Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 11 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, de lui verser cette même somme en application des seules dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2302619 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2024, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 3 octobre 2024, M. B... C... A..., représenté par Me Mercier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 11 juillet 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2023 prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il est susceptible d'être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, qui ne mentionne pas que sa demande de protection temporaire a été acceptée, est insuffisamment motivé ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 dès lors que sa demande tendant au bénéfice de la protection temporaire avait été acceptée, le 25 mars 2022, ce qui lui conférait un droit au maintien sur le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
Par une ordonnance du 10 septembre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 ;
- la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian, né le 20 août 1983, déclare être entré en France le 1er mars 2022 pour y présenter une demande d'asile. Par une décision du 31 août 2022, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. La cour nationale du droit d'asile a confirmé, par une décision 16 février 2023, cette décision de rejet. Par un arrêté du 11 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il est susceptible d'être éloigné. M. A... relève appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, rendu le 11 juillet 2023, rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Le document mentionné au 3° du même article peut notamment être l'autorisation provisoire à laquelle a droit le bénéficiaire de la protection temporaire prévue à l'article L. 581-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle constitue, au regard de ses caractéristiques, un titre donnant droit au séjour,
3. D'une part, en application de l'article 2 de la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire conformément à l'article 7 de la directive 2001/55/CE, les États membres peuvent également appliquer la présente décision à d'autres personnes, y compris aux apatrides et aux ressortissants de pays tiers autres que l'Ukraine, qui étaient en séjour régulier en Ukraine et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d'origine dans des conditions sûres et durables.
4. D'autre part aux termes de l'article L. 581-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger appartenant à un groupe spécifique de personnes visé par la décision du Conseil mentionnée à l'article L. 581-2 bénéficie de la protection temporaire à compter de la date mentionnée par cette décision. Il est mis en possession d'un document provisoire de séjour assorti, le cas échéant, d'une autorisation provisoire de travail. Ce document provisoire de séjour est renouvelé tant qu'il n'est pas mis fin à la protection temporaire. / Le bénéfice de la protection temporaire est accordé pour une période d'un an renouvelable dans la limite maximale de trois années. (...)". Aux termes de l'article L. 581-4 du même code : " Le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance de la qualité de réfugié au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Il ne peut toutefois être cumulé avec le statut de demandeur d'asile. L'étranger bénéficiaire de la protection temporaire qui sollicite l'asile reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l'instruction de sa demande. Si, à l'issue de l'examen de la demande d'asile, le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire n'est pas accordé à l'étranger bénéficiaire de la protection temporaire, celui-ci conserve le bénéfice de cette protection aussi longtemps qu'elle demeure en vigueur. " Selon l'article R. 581-4 de ce code : " Lorsqu'il satisfait aux obligations prévues à l'article R. 581-1, le bénéficiaire de la protection temporaire est mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour valable six mois portant la mention " bénéficiaire de la protection temporaire ". / L'autorisation provisoire de séjour est renouvelée automatiquement pendant toute la durée de la protection temporaire définie au deuxième alinéa de l'article L. 581-3. (...)". Enfin, aux termes de l'article R. 581-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les catégories de personnes déplacées qui peuvent bénéficier de la protection temporaire en France en application des dispositions de l'article L. 581-7 sont désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'immigration, du ministre de l'intérieur et du ministre des affaires étrangères. Ces personnes sont alors admises au séjour dans les conditions prévues aux articles R. 581-4 et R. 581-5. (...). ".
5. En application de l'article 2 de la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire, le préfet de la Haute-Garonne, en dépit de l'absence d'un arrêté interministériel pris sur le fondement de l'article R. 581-18 cité au arrêté conjoint du ministre chargé de l'immigration, du ministre de l'intérieur et du ministre des affaires étrangères, a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à M. A..., ainsi que l'a établi M. A..., en première instance comme en appel, en versant aux débats le mail du 25 mars 2022, lui indiquant " votre dossier n°8087098 a été accepté (Protection temporaire des Ukrainiens en Haute-Garonne)" et l'invitant à se rendre le 7 avril 2022 en préfecture, muni d'un formulaire à remplir, de son passeport et de trois photos d'identité, pour la finalisation de son dossier. Dès lors qu'il est constant que M. A... s'est rendu à l'entretien ainsi prévu, muni des documents requis, ni le motif tiré de l'incompatibilité entre sa demande d'asile et la demande de protection temporaire, au regard des dispositions de l'article L. 581-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4, ni celui tiré de ce que, faute de nouvel entretien en préfecture, l'intéressé aurait renoncé à sa demande de protection temporaire ne pouvait légalement lui être opposé et ne pouvait donc fonder la mesure d'éloignement en litige.
6. Il suit de là que, compte tenu du bénéfice de la protection temporaire, qui, ainsi qu'il a été dit au point 2, constitue un titre donnant droit au séjour dont la durée est au minimum d'un an, selon l'article L. 581-3 cité au point 4, M. A... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'a pas procédé au retrait d'un tel titre, a, en prononçant la mesure d'éloignement contestée, méconnu ces dispositions.
7. Il résulte de ce qui vient d'être exposé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et sur la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prononcée par lequel le préfet de la Haute-Garonne, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
9. Le présent arrêt, qui annule l'obligation faite à l'intéressé de quitter le territoire français et les décisions subséquentes, implique nécessairement, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point précedent, que le préfet de la Haute-Garonne réexamine la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et le munisse, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Mercier, avocate de M. A..., en application de ces dispositions et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2302619 du 11 juillet 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 11 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder à un réexamen de la situation de M. A... dans le délai de deux mois du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Mercier, avocate de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A..., à Me Mercier, au préfet de la Haute-Garonne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°24TL00487 2