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28/01/2025 | FRANCE | N°24TL01144

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 28 janvier 2025, 24TL01144


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2400280 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



I - Par une requête, enregistrée le 6 mai 2024 sous le n° 24TL01144, M. A..., représenté par Me Rosé, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2400280 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 6 mai 2024 sous le n° 24TL01144, M. A..., représenté par Me Rosé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 mars 2024 ;

3°) d'enjoindre, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", au besoin sous astreinte ; sinon, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet n'a pas suffisamment examiné sa demande de titre de séjour pour raison de santé dès lors qu'il s'est fondé sur un avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu près d'un an auparavant en s'abstenant de tenir compte d'éléments actualisés ;

- le refus de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le dossier médical sur lequel le préfet s'est fondé n'est pas actualisé par des données plus récentes ;

- le préfet n'a pas suffisamment examiné sa demande de titre de séjour en qualité de " salarié " ;

- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il n'avait pas à solliciter une autorisation de travail, au demeurant demandée par son employeur le 14 septembre 2023 ;

- il remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié " ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui permettaient de prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est illégale en ce que la décision portant refus de titre de séjour est elle-même illégale ;

- la décision est manifestement disproportionnée eu égard à sa situation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale en ce que la décision portant refus de titre de séjour est elle-même illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2024 à 12h00.

II - Par une requête, enregistrée le 6 mai 2024 sous le n° 24TL01145, M. A..., représenté par Me Rosé, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 19 mars 2024 du tribunal administratif de Montpellier.

Il soutient que :

- les conditions d'octroi du sursis à exécution du jugement sont remplies dès lors qu'il justifie, dans sa requête au fond, de moyens sérieux d'annulation de ce jugement conformément à l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- en l'absence de prononcé d'un sursis à exécution, l'exécution du jugement aurait pour lui des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 12 juillet 2024 dans le cadre des procédures N°24TL01144 et N°24TL01145.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Faïck, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né le 20 avril 1986, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 14 novembre 2017. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 mars 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 septembre 2019. Le 12 juillet 2018, M. A... a sollicité un titre de séjour pour raison de santé. Après un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 novembre 2018, selon lequel son état de santé nécessitait une prise en charge médicale pour une durée de six mois, M. A... s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 10 juin 2019. En dernier lieu, un nouveau titre de séjour portant la mention " étranger malade " lui a été délivré le 25 février 2022 pour une durée de six mois. Le 10 juin 2022, M. A... en a sollicité le renouvellement en demandant également, par courrier du 11 août suivant, l'attribution d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 7 novembre 2023, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, a obligé celui-ci à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 19 mars 2024, dont M. A... relève appel dans la requête n° 24TL01144, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. M. A... demande également à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement dans sa requête n° 24TL01145.

Sur la requête n° 24TL01144 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code : " I. - Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) I. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-2 de ce code : " Sont dispensés de l'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-1 : (...) 16° Le titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un document provisoire de séjour portant la mention " autorise son titulaire à travailler " (...) ". Quant à l'article R. 5221-17 du code du travail, il dispose que : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. (...) ".

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

4. Il ressort des pièces du dossier que, dans ses lettres adressées au préfet les 10 juin et 11 août 2022, M. A... a demandé le renouvellement de son titre de séjour pour raison de santé, en application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'un titre de séjour pour des raisons privées et familiales sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du même code. Pour autant, dans l'arrêté en litige du 7 novembre 2023, le préfet de l'Hérault a, comme il lui était loisible de le faire, examiné si M. A... pouvait prétendre à un titre de séjour en vue d'exercer en France une activité salariée. Par suite, M. A..., qui a signé le 1er août 2022 un contrat de travail à durée déterminée en qualité d'opérateur polyvalent de production, transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er août 2023, peut utilement soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'erreur de droit dans l'application des dispositions du code du travail citées au point 2.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du dépôt de sa demande, M. A... était titulaire d'un récépissé de demande de renouvellement d'un titre de séjour l'autorisant à travailler et il n'est pas contesté qu'il disposait toujours d'un tel document à la date de la décision attaquée. Par suite, M. A... relevait du cas visé au 16° précité de l'article R. 5221-2 du code du travail en vertu duquel l'étranger titulaire d'un document provisoire de séjour portant la mention " autorise son titulaire à travailler " est dispensé de produire une autorisation de travail avec sa demande de titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un tel titre au motif qu'il ne justifiait pas d'une autorisation de travail, le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'une erreur de droit. Dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A....

6. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté en litige du 7 novembre 2023 doit être annulé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens d'annulation, ainsi que le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 mars 2024 qui a rejeté la demande de M. A....

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu au présent arrêt, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer le droit au séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur la requête n° 24TL01145 :

8. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 19 mars 2024. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les frais d'instance :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rosé, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rosé de la somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2400280 du tribunal administratif de Montpellier du 19 mars 2024 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 7 novembre 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est prescrit au préfet de l'Hérault de réexaminer le droit au séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rosé une somme de 1 200 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rosé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24TL01145.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Rosé et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°24TL01144-N°24TL01145 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01144
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Frédéric Faïck
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : ROSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;24tl01144 ?
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