Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2204765 du 17 août 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Lescarret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 17 août 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 10 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1500 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement, qui est insuffisamment motivé, est irrégulier ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
- la décision portant interdiction de retour méconnaît les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits e l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation.
Par des mémoires, enregistrés le 23 novembre 2023 et le 24 avril 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 30 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2024 à 12 heures.
Par une décision du 23 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 31 juillet 1989, déclare être entré sur le territoire français au cours de l'année 2009. Il a bénéficié d'un récépissé de demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français du 13 octobre 2013 au 7 juin 2016, et a obtenu une carte de séjour en cette qualité du 12 avril 2016 au 11 avril 2018. Le 5 avril 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour de 10 ans auprès de la préfecture de la Haute-Garonne et s'est vu délivrer, compte tenu de l'avis défavorable opposé à cette demande par la commission du titre de séjour, un titre de séjour d'un an seulement, valable du 9 avril 2021 au 8 avril 2022. Par un arrêté du 10 août 2022, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et fixé le pays de destination. Saisi d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 17 août 2022 dont M. A... relève appel, rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ".
3. Le moyen tiré de la motivation insuffisante du jugement, soulevé par l'appelant, consiste en réalité à critiquer l'appréciation portée par le magistrat désigné sur les moyens et les pièces présentés par le demandeur au soutien de ses prétentions. Un tel moyen, qui porte sur le bien-fondé du jugement et n'est donc pas de nature à entacher sa régularité, ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. M. A... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux sont situés en France où réside sa compagne, de nationalité française, avec laquelle il entretient une relation durable depuis 2009 et leur fils mineur, de nationalité française, né le 12 juin 2013. Il est constant qu'il était titulaire d'un titre de séjour valable du 9 avril 2021 au 8 avril 2022 en qualité de parent d'un enfant de nationalité française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'entre 2019 et 2021, M. A... a fait l'objet de quatre condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de Toulouse. Il a ainsi été incarcéré, à compter du 23 juillet 2021 jusqu'au 15 août 2022, au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses en exécution de ces décisions du juge correctionnel réprimant les faits, successivement commis, d'offre ou cession non autorisée de stupéfiants en récidive, de vente frauduleuse au détail de tabac sans qualité de débitant de tabac, de violence sans incapacité sur concubin, et d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique. En outre, sa demande d'aménagement de peine a été rejetée par le juge d'application des peines. S'agissant plus particulièrement des faits de violences volontaires commis par l'appelant le 25 novembre 2021 sur sa compagne et mère de son fils, le tribunal correctionnel de Toulouse l'a condamné, par un jugement du 30 novembre 2021, à une peine d'emprisonnement de douze mois, assortie d'un sursis probatoire de deux ans pendant quatre mois. Pendant la durée de l'exécution de sa peine, ce jugement lui a interdit de paraître du domicile de la victime et lui a fait obligation de travailler et de suivre un stage relatif aux violences conjugales. De plus, au cours de son audition par la police aux frontières le 13 juillet 2022, l'appelant a indiqué être séparé de son ex-compagne, être astreint à une interdiction judiciaire de s'approcher du domicile de cette dernière pour une durée de deux ans et ne pas avoir vu son fils depuis son incarcération. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que depuis son incarcération en juillet 2021, la relation conjugale de M. A... avec sa compagne ne perdurait plus à la date de la décision attaquée.
6. D'autre part, si M. A... a également fait état, au cours de cette audition, de la persistance, malgré son incarcération, d'une communication écrite avec son fils et du versement à ce dernier d'une somme de 900 euros, il n'en justifie cependant pas par les pièces qu'il produit. Enfin, la production de photographies non datées, d'attestations peu circonstanciées, et de factures d'achats de denrées alimentaires, de chaussures, de vêtements, d'un vélo pour enfant et d'une trottinette électrique, lesquelles sont non datées ou postérieures à la décision attaquée, ne suffisent pas à établir que M. A... aurait eu avec son fils des relations revêtant un caractère suffisamment stable et ancien. Enfin, il est constant que l'appelant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Compte tenu de ces éléments, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect d'une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par son arrêté, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Pour les motifs exposés aux points 5 et 6, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut être écarté.
En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. Pour interdire à M. A... de revenir sur le territoire français et fixer à trois ans la durée de cette interdiction, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise le même jour à l'encontre de l'intéressé. Pour les motifs exposés aux points 4 et 5, il n'est pas établi qu'à la date de la décision attaquée, la vie privée et familiale de M. A... se situait en France. De plus, son comportement représentait une menace grave et actuelle à l'ordre public. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, prononcée à l'encontre de l'appelant, ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation.
11. En deuxième lieu, pour les motifs exposés aux points 5 et 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 août 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01791