Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2201580 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à défaut de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire sont insuffisamment motivés faute pour le préfet d'avoir visé les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ces arrêtés ne faisant état que de la naissance, le 23 juin 2021, de l'enfant de M.B... ; ces décisions sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit en opposant à la demande de titre, présentée sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circonstance qu'il relève de la procédure de regroupement familial alors que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au regroupement familial régissent seulement l'entrée en France des ressortissants étrangers et non leur séjour ; ainsi, il ne relevait pas de cette procédure dès lors que sa relation avec sa compagne séjournant régulièrement en France s'est nouée après son entrée en France, le 11 septembre 2018, et que son mariage et la naissance de son enfant ne sont intervenus, respectivement, que les 21 août et 23 juin 2021 ;
- il est donc en droit de se prévaloir de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la durée de son séjour en France à la date de la décision attaquée, et de ce qu'il y a, depuis, établi sa résidence et noué des liens familiaux forts ;
- son épouse, si elle se trouve actuellement en congé parental, travaillait en France sous couvert d'un contrat à durée indéterminée et ne peut donc pas quitter la France où elle réside sous couvert d'une carte de résident ;
- il bénéficie d'une promesse d'embauche sous forme d'un contrat à durée indéterminée en qualité de peintre ;
- les décisions attaquées portent, dès lors, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et se trouvent entachées d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- ces décisions portent atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, compte tenu des risques de séparation entraînés par l'obligation de quitter le territoire français en litige et de la longueur des procédures qui devraient être initiées pour permettre son retour en France, tant par le biais de la procédure de regroupement familial que par celle d'obtention d'un visa.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. B....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 23 juin 2023 , le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain en date du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,
- les observations de Me Ruffel, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 11 juillet 1987, est entré en France irrégulièrement à une date qu'il indique être le 11 septembre 2018. Le 21 août 2021, il s'est marié en mairie de Lattes (Hérault) avec une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident en cours de validité. De cette union est né un enfant, à Montpellier, le 23 juin 2021. Le 28 septembre 2021, M. B... a sollicité du préfet de l'Hérault son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 19 octobre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer le titre de séjour ainsi sollicité et obligé M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
2. M. B... relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 423-23, L. 435-1, L. 611-1, L. 611-3 de ce code dont le préfet a fait application, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, alors même qu'il ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, cet arrêté, qui mentionne le fait que M. B... est père d'un enfant né en France, est suffisamment motivé en droit.
5. Par ailleurs, l'arrêté attaqué retrace les conditions d'entrée et de séjour de M. B... sur le territoire français. Il précise à cet égard que M. B... n'établit pas qu'il serait entré en France en septembre 2018, rappelle son mariage célébré en août 2021 avec une ressortissante marocaine, titulaire d'une carte de résident en cours de validité. L'arrêté n'omet pas non plus d'indiquer que M. B... et son épouse sont parents d'un enfant né en France en juin 2021. Après avoir pris en considération ces éléments, le préfet rejette la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la possibilité, dont dispose l'épouse de M. B..., de demander la mise en œuvre d'une procédure de regroupement familial. Il précise encore que M. B... ne peut prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de justifier de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires. Il retient enfin qu'il n'est pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu, notamment, de la présence de la mère de M. B... au Maroc. Par suite, l'arrêté attaqué est également suffisamment motivé au regard des éléments de fait.
6. Enfin, la motivation de l'arrêté montre que le préfet a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. B....
En ce qui concerne la légalité interne :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. /L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 434-2 du même code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans (...) ".
8. En application des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser le séjour à un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte, le cas échéant, du fait que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
9. En l'espèce, le préfet de l'Hérault, dans sa décision de refus de séjour opposée à la demande de M. B..., présentée sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pu légalement se fonder sur la circonstance selon laquelle l'épouse de ce dernier pouvait demander la mise en œuvre de la procédure de regroupement familial prévue par l'article L. 434-2, précité, du même code. A cet égard, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B..., qui s'est marié en France avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, relevait de cette procédure, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges au point 4 de leur décision, sans qu'importe la circonstance que cette relation s'est nouée après l'arrivée en France de M. B.... Pour autant, le préfet ne s'est pas borné à opposer à la demande de M. B... l'obligation de respecter la procédure de regroupement familial, mais a apprécié si une décision de refus pouvait porter une atteinte disproportionnée à la situation personnelle et familiale de l'intéressé au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En conséquence, le refus de séjour du 19 octobre 2021 n'est pas entaché d'erreur de droit, contrairement à ce soutient l'appelant.
10. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... ne justifie pas d'une entrée régulière en France ni même d'une présence continue sur le territoire français. L'appelant ne justifie pas davantage que sa relation sentimentale avec son épouse aurait débuté dès 2018 ni que leur vie commune daterait de juin 2020. Eu égard à la relative brièveté de son séjour en France, au caractère récent de la vie commune avec son épouse, ainsi que de son mariage, contracté moins de deux mois avant l'intervention de la décision en litige, l'arrêté en litige n'a pas, dans les circonstances de l'espèce porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de la vie privée et familiale en France garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Si l'appelant invoque, au regard de ces stipulations, l'intérêt supérieur de son enfant, l'exécution des décisions en litige n'aurait pas pour effet d'interdire à M. B... un retour en France, ni à son enfant de se rendre au Maroc avec sa mère, également de nationalité marocaine. Le préfet de l'Hérault ne peut donc être regardé comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de M. B....
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M.B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL01903 2