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11/02/2025 | FRANCE | N°23TL01186

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 11 février 2025, 23TL01186


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a contesté devant le tribunal administratif de Toulouse une décision de la préfète de l'Aveyron lui retirant l'agrément pour exercer la profession d'armurier.



Par un jugement n° 2101061 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir requalifié la demande de M. B... comme tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2021 portant retrait d'agrément, a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :



Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, M. B..., représenté par Me Brouquières...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a contesté devant le tribunal administratif de Toulouse une décision de la préfète de l'Aveyron lui retirant l'agrément pour exercer la profession d'armurier.

Par un jugement n° 2101061 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir requalifié la demande de M. B... comme tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2021 portant retrait d'agrément, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, M. B..., représenté par Me Brouquières, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué qui méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, est irrégulier ;

- ce jugement qui est insuffisamment motivé, est irrégulier ;

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- cet arrêté a été adopté aux termes d'une procédure irrégulière ; il a été privé de la faculté de présenter ses observations orales qui constitue une garantie en méconnaissance du principe du contradictoire prévu à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 313-7 du code de la sécurité intérieure dès lors qu'il ne lui a fixé aucun délai pour liquider le matériel ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; le trouble à l'ordre public, qui fonde le retrait de son agrément d'armurier, n'est pas caractérisé et il justifiait d'un motif légitime pour transporter ses armes à son domicile conformément à l'article R. 315-2 2° du code de la sécurité intérieure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2024, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le jugement est régulier ;

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité compétente ;

- l'appelant qui n'a pas demandé, de façon explicite, à présenter des observations orales dans le cadre d'une entrevue, n'a pas été privé d'une garantie en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les dispositions de l'article R. 313-7 du code de la sécurité intérieure ont été respectées dès lors que l'appelant ne disposant plus de ses armes et munitions, saisies par la gendarmerie le 20 décembre 2020, aucun délai ne pouvait lui être imparti pour les vendre ;

- l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors que les pièces du dossier établissent que les armes et les munitions ont été stockées par l'appelant dans un local qui n'était pas un lieu sécurisé répondant aux exigences posées par les articles L. 313-3 et R. 313-17 et R. 313-16 du code de la sécurité intérieure afin de se prémunir contre le risque de vol et d'intrusion ; il ne justifie pas d'un motif légitime pour transporter ces armes à son domicile.

Par une ordonnance du 5 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juillet 2024 à 12 heures.

Par une décision du 5 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces de ce dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Brouquières, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 31 juillet 2020, M. B... a informé la préfecture de l'Aveyron de la cessation de son activité professionnelle d'armurier, qu'il exerçait dans un commerce dénommé " Horizon Chasse et Pêche ", situé à Luc-la-Primaube (Aveyron). Par un procès-verbal d'enquête préliminaire du 23 novembre 2020, les services de la gendarmerie nationale de Rodez ont pris acte de cette cessation d'activité tout en relatant la découverte, au domicile de M. B..., de 109 armes de catégories B, C et D ainsi que de 2 721 munitions de catégorie C et D. Par un arrêté du

1er décembre 2020, la préfète de l'Aveyron a prononcé le retrait de l'autorisation d'ouverture du commerce " Horizon Chasse et Pêche ". Par une lettre du 8 décembre 2020, la préfète de l'Aveyron, au vu des résultats de l'enquête administrative diligentée à l'encontre de M. B..., a engagé une procédure contradictoire préalable au retrait éventuel de son agrément d'armurier. Par un arrêté du 26 janvier 2021, la préfète de l'Aveyron a prononcé le retrait de l'agrément d'armurier délivré à M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ". La décision portant retrait d'un agrément d'armurier est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire de l'agrément d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Les dispositions précitées font également obligation à l'autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d'audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu'elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n'est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu'elle peut être écartée.

3. Un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, constitue une garantie pour le titulaire de l'agrément que le préfet envisage de retirer.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que M. B... avait demandé à la préfète de l'Aveyron, dans son courrier du 20 décembre 2020, de bien vouloir lui " accorder une entrevue afin de lever tous les doutes " qu'elle pourrait avoir à son égard, la préfète n'a apporté aucune réponse à cette demande. Cette dernière indique que, par sa formulation, la demande d'entrevue ne constituait pas une demande tendant explicitement à l'organisation d'une audition au sens de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, la demande du 20 décembre 2020 tendait bien, eu égard à son contenu, à ce qu'une telle audition soit organisée. Or, même si M. B... a pu présenter des observations écrites, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait pu, à un moment quelconque de la procédure, formuler des observations orales auprès des services de la préfecture. Par suite, en ne faisant pas droit à la demande d'audition présentée par M. B..., la préfète a privé ce dernier d'une garantie. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, le moyen présenté, pour la première fois en appel, tiré du vice de procédure au regard de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être accueilli. Dès lors, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 janvier 2021. Dès lors, ce jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté en litige du 26 janvier 2021.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que

Me Brouquières, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Brouquières de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 octobre 2022 et l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2021 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Brouquières une somme de 1 500 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Brouquières renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Brouquières et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01186
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-05 Police. - Polices spéciales. - Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BROUQUIÈRES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;23tl01186 ?
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