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06/02/2025 | FRANCE | N°23TL00611

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 06 février 2025, 23TL00611


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.



Par un jugement n° 2020912 du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Nîmes, à qui le dossier a été transféré, a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête,

enregistrée le 10 mars 2023, M. B..., représenté par Me Sérée de Roch, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 2020912 du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Nîmes, à qui le dossier a été transféré, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2023, M. B..., représenté par Me Sérée de Roch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 janvier 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 6 septembre 2018, qui ne comporte pas en annexe celle qui a été adressée à la société Accessis, est insuffisamment motivée ;

- les pièces obtenues de tiers par l'administration ne lui ont pas été communiquées, alors qu'elle en avait fait la demande ;

- l'administration, à qui incombe la charge de la preuve, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour établir l'inexistence des prestations se rapportant à deux factures réellement établies par la société Nicolas Milan Compétition, qui bénéficient d'une présomption de déductibilité et qui ont donc été régulièrement comptabilisées par la société Accessis ;

- il n'a pas appréhendé les revenus prétendument distribués par cette société ;

- à titre subsidiaire, le montant des revenus réputés distribués ne peut englober le profit sur le Trésor réalisé par la société Accessis ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée et méconnaît les principes de responsabilité personnelle et de personnalité des peines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par une ordonnance du 8 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... fait appel du jugement du 20 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015. Ces suppléments procèdent de l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de sommes regardées comme distribuées par la société par actions simplifiée unipersonnelle Accessis, qui exerce une activité de construction de maisons individuelles et dont il est le président et unique associé.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. S'agissant de revenus distribués, cette motivation peut résulter, soit de la reproduction de la teneur de la proposition de rectification adressée à la société distributrice, soit de la jonction de cette proposition de rectification en annexe du document adressé au bénéficiaire des distributions, dès lors du moins que le document concernant la société est lui-même suffisamment motivé.

3. La proposition de rectification adressée à M. B... le 6 septembre 2018 mentionne en sa page 1 " La présente lettre comporte 16 feuilles, y compris celle-ci et la copie de la proposition de rectification adressée à la société Accessis (38 pages recto/verso) ". L'appelant, qui se borne à affirmer que le document annexé n'était pas la proposition de rectification adressée à la société Accessis, alors qu'il n'indique pas avoir accompli les diligences nécessaires pour obtenir la communication du document prétendument manquant, ne remet ainsi pas en cause la véracité de ces mentions. Dans ces conditions et dès lors que les deux propositions de rectifications comportaient les éléments exigés par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, permettant au contribuable de présenter utilement ses observations, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification du 6 septembre 2018 doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

5. Il résulte de l'instruction que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 novembre 2018 et distribuée le 15 novembre 2018, la vérificatrice, en réponse à la demande qu'avait présentée la société Accessis le 18 septembre 2018, a communiqué à M. B... la copie de la réponse et des documents que lui avaient adressés la société Nicolas Milan Compétition dans le cadre du droit de communication qu'elle avait exercé le 5 avril 2018 et sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions en litige. Dans ces conditions, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de ces pièces. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les obligations qui découlent des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 7° Les dépenses engagées dans le cadre de manifestations de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, lorsqu'elles sont exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation (...) ". L'article 109 du même code dispose que : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".

7. En premier lieu, à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Accessis, l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2015 le montant de dépenses mentionnées dans des factures émises par la société Nicolas Milan Compétition, spécialisée dans la mécanique automobile, qu'elle avait inscrites en comptabilité au débit du compte fournisseurs " honoraires d'agents commerciaux " et qui ont été regardées comme n'ayant pas été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise. Les dépenses correspondant aux factures émises les 22 avril et 18 novembre 2015, qui portent les références FA15035 et FA15112, ont été considérées, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, comme des revenus distribués, imposables entre les mains de M. B.... Il résulte de l'instruction que la société Accessis, après avoir soutenu que ces factures, dépourvues de précisions sur les prestations en cause, correspondaient à des commissions d'apporteur d'affaires versées à M. D... C..., lotisseur et promoteur immobilier, a ensuite affirmé qu'elles portaient sur des prestations de parrainage de plusieurs écuries de course automobile. L'administration relève que les deux factures en cause, qui comportent simplement la mention " dossier " suivie d'un nom, ne font pas état de prestations de parrainage et qu'elles n'ont pas été inscrites en comptabilité dans un compte " dépenses de publicités, relations publiques ". Elle ajoute qu'elles ne peuvent être rattachées à l'exécution du contrat de partenariat produit, qui comporte une description très générale des prestations, qui n'est pas signé et dont le montant ne correspond pas à la somme que ces factures mentionnent. Dans ces conditions et sans méconnaître les règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve, l'administration doit être regardée comme établissant que la réalité des prestations de parrainage correspondant à ces deux factures et de leur intérêt pour l'exploitation n'était pas justifiée.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... détient la totalité des parts sociales de la société Accessis, dont il est le président, et exerce seul les fonctions de dirigeant. En conséquence, il dispose sans contrôle des fonds sociaux et bénéficie seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société pour effectuer toutes opérations, notamment le paiement des factures. Il en résulte que M. B..., qui ne le conteste pas, était le seul maître de l'affaire. Par suite et alors même qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondant aux deux factures en cause ou qu'elles auraient été versées à des tiers, c'est à bon droit que l'administration l'a regardé comme le bénéficiaire des revenus distribués par la société Accessis en 2015.

9. En troisième lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification (...) ". Ces dispositions prévoient qu'en cas de vérification simultanée au regard de l'impôt sur les sociétés et des taxes sur le chiffre d'affaires, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit des résultats de l'exercice vérifié, sauf à ce que la société s'oppose à l'application des dispositions de ce dernier article.

10. D'autre part, en application des dispositions de l'article 110 du code général des impôts citées au point 6, le montant susceptible d'être regardé comme distribué entre les mains d'un associé sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 de ce code se limite au rehaussement du résultat de l'exercice vérifié retenu pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés de la société distributrice.

11. Enfin, lorsque le rappel de taxe sur la valeur ajoutée a été déduit des résultats de l'exercice vérifié retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés de la société distributrice par application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, le montant regardé comme distribué sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts n'inclut pas celui de ce rappel.

12. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les bases de l'impôt sur les sociétés dû par la société Accessis au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 une somme de 4 500 euros représentant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible remis en cause et que ce montant a été déduit, pour l'assiette de ce même impôt, des résultats de cet exercice, par application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales. Cette somme, qui n'a pu donner lieu à une appréhension par M. B..., ne peut être regardée comme distribuée sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Il y a lieu, par suite, de déduire cette somme de 4 500 euros des bases d'imposition de M. B... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2015.

En ce qui concerne les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

14. En relevant que les charges représentées par les deux factures émises par la société Nicolas Milan Compétition n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société Accessis et que M. B..., en sa qualité d'associé unique et de seul maître de l'affaire, ne pouvait ignorer ces faits, ni d'ailleurs le caractère imposable entre ses mains des distributions qui en découlent et dont il était le seul bénéficiaire, l'administration établit la volonté délibérée d'éluder l'impôt dû. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée doit être écarté. Par ailleurs, dès lors que l'administration établit la volonté personnelle de M. B... d'éluder l'impôt, elle n'a pas méconnu les principes de responsabilité personnelle et de personnalité des peines.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes n'a pas prononcé la décharge des suppléments contestés à hauteur de ce qu'implique la réduction de son assiette imposable de 4 500 euros.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre de l'année 2015 sont réduites de la somme de 4 500 euros.

Article 2 : M. B... est déchargé de la différence procédant de la réduction de base mentionnée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 2020912 du 20 janvier 2023 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00611 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00611
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : SEREE DE ROCH

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;23tl00611 ?
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