Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de certificat de résidence et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 90 jours.
Par un jugement n° 2204110 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juin 2023, M. B..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 90 jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- le refus de certificat de résidence est insuffisamment motivé alors qu'il avait indiqué que toute sa famille, à savoir ses parents et ses frères et sœurs, vivait en France et qu'aucun autre membre de sa famille ne se trouvait en Algérie ; cette décision se trouve également entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- en ce qui concerne le refus de certificat de résidence en qualité d'étudiant contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet a commis une erreur de droit en lui opposant la circonstance qu'il ne possédait pas de visa de long séjour sans exercer son pouvoir de régularisation alors que sa situation personnelle, caractérisée par son inscription en baccalauréat professionnel, justifiait un tel examen ; par ailleurs, le préfet lui a, à tort, opposé la circonstance selon laquelle il ne pouvait obtenir un certificat de résidence en qualité d'étudiant faute d'être inscrit dans une formation d'enseignement supérieur alors qu'aucune des stipulations de l'accord franco-algérien ne prévoit une telle condition ;
- dès lors qu'il poursuit ses études avec assiduité et sérieux, bénéficie d'une formation en alternance et qu'il poursuit un projet professionnel comme " monteur d'installations thermiques " pour lequel il a effectué à cet effet un stage professionnel, il était en droit d'obtenir un certificat de résidence en qualité d'étudiant sur le fondement du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- en ce qui concerne le refus de certificat de résidence au titre de la vie privée et familiale, ce refus méconnait l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la présence de sa famille et de ses amis en France, du fait qu'il ne dispose plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, et en raison également des études qu'il poursuit et du contrat en alternance dont il bénéficie, lequel lui procure des ressources ;
- pour les mêmes raisons, cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle. ; il vit en France depuis qu'il y est entré en 2018 avec toute sa famille, suit une scolarité, et bénéficie même d'une bourse de l'Etat français ; il était mineur quand il est entré en France et a présenté une demande de titre de séjour avant sa majorité ; il a toujours manifesté une volonté d'intégration en France, a présenté un projet professionnel sérieux et réside en France avec toute sa famille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. B....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 24 mai 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 24 avril 2004, est entré sur le territoire français le 16 novembre 2018 muni d'un visa de court séjour avec entrées multiples. Il a sollicité, le 20 avril 2022, la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étudiant ainsi qu'au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 17 mai 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. B... le certificat de résidence demandé et a obligé ce dernier à quitter le territoire français dans le délai de 90 jours.
2. M. B... relève appel du jugement du 3 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2022.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Hérault a visé les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a fait application, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté mentionne, par ailleurs, la date d'entrée en France de M. B..., soit le 16 novembre 2018 avec un visa de court séjour, son inscription en deuxième année de certificat d'aptitude professionnelle comme " monteur d'installations thermiques " pour l'année scolaire 2021/2022, et le fait que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille. Cette décision est donc suffisamment motivée en fait, alors même qu'elle ne mentionne pas la présence en France des parents et frères et sœurs dont l'intéressé avait fait état, d'ailleurs sans plus de précisions, dans sa demande de certificat de résidence. Quant aux éventuelles erreurs de fait qui entacheraient les motifs de la décision attaquée, elles ne sont pas constitutives, par elles-mêmes, d'un défaut de motivation. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation du refus de certificat de résidence ne peut qu'être écarté.
5. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le refus de certificat de résidence en litige serait entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation.
En ce qui concerne la légalité interne du refus de certificat de résidence en qualité d'étudiant :
6. Aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire " ". L'article 9 de l'accord franco-algérien stipule : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français sans être détenteur d'un visa de long séjour comme le prévoient les stipulations précitées de l'accord franco-algérien. Par suite, le préfet de l'Hérault pouvait, pour ce seul motif, rejeter la demande de certificat de résidence en qualité d'étudiant dont il était saisi. Il s'ensuit que la circonstance alléguée selon laquelle le préfet ne pouvait, par ailleurs, légalement opposer à M. B... le fait que son inscription en deuxième année de CAP " monteur d'installations thermiques " ne permettait pas de le faire regarder comme suivant des études supérieures, dès lors qu'une telle condition n'est pas explicitement prévue par les stipulations précitées, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
En ce qui concerne la légalité interne du refus de certificat de résidence au titre de la vie privée et familiale :
8. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. Si M. B... est entré sur le territoire français le 16 novembre 2018 et qu'il y suit des études, il ressort toutefois des pièces du dossier que ses parents ne disposent pas de titres de séjour sur le territoire français, de même que, par voie de conséquence, ses frères et sœurs encore mineurs, à supposer d'ailleurs que ces derniers y séjournent effectivement. En outre, M. B... ne justifie pas de la réalité et de l'intensité des liens qui l'uniraient à sa famille. Par ailleurs, M. B..., qui a vécu dans son pays d'origine l'essentiel de sa vie, est célibataire et sans charge de famille en France. En outre, M. B... pourra, dans son pays d'origine, mettre à profit la formation qu'il a suivie en France, et que le préfet lui a laissé terminer en fixant à 90 jours le délai de départ volontaire assortissant son obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.
11. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, quant aux conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. B..., doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL01462 2