Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2300914 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Rahal, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'intervention de l'arrêt de la cour, et subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- le refus de séjour est entaché d'une erreur appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé, caractérisé par de lourdes pathologies oculaires, qui nécessite un suivi régulier dans un centre de santé hautement spécialisé ; de plus, il a été victime d'un cancer du pharynx qui nécessite un suivi oncologique régulier ;
- il ne peut pas bénéficier de soins effectifs dans son pays d'origine étant originaire de Guercif au Nord-Est du Maroc, alors que les centres de santé se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres de chez lui et sont difficilement accessibles par les transports publics ; il est, en outre, limité dans ses déplacements, étant aveugle d'un œil et en rémission d'un cancer dont le traitement lui a causé douleurs et fatigues ; par ailleurs, il n'exerce plus d'activité professionnelle, ne perçoit aucun revenu et ne bénéficie pas d'une protection sociale au Maroc, si bien qu'il n'a pas les moyens de financer son traitement dans son pays d'origine ; pour ces motifs, la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à sa demande le 3 novembre 2022 ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, si son épouse et cinq de ses enfants résident au Maroc, il demeure en France depuis plus de dix ans, n'a plus de lien avec ces derniers, et est par contre hébergé par son fils et sa belle-fille, tous deux de nationalité française, et entretient des liens privilégiés avec ses petits-enfants, également de nationalité française ; il a donc établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France où il s'est inséré et où il travaillé.
Par une décision du 2 août 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1963, est entré en France en mars 2010 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour en raison de son état de santé jusqu'au 25 mai 2013. Le 2 juillet 2013, le préfet de l'Hérault a refusé de lui renouveler sa dernière autorisation et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un autre arrêté du 22 mai 2015, le préfet a rejeté une nouvelle demande de titre de séjour présentée par M. B..., toujours en raison de son état de santé, et a pris à son encontre une nouvelle mesure d'éloignement. A la suite de l'annulation de ces décisions par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er décembre 2015, une autorisation provisoire de séjour, puis un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ont été délivrés à l'intéressé, le dernier valable jusqu'au 23 mars 2017. Le renouvellement de ce titre de séjour lui a cependant été refusé par un arrêté du 19 juin 2017, assorti d'une obligation de quitter le territoire, que M. B... a contesté devant le tribunal administratif de Montpellier. Le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 13 février 2018, confirmé par la cour administrative d'appel de Marseille le 11 février 2019. M. B... a, le 4 novembre 2019, déposé une nouvelle demande de titre de séjour en raison de son état de santé. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
2. M. B... relève appel du jugement n° 2300914 du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 16 janvier 2023.
Sur les conclusions en annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. En l'espèce, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 juillet 2022 selon lequel, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut néanmoins, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a souffert d'un kératocone à l'œil droit, pour lequel il a bénéficié d'une greffe de la cornée, ainsi qu'à l'œil gauche, ayant nécessité la pose d'un anneau intra-cornée. M. B... produit un certificat médical établi le 28 octobre 2022 par un ophtalmologue indiquant, sans plus de précisions, que le suivi médical dont a besoin l'intéressé ne serait pas réalisable au Maroc. Un autre certificat, rédigé le 30 janvier 2023 par un médecin ophtalmologue marocain, précise que M. B... doit bénéficier d'un suivi régulier dans un centre " hautement spécialisé à l'étranger (France) ". Toutefois, ces documents, eu égard à leur teneur insuffisamment circonstanciée, ne remettent pas en cause de manière probante l'appréciation du préfet, faisant suite à l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon laquelle M. B... peut bénéficier effectivement au Maroc d'un traitement approprié à son état de santé.
7. Par ailleurs si l'appelant soutient qu'il ne pourrait bénéficier de soins au Maroc compte tenu de l'éloignement de la région dont il est originaire des centres de santé spécialisés, et du fait qu'il ne bénéficierait pas d'une protection sociale, il n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ces allégations.
8. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en édictant l'arrêté en litige, le préfet de l'Hérault aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. /L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
10. Pour l'application des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier l'ancienneté, la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
11. Si M. B... se prévaut de sa présence en France depuis au moins 2011, les autorisations de séjour dont il a bénéficié par la suite lui ont été délivrées au titre de son état de santé et ne lui donnaient pas vocation, par elles-mêmes, à rester durablement sur le territoire français. De plus, ainsi qu'il est indiqué au point 1, M. B... a fait l'objet de plusieurs refus de titres de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutées. S'il produit, concernant ses liens familiaux en France, une attestation d'hébergement établie le 2 novembre 2022 par son fils majeur, qui aurait la nationalité française, les autres membres de sa famille, à savoir son épouse et cinq de ses enfants, résident au Maroc. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait établi en France le centre de ses intérêts familiaux et privés alors que, étant né en 1963, il a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. Dès lors, et quand bien même la commission du titre de séjour a émis un avis consultatif favorable à la régularisation du séjour de M. B... au vu de son état de santé, le préfet de l'Hérault n'a pas, en prenant l'arrêté attaqué, porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet, qui a également examiné le droit au séjour de M. B... au titre de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard de cet article.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02251 2