C..., représentée par Me Ruffel demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Ruffel en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'aide juridictionnelle.
Mme C... soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'une incompétence dès lors que la délégation de signature accordée à leur auteur, M. Laurent, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, est trop générale ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'absence de visa de long séjour que lui oppose le préfet ne le dispensait pas d'examiner l'autorisation de travail présentée avec la demande de titre de séjour en qualité de salariée pour un emploi de coiffeuse ; le préfet n'a donc pas procédé à un examen réel et complet de sa demande et a ainsi méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation en refusant son admission exceptionnelle au séjour ;
- le préfet n'a pas, par ailleurs, pris en compte les circonstances qu'elle séjournait en France depuis cinq ans à la date du refus de séjour, qu'elle est mère de deux enfants qui y sont nés en 2019 et 2020 et ont vocation à devenir français à l'âge de 13 ans, qu'elle y est particulièrement bien insérée compte tenu, notamment, de ses actions comme bénévole pour les " Restaurants du cœur ", les attestations de soutien qu'elle produit, et le fait et qu'elle travaille comme employée à domicile ;
- cette décision se trouve entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, elle séjourne en France depuis 2016 en compagnie de son époux et de ses deux enfants ; elle justifie, par ailleurs, de la présence de sa belle-mère en France ; la famille est bien intégrée en France où elle a tissé de nombreux liens ; chacun des membres du couple travaille pour des particuliers dans le cadre d'emplois familiaux ; son mari bénéficie également d'une promesse d'embauche ; de plus, elle est engagée bénévolement auprès d'associations ; la maire de la commune de Prades-le-Lez atteste par ailleurs de l'intégration exemplaire de la famille.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme A... C....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 5 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme A... C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,
- les observations de Me Barbaroux substituant Me Ruffel, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante arménienne née le 3 octobre 1991, indique, sans en justifier, être entrée en France le 6 avril 2016, sous couvert d'un visa court séjour, avec son mari également de nationalité arménienne. A la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, par la Cour nationale du droit d'asile le 7 octobre 2019, Mme C... a sollicité, le 12 septembre 2021, son admission au séjour au titre de la " vie privée et familiale " et en qualité de " salariée ". Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. Mme C... relève appel du jugement n° 2200180 du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2021.
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions en litige :
3. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-I-809 du 19 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 106 du 19 juillet 2021, le préfet de l'Hérault a accordé à M. B... Laurent, sous-préfet, nommé secrétaire général de la préfecture de l'Hérault par décret du 27 mai 2020, une délégation à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'État dans le département de l'Hérault (...), à l'exception, d'une part des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation en temps de guerre, d'autre part de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. / À ce titre, cette délégation comprend donc, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers (...) ". Cette délégation de signature, qui, compte tenu des exceptions qu'elle prévoit, n'est pas d'une portée trop générale, habilitait ainsi M. Laurent à signer l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les moyens soulevés contre le refus de séjour :
4. En premier lieu, il ressort des motifs de la décision attaquée que l'absence de visa long séjour n'est opposée à Mme C... qu'à sa demande de titre de séjour en qualité de salariée au titre de l'article L. 421-1 du code du travail, et non, comme elle le soutient, à sa demande d'admission exceptionnelle par le travail sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour laquelle la détention préalable d'un visa de long séjour n'est en effet pas requise. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qui aurait été commise par le préfet de l'Hérault en opposant l'absence de visa long séjour à la demande d'admission exceptionnelle au séjour doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles L. 412-1, L. 412-4 et L. 421-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet peut légalement refuser de délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " à un étranger au seul motif que celui-ci n'est pas titulaire d'un visa de long séjour. Dès lors que Mme C... était dans cette situation, le préfet de l'Hérault a pu, sans commettre d'erreur de droit, se dispenser d'examiner la demande d'autorisation de travail présentée par l'employeur de cette dernière à l'appui de sa demande de titre de séjour.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1... ".
7. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
8. Le préfet de l'Hérault, en estimant que la promesse d'embauche à un poste de coiffeuse que Mme C... avait produite à l'appui de sa demande, ne pouvait être considérée comme constituant un motif exceptionnel d'admission au séjour, a procédé à un examen suffisant de la situation de cette dernière au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit en ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation au regard de ces dispositions doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne les moyens soulevés contre le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire :
9. En premier lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. Mme C... déclare être entrée régulièrement en France le 6 avril 2016 avec son époux, mais, ainsi qu'il est dit au point 1 du présent arrêt, elle n'en justifie pas. Elle n'a, par ailleurs, été admise au séjour à titre provisoire que dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile, laquelle a été rejetée de façon définitive par la Cour nationale du droit d'asile le 7 octobre 2019. Son mari, qui est aussi de nationalité arménienne, est également en situation irrégulière. Mme C... fait valoir qu'elle justifie d'une certaine intégration en France par la production de documents relatifs à son engagement comme bénévole pour des actions caritatives, confirmé par une attestation établie le 24 novembre 2021 par la maire de la commune de Prades-le-Lez. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que Mme C... aurait noué en France des liens privés et familiaux revêtant un caractère intense, stable et ancien. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour ne peut être regardée comme se trouvant entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire ne peuvent, non plus, être regardées, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C..., compte tenu enfin de ce que la cellule familiale pourrait se reconstituer en Arménie, où se trouvent par ailleurs les parents et la sœur de cette dernière.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL00210 2