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21/01/2025 | FRANCE | N°22TL21618

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 21 janvier 2025, 22TL21618


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 510 234,51 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à un prélèvement en vue d'un don de sang et de mettre à la charge solidaire de l'Établissement français du sang et de son assureur, la société anonyme Axa France Iard, la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a demandé au tribunal administratif de Toulouse ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 510 234,51 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à un prélèvement en vue d'un don de sang et de mettre à la charge solidaire de l'Établissement français du sang et de son assureur, la société anonyme Axa France Iard, la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 2 560,83 euros au titre des débours, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi que la somme de 853,61 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1905751 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, condamné solidairement l'Etablissement français du sang et son assureur, la société Axa France Iard, à verser à Mme B... la somme de 19 045 euros en réparation de ses préjudices, sous déduction de la somme de 10 000 euros déjà versée et mis à la charge solidaire de l'Etablissement français du sang et de son assureur la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus de la demande de Mme B... et a, d'autre part, condamné l'Etablissement français du sang à verser la somme de 2 560,83 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn en remboursement de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, ainsi que la somme de 853,61 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2022 et le 24 janvier 2023, Mme C... B..., représentée par Me Benayoun, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1905751 du 19 mai 2022 en ce qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 19 045 euros ;

2°) de rejeter les demandes de l'Etablissement français du sang et de son assureur, la société anonyme Axa France Iard ;

3°) de reconnaître la responsabilité de l'Etablissement français du sang ;

4°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun aux organismes sociaux et opposable à la société anonyme Axa France Iard, sur le principe et le montant de la condamnation de l'assurée, ainsi que sur le principe de la garantie de l'assureur ;

5°) d'homologuer l'évaluation médico-légale à laquelle il a été procédé le 21 septembre 2018 ;

6°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 532 773,16 euros en réparation de ses préjudices ;

7°) de mettre à la charge solidaire de l'Etablissement français du sang et de son assureur, la société anonyme Axa France Iard, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre le prélèvement sanguin qu'elle a subi et sa chute, ainsi que les conséquences dommageables en résultant, est établi ;

- il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté et sous-évalué l'indemnisation de certains de ses préjudices ;

- la somme de 3 186,06 euros doit lui être allouée au titre de ses dépenses de santé actuelles restées à sa charge ;

- un montant de 4 531,09 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels doit être retenu ;

- une somme de 9424,89 euros au titre des frais divers lui sera allouée ;

- il y a également lieu de fixer le poste de ses dépenses de santé futures à la somme de 825 euros ;

- ses pertes de gains professionnels futurs doivent être déterminées à la somme totale de 435 244,52 euros ;

- l'incidence professionnelle doit également être retenue à hauteur de 35 000 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire, total et partiel, donnera lieu à une indemnisation à hauteur de 2 966,60 euros ;

- les souffrances physiques et morales endurées, évaluées à 3 sur une échelle de 1 à 7, donneront lieu à une indemnisation à hauteur de la somme de 10 000 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent, évalué à 12% dans la nouvelle évaluation prévisionnelle réalisée le 21 septembre 2018 et non à 9%, taux retenu par l'Etablissement français du sang après l'avis de son médecin conseil, émis le 23 février 2015, peut donner lieu à réparation à hauteur d'un montant de 18 600 euros ;

- un préjudice d'agrément lié à l'abandon de l'activité de danse africaine à laquelle elle s'adonnait, sera déterminé à hauteur d'un montant de 3 000 euros ;

- un préjudice sexuel doit être retenu et peut donner lieu à l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 12 août 2022, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn conclut à la confirmation du jugement.

Elle soutient que le montant définitif de ses débours est de 2 560,83 euros, soit celui retenu par le tribunal administratif de Toulouse et ne sollicite, en conséquence, aucun rehaussement de la somme de 853,61 euros obtenue au titre de l'indemnité de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2022, l'Etablissement français du sang et son assureur, la société anonyme Axa France Iard, représentés par Me Paulian, demandent à la cour de rejeter la requête de Mme B..., de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, de constater que la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a obtenu satisfaction en première instance et de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Ils font valoir que :

- il convient de relever leur accord en vue d'une indemnisation des préjudices subis par Mme B... ;

- toutefois, seuls les préjudices, en lien direct et certain avec le prélèvement sanguin et la chute qu'il a provoquée, doivent donner lieu à indemnisation ;

- l'évaluation prévisionnelle réalisée par le docteur A..., le 21 septembre 2018, ne saurait être qualifiée d'expertise, en l'absence d'examen médical de la victime, et ne peut par là même servir de fondement à une indemnisation du déficit fonctionnel permanent ;

- l'indemnisation de dépenses de santé actuelles restées à la charge de l'appelante sera écartée au regard d'une absence de lien de causalité direct et certain avec le prélèvement sanguin et la chute ;

- de même, aucune somme relative au poste de préjudice lié aux dépenses de santé futures ne saurait lui être allouée, ainsi que l'a d'ailleurs confirmé l'organisme d'assurance maladie ;

- le poste de préjudice intitulé " frais divers ", ne saurait donner lieu à l'allocation d'une somme supérieure à 720 euros ;

- les pertes de gains professionnels actuels, non établies, y compris celles postérieures au licenciement pour motif économique de Mme B..., ne donneront pas lieu à indemnisation ;

- il en va de même du poste relatif aux pertes de gains professionnels futurs ;

- l'incidence professionnelle, qui résulterait de sa dévalorisation sur le marché de l'emploi, n'est pas en lien direct et certain avec les séquelles de sa chute ;

- les postes de préjudice liés au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances physiques et morales et au déficit fonctionnel permanent sont à confirmer dans le montant retenu par les premiers juges ;

- le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ne feront pas l'objet d'une indemnisation.

Par ordonnance du 3 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mai 2024.

Un mémoire, présenté pour Mme B..., a été enregistré le 19 décembre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Les parties ont été informées, par un avis du 19 décembre 2024, émis sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme B... tendant à l'homologation de l'évaluation médico-légale réalisée le 21 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Benayoun représentant Mme B...,

- et les observations de Me Paulian représentant l'Etablissement français du sang et son assureur.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 juillet 2012, Mme B..., alors âgée de 48 ans, a été victime d'un malaise à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) avec une perte de connaissance ayant occasionné une chute et un traumatisme crânien, peu de temps après un prélèvement en vue d'un don de sang. Après avoir obtenu, le 29 janvier 2016, une indemnité provisionnelle de 10 000 euros dans le cadre d'une procédure amiable organisée par l'assureur de l'Etablissement français du sang et incluant une expertise réalisée le 6 novembre 2013 par son médecin conseil, Mme B... a refusé le protocole d'accord transactionnel proposé par ce même assureur et a recherché la responsabilité de l'établissement public national devant le tribunal administratif de Toulouse en sollicitant sa condamnation à lui verser la somme de 510 234,51 euros en réparation de ses préjudices. La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a, dans cette même instance, demandé le remboursement de ses débours à hauteur de la somme de 2 560,83 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi que la somme de 853,61 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un jugement, rendu le 19 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, condamné solidairement l'Etablissement français du sang et son assureur à verser à Mme B... la somme de 19 045 euros en réparation de ses préjudices, sous déduction de la somme de 10 000 euros déjà versée, et d'autre part, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande. L'Etablissement français du sang a également été condamné à verser la somme de 2 560,83 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn en remboursement de ses débours avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, ainsi que la somme de 853,61 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Mme B... relève appel de ce jugement rendu le 19 mai 2022 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 19 045 euros et demande de condamner solidairement l'Etablissement français du sang et son assureur, la société Axa France Iard à lui verser la somme totale de 532 773,16 euros en réparation de ses préjudices. La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et l'Etablissement français du sang demandent la confirmation du jugement.

Sur les conclusions à fin d'homologation de l'évaluation médico-légale :

2. En l'absence de dispositions le prévoyant, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'homologuer un rapport d'expertise. Les conclusions présentées par Mme B... tendant à ce que l'évaluation médico-légale, au demeurant, non contradictoire, effectuée, le 21 septembre 2018, soit homologuée ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. Les parties en ayant été informées, il y a lieu de relever d'office cette irrecevabilité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etablissement français du sang :

3. Aux termes de l'article L. 1222-9 du code de la santé publique : " L'Etablissement français du sang assume, même sans faute, la responsabilité des risques encourus par les donneurs à raison des opérations de prélèvement. / Il doit contracter une assurance couvrant sa responsabilité du fait de ces risques ".

4. Il résulte de l'instruction que Mme B..., qui ne présentait pas un état de santé ni une pathologie qui aurait pu l'exposer à un risque particulier de malaise vagal, a été victime d'une perte de connaissance et d'une chute dans les suites immédiates du prélèvement sanguin, effectué lors d'une collecte organisée par l'Etablissement français du sang, à la salle des fêtes municipale de Villefranche-de-Rouergue. Le scanner, réalisé le 18 juillet 2012, au centre hospitalier de cette commune, révèle que cette chute est à l'origine d'un traumatisme crânien et que Mme B... présente une fracture longitudinale et ascendante de l'os occipital droit depuis le condyle osseux et la lame quadrilatérale droite jusqu'à la partie moyenne de l'os occipital. Au vu de ces éléments et de la chronologie des faits, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, l'opération de prélèvement sanguin doit être regardée comme étant directement à l'origine de la chute de Mme B... et des conséquences dommageables pour cette dernière, ce que, au demeurant, l'Etablissement français du sang et son assureur, la société Axa France Iard, ne contestent pas. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 1222-9 du code de la santé publique, Mme B... est fondée à demander l'indemnisation des préjudices en lien direct et certain qui en résultent.

En ce qui concerne les préjudices :

5. La consolidation de l'état médico-légal de Mme B..., a été fixée, au regard de la spécificité des traumatismes crâniens, à la date du 18 juillet 2014, après prise en compte de l'avis critique, émis le 23 février 2015, par le médecin conseil mandaté par la victime. Cette dernière ne saurait sérieusement invoquer une date de consolidation plus tardive, non motivée, fixée au 17 juillet 2015, par l'évaluation médico-légale prévisionnelle, réalisée le 21 septembre 2018, à sa demande, à partir de son seul dossier médical, selon les termes mêmes de ce document.

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a exposé des dépenses d'hospitalisation et des frais médicaux pharmaceutiques et directement liés à la chute de Mme B... pour un montant total de 2 560,83 euros assorti des intérêts au taux légal. Ce poste de préjudice, qui n'est, au demeurant, contesté par aucune partie en appel, a fait l'objet d'une exacte évaluation.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'avis critique du médecin conseil de Mme B... que cette dernière a subi un traumatisme crânien ayant nécessité quinze séances de psychothérapie, représentant un coût unitaire de 55 euros resté à sa charge. Au vu de ces éléments et de la circonstance que trois séances ont été suivies avant la consolidation, Mme B... établit qu'une somme de 165 euros au titre des séances de psychothérapie est restée à sa charge. Si elle soutient à nouveau, en appel, qu'elle est en droit d'obtenir aussi le versement de la somme de 3 016,06 euros au titre des autres dépenses de santé actuelles, à savoir des séances d'ostéopathie et d'acupuncture, des frais de soins orthoptiques et de soins dentaires et des frais pharmaceutiques, il résulte toutefois de l'instruction que ces dépenses ne sont pas directement liées à la chute dont a été victime Mme B.... A cet égard, la seule production d'un compte rendu de consultation d'un docteur en chirurgie dentaire, rédigé le 9 juin 2015, évoquant un problème occlusal et de posture avec des contractions excessives de la mâchoire, ne permet pas d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les soins dentaires et sa chute. Il en va de même de l'évaluation prévisionnelle, ainsi qu'il a été dit au point 5. Par suite, en fixant à 165 euros le montant les dépenses de santé actuelles restées à la charge de la victime, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas procédé à une inexacte appréciation de ce poste de préjudice.

8. Au regard du montant du nombre de séances de psychothérapie effectuées avant la consolidation, il y a lieu de retenir, ainsi que l'a fait le tribunal administratif de Toulouse, un montant de dépenses de santé futures restées à la charge de Mme B... de 660 euros.

Quant aux frais divers :

9. D'une part, l'Etablissement français du sang ne conteste pas la somme de 720 euros accordée par les premiers juges au titre de l'indemnisation d'honoraires du médecin conseil ayant procédé, le 28 février 2015, à l'examen médical de Mme B.... En revanche, la somme que cette dernière sollicite au titre des honoraires liés à l'évaluation prévisionnelle réalisée, le 21 septembre 2018, à sa demande, à partir de son dossier médical, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, et ne remettant pas sérieusement en cause les expertises suffisamment précises et concordantes du médecin de l'assureur de l'Etablissement français du sang et du médecin conseil de Mme B... ne saurait être allouée dès lors que la victime ne peut être regardée comme ayant été contrainte d'exposer ces frais.

10. D'autre part, Mme B... n'est pas fondée à réclamer l'indemnisation des frais de transport pour se rendre aux consultations médicales pour des soins dentaires et d'orthoptie dès lors que ces dépenses, ainsi qu'il a été dit au point 7, ne sont pas en lien direct et certain avec la chute dont elle a été victime. Par ailleurs, l'appelante, qui ne verse aux débats aucune prescription médicale, n'établit pas la réalité de frais d'hébergement relatif à une cure thermale, ayant eu lieu du 4 au 25 mars 2014, ni, qui plus est, le lien direct avec la chute dont elle a été victime.

Quant aux pertes de gains professionnels :

11. D'une part, Mme B... a été placée en congé de maladie pour la période du 18 juillet au 3 août 2012 puis a repris son emploi de prothésiste dentaire jusqu'au 12 novembre 2012, date de son licenciement pour motif économique et non pour un motif lié à son inaptitude professionnelle. Si cette dernière sollicite le versement des pertes de revenus pour cette période, les pièces produites et notamment les documents relatifs aux indemnités journalières versées en lieu et place de son salaire couvrent la période du 29 mai au 31 mai 2012, antérieure de plus d'un mois à sa chute. En se bornant à indiquer avoir perçu de son employeur, au titre des années 2007 à 2011, des primes exceptionnelles biannuelles et en sollicitant, au vu de ces seules fiches de salaire, le versement de cette prime, qui ne lui aurait pas été versée au mois de juillet 2012, alors même qu'elle se rapporte à une période de travail antérieure à sa chute, elle n'établit pas la perte de revenus ainsi invoquée.

12. D'autre part, Mme B... ne peut utilement invoquer des pertes de revenus qui seraient intervenues après son licenciement, le 12 novembre 2012, alors que le motif économique, sans lien avec son état de santé, n'est pas utilement contesté, ni, à plus forte raison, des pertes de gains professionnels futurs, à savoir postérieures à la date de consolidation de son état médico-légal fixée au 18 juillet 2014.

13. Ainsi, dès lors qu'il n'est pas établi que les pertes de revenus alléguées seraient directement imputables aux séquelles du traumatisme crânien, aucune somme ne sera allouée à ce titre.

Quant à l'incidence professionnelle :

14. Mme B..., qui a retrouvé en 2014 une activité professionnelle, soutient que la chute dont elle a été victime a entraîné pour elle une plus grande fatigabilité neurocognitive, les conclusions du médecin conseil de l'assureur de l'Etablissement français du sang comme celles de son propre médecin conseil ne l'ont cependant pas retenue. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'appelante ne saurait sérieusement fonder un tel préjudice sur l'évaluation prévisionnelle, réalisée le 21 septembre 2018. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient à tort refusé de lui allouer une somme au titre l'incidence professionnelle.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

15. Il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel temporaire total de Mme B... doit être retenu pour la période du 17 juillet 2012 au 21 juillet 2012, correspondant à son hospitalisation, soit une durée de 5 jours. Mme B... a ensuite souffert d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10% durant la période du 22 juillet 2012 au 18 juillet 2014, soit une période de 726 jours. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme totale de 1 000 euros ainsi que l'ont estimé les premiers juges.

Quant aux souffrances endurées :

16. Les souffrances physiques et morales endurées par Mme B..., ont été évaluées à 3 sur une échelle de 7. Le préjudice subi à ce titre peut être évalué à la somme de 4 500 euros Par suite, en allouant cette dernière somme à l'intéressée, le tribunal n'a pas procédé à une insuffisante évaluation de ce poste de préjudice.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

17. Mme B..., âgée de cinquante ans à la date de la consolidation de son état médico-légal, présente un taux d'incapacité partielle de 9% en lien avec le syndrome post-commotionnel dont elle souffre incluant des troubles physiques notamment des céphalées et des vertiges, des troubles cognitifs et psycho-comportementaux, ainsi qu'un trouble du goût et de l'odorat. En allouant une indemnité de 12 000 euros incluant les troubles définitifs dans les conditions d'existence, somme qui se déduit de la somme allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire, les premiers juges, qui ont regroupé les préjudices issus du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent dans le respect de la nomenclature utilisée, n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce dernier poste de préjudice.

Quant au préjudice d'agrément :

18. Mme B... s'est bornée à invoquer devant le médecin conseil qu'elle avait mandaté, le 23 février 2015, une plus grande fatigabilité dans la pratique des activités de danse africaine, sans se prévaloir de l'impossibilité d'exercer une telle activité. Dans ces conditions, elle ne justifie pas d'un préjudice d'agrément distinct de ses troubles définitifs dans les conditions d'existence indemnisés au point 17 dans le cadre du déficit fonctionnel permanent.

Quant au préjudice sexuel :

19. Mme B... demande l'indemnisation de son préjudice sexuel caractérisé par une baisse de libido associée à une fatigabilité et des céphalées pendant l'acte. Toutefois, l'existence d'un préjudice sexuel, non retenu dans le cadre des évaluations médicales des 6 novembre 2013 et 23 février 2015, ne peut être admise. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, la seule évaluation, réalisée le 21 septembre 2018, à partir de pièces médicales, ne permet pas de remettre en cause les expertises amiables ainsi réalisées. Par suite, Mme B... n'établit pas le préjudice sexuel qu'elle allègue avoir subi et ne peut donc prétendre à une indemnisation à ce titre.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a limité la condamnation de l'Etablissement français du sang et de son assureur, la société Axa France Iard, à lui verser la somme de 19 045 euros en réparation de ses préjudices sous déduction de la provision de 10 000 euros déjà versée.

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn :

21. Les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn sont fixés, d'une part, à la somme de 2 560,83 euros au titre de ses débours avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, et, d'autre part, à celle de 853,61 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion par adoption des motifs respectivement retenus par les premiers juges aux points 5 et 15 du jugement contesté.

Sur les frais liés au litige :

22. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par l'appelante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang et de son assureur, la société Axa France Iard, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

23. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B..., sur le même fondement, la somme que sollicitent l'Etablissement français du sang et son assureur, la société Axa France Iard au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etablissement français du sang et la société Axa France Iard en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt est notifié à Mme C... B..., à l'Etablissement français du sang, à la société Axa France Iard et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL21618 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21618
Date de la décision : 21/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Dons du sang.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DENIS BENAYOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-21;22tl21618 ?
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