Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2024 par lequel le préfet du Tarn l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2400326 du 23 janvier 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 juin 2024 et 14 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Joubin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 17 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un récépissé portant la mention " protection subsidiaire " ou tout autre titre portant autorisation de travail dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté en litige ne comportait pas une décision de refus de séjour et a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre une telle décision ; il avait déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour le 25 août 2023 ;
- l'arrêté en litige vise une obligation de quitter le territoire français prise au mois d'octobre 2022 qui n'a jamais été portée à sa connaissance ;
Sur la décision portant refus de séjour :
- il justifie à la date de la décision d'un droit à se maintenir en France dès lors que le préfet n'apporte pas la preuve de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile confirmant le retrait de la protection subsidiaire qui lui avait été accordée ;
- la fiche Telemofpra produite par le préfet du Tarn ne mentionne pas que la décision prise par la Cour nationale du droit d'asile a été rendue en audience publique ;
- le refus opposé à sa demande d'admission au séjour a été pris en violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée en violation de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- la décision est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il n'a pas été informé de la perte de sa protection subsidiaire ;
- n'étant pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, les dispositions de l'article L. 251-1 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui sont pas opposables ;
- son état de santé fait obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une mesure d'éloignement ; cet état de santé n'a pas été constaté dans les conditions prévues aux articles R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en l'absence de prise en charge adaptée à son état de santé dans son pays d'origine, il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français conformément au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis des erreurs de fait dès lors qu'il justifie d'un séjour régulier en France jusqu'au 30 novembre 2023 ; il réside régulièrement en France depuis 2015 ;
- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- le tribunal a excédé sa compétence en estimant que la mesure d'éloignement a pu être fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'était pas mentionné par l'arrêté en litige ;
- le tribunal a omis de statuer en ne répondant pas au moyen relatif à son état de santé ;
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
- c'est décision est entachée d'un défaut de motivation en fait ;
- aucun des éléments de fait ne permet de justifier un refus de délai de départ volontaire ;
- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et aucun alinéa de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est spécifié ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il ne justifiait d'aucune circonstance particulière justifiant que soit accordé un délai de départ volontaire ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'établit pas avoir procédé à un examen complet de sa situation ;
- cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
-elle méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il encourt des risques liés au contexte général en Afghanistan, qu'il existe au sein de la province de Kaboul une situation de violence aveugle à l'égard des civils résultant d'un conflit armé, que la province de Laghmân dont il est originaire connait un niveau de violence aveugle d'une intensité exceptionnelle, qu'il encourt des risques personnels de traitements inhumains et dégradants de la part des talibans et il ne pourra bénéficier d'un suivi médical approprié en cas de retour en Afghanistan ;
- le renvoi dans son pays d'origine l'expose à des risques compte tenu de son état de santé ;
- il s'est vu retirer le statut de réfugié sur le fondement de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit être regardé comme bénéficiant toujours du statut de réfugié ;
- l'administration n'est pas tenue de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un individu dont la demande de protection internationale a été rejetée de manière définitive ;
- le tribunal a commis des erreurs de droit en estimant qu'il n'encourrait pas de risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée en fait ;
- elle privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2024, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a, sur sa proposition, dispensé le rapporteur public de prononcer des conclusions.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabert, président,
- et les observations de Me Joubin, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan, né le 24 juillet 1933 à Laghmân (Afghanistan), est entré en France le 20 juillet 2015 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au titre de l'asile et a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 30 novembre 2015. Par une décision du 13 octobre 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a retiré le bénéfice de la protection subsidiaire et ce retrait a été confirmé par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 26 septembre 2023. Par un arrêté du 17 janvier 2024, le préfet du Tarn l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 17 juin 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, M. A... soutient en appel que le tribunal a commis des erreurs de droit en écartant les moyens dirigés contre la décision fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit et a excédé sa compétence en se fondant sur des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'étaient pas mentionnées dans l'arrêté en litige pour fonder la décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, de tels moyens relèvent du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel à qui il appartient, dans le cadre de l'effet dévolutif, de statuer à nouveau sur la légalité de l'arrêté du préfet du Tarn.
3. En deuxième lieu, M. A... fait valoir que c'est à tort que le tribunal a déclaré irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour dès lors qu'il avait déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour le 25 août 2023. Toutefois, il ressort des termes l'arrêté en litige que le préfet du Tarn, après avoir constaté la fin du droit au maintien de l'appelant en France à la suite du retrait de la protection subsidiaire qui lui avait été accordée, a prononcé une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et une décision fixant le pays de renvoi. Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a relevé au point 3 du jugement attaqué que les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour inexistante sont irrecevables et doivent être rejetées.
4. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a soulevé en première instance, dans un mémoire complémentaire du 23 janvier 2024, le moyen tiré de l'erreur de droit au titre des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable en ce qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de son état de santé. Le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse n'a pas visé et n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Par voie de conséquence, l'appelant est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a omis de statuer sur ce moyen et qu'il doit être annulé dans cette mesure.
5. Dès lors, il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de la requête de M. A....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
6. Il résulte de ce qui a été exposé au point 3 du présent arrêt que l'arrêté pris par le préfet du Tarn à l'encontre de M. A... ne comporte pas de décision refusant l'admission au séjour de l'intéressé. Par suite, les moyens soulevés dans sa requête d'appel fondés sur l'existence d'un droit au maintien en France du fait des conditions dans lesquelles a été rendue la décision du 26 septembre 2023 de la Cour nationale du droit d'asile confirmant le retrait de la protection subsidiaire et de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 6 du présent arrêt que l'appelant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité d'une décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit 5 (...) ". L'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
9. L'arrêté en litige vise les textes dont il a été fait application, en particulier la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il comporte également les considérations de fait relatives à la situation personnelle et administrative en France de M. A..., notamment le retrait de la protection subsidiaire par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 octobre 2021 et sa condamnation à quatre ans d'emprisonnement pour des faits d'agressions sexuelles, corruption et viols sur mineur de 15 ans. Cet arrêté précise également que l'intéressé, âgé de 30 ans, est marié et père d'un enfant mineur vivant en Afghanistan, sans emploi et sans ressources propres. Dans ces conditions, alors même qu'il n'est pas fait état de la circonstance selon laquelle l'intéressé a fait l'objet d'une greffe de foi en 2019, la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A... est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté en date du 17 janvier 2024 que le préfet du Tarn n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. A.... Par suite, le moyen sera écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Par ailleurs, l'article L. 542-1 du même code dispose que : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la signature de celle-ci. Dans le cas où il est statué par ordonnance, l'autorité administrative ne peut engager l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français du demandeur d'asile dont le droit au maintien a pris fin qu'à compter de la date de notification de l'ordonnance ".
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est vu définitivement retirer le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 septembre 2023. La fiche TelemOfpra produite en défense par le préfet du Tarn, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, indique que le rejet du recours de M. A... formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 octobre 2021 mettant fin à la protection subsidiaire qui lui avait été accordée, a été prononcé par une " décision " de la Cour nationale du droit d'asile prise le 26 septembre 2023. Contrairement à ce que soutient l'appelant, la circonstance que ne soit pas indiqué sur cette fiche que la décision a été prise en audience publique ne suffit pas à démontrer qu'il bénéficiait toujours d'un droit au maintien en France à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, l'intéressé ne peut être regardé comme résidant régulièrement en France depuis plus de trois mois à la date de l'arrêté attaqué.
13. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que M. A... a été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Toulouse, le 17 juillet 2019, pour les faits d'agression sexuelle commis sur mineur de moins de quinze ans en récidive et qu'en raison du risque de réitération, il est inscrit au fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles. Au regard de la gravité de ces faits, la présence en France de M. A... constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet du Tarn a pu légalement, en se fondant sur les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obliger M. A... à quitter le territoire français. Ni la circonstance que l'intéressé ne relèverait pas du 1° du même article, ni celle tirée de la mention du 4° de ce même article par le tribunal, qui procède d'une erreur de plume, ne sont de nature à caractériser une erreur de droit commise par le préfet en prononçant une mesure d'éloignement à l'encontre de l'intéressé.
14. En cinquième lieu, M. A... soutient que le préfet du Tarn a entaché son arrêté d'une erreur de droit au regard des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur ce fondement puisqu'il n'est pas ressortissant européen. Toutefois, il ressort des visas et des termes de la décision attaquée qu'il s'agit d'une erreur de plume sans incidence sur sa légalité dès lors que le préfet a pu légalement se fonder, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, sur les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à M. A... pour prononcer une obligation de quitter le territoire français à son encontre. Par suite, le moyen doit être écarté.
15. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". L'article R. 611-1 du même code dispose que : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou placé ou maintenu en rétention administrative en application du titre IV du livre VII, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent. ". Aux termes de l'article R. 611-2 de ce code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est placé ou maintenu en rétention administrative, le certificat prévu au 1° est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 744-14. ".
16. Il ressort des pièces du dossier que lors de son audition le 17 janvier 2024 par les services de police, M. A... s'est borné à indiquer qu'il a eu " une greffe de foie en 2019 " et a précisé ne pas savoir si son état de santé est compatible avec un séjour en centre de rétention. Ces seules indications, qui ne font état d'aucun suivi médical en France particulier cinq années après la réalisation d'une greffe de foie, ne permettaient pas au préfet de considérer que l'état de santé de l'intéressé justifiait que soit mise en œuvre la procédure prévue aux articles R. 611-1 et R. 611-2 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, en produisant seulement des éléments de littérature médicale relatifs aux patients greffés du foie et en faisant état de l'état dégradé de l'offre de soins en Afghanistan, M. A... n'établit pas que son état de santé faisait obstacle à ce qu'une décision portant obligation de quitter le territoire français soit prise à son encontre. Par suite, les moyens tirés de la violation des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 et des articles R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur ne peuvent qu'être écartés.
17. En dernier lieu, si l'appelant soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à ses droits et libertés notamment au regard de l'ancienneté des faits pour lesquels il a été condamné en 2015 puis en 2018, il n'apporte aucune précision à l'appui de ces allégations. Dans ces conditions, et alors qu'il ne justifie pas de liens privés et familiaux d'une intensité particulière sur le territoire français et qu'il ne démontre pas être isolé dans son pays d'origine où résident sa femme et son enfant mineur, le moyen invoqué sur ce point ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
18. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants:/ / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". L'article L. 612-3 du même code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) /4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / ".
19. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire serait privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
20. En deuxième lieu, l'arrêté vise les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. A... a déclaré qu'il ne souhaitait pas retourner en Afghanistan. Par ailleurs, il ressort des termes de l'arrêté que M. A... représente une menace pour l'ordre public eu égard à son interpellation pour des faits graves d'agressions sexuelles sur mineur de 15 ans en 2015 et 2018. Par suite, la décision portant refus de délai de départ volontaire est suffisamment motivée.
21. En troisième lieu, il résulte des termes de l'arrêté attaqué que, pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet du Tarn s'est fondé sur les dispositions précitées des 1° et 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 4° de l'article L. 612-3 du même code. Ainsi qu'il a été exposé au point 13 du présent arrêt, la présence de M. A... sur le sol français constitue une menace pour l'ordre public. De plus, l'intéressé a déclaré lors de son audition du 17 janvier 2024, ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine afin de rester en France et souhaiter que sa femme vienne le rejoindre. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstance particulière, le préfet du Tarn a pu légalement refuser d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
23. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté que M. A... n'établit pas que sa vie ou sa liberté soient menacées, ou qu'il soit exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le préfet du Tarn a suffisamment motivé sa décision. Pour les mêmes motifs, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle.
24. En troisième lieu, M. A... n'ayant pas été admis au bénéfice du statut de réfugié, il ne peut utilement se prévaloir des conséquences à tirer d'un retrait de ce statut au regard de la qualité de réfugié. Par ailleurs, s'il invoque à ce titre la jurisprudence du Conseil d'Etat sur la charge de la preuve en matière de risques de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans le pays d'origine dans le cadre du retrait du statut de réfugié, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait obtenu le statut de réfugié régi par des dispositions distinctes de celles régissant la fin du bénéfice de la protection subsidiaire dont il a fait l'objet.
25. En quatrième lieu, la méconnaissance de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit à la liberté et à la sureté, ne peut être utilement invoquée dans le cadre du présent litige dès lors que la décision contestée ne présente pas le caractère d'une mesure privative de liberté au sens de cet article.
26. En cinquième lieu, si M. A... soutient encourir des risques liés au contexte général en Afghanistan notamment au sein de la province de Kaboul qu'il aura vocation à traverser pour rejoindre sa province d'origine et au sein de à la province dont il est originaire, Laghmân, au regard de la situation de violence généralisée d'exceptionnelle intensité reconnue en février 2021 par la Cour nationale du droit d'asile ainsi que des risques personnels liés à son activité en tant que militaire en Afghanistan, il n'apporte dans la présente instance aucun élément actualisé quant à la menace actuelle et personnelle dont il ferait l'objet en Afghanistan, où résident sa femme et son enfant mineur selon ses déclarations et alors que sa demande de renouvellement de protection subsidiaire a été rejetée définitivement par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 septembre 2023.
27. En sixième lieu, si M. A... soutient qu'il a été greffé de foie en 2019, soit il y a cinq ans, et qu'il bénéficie d'un suivi en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement médical serait actuellement en cours et qu'un tel traitement serait indisponible dans son pays d'origine. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en édictant l'arrêté litigieux.
28. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... conserve dans son pays d'origine des attaches fortes dès lors que sa femme et un enfant mineur y résident. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale, ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
29. En premier lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et portant refus de délai de départ volontaire n'étant pas entachées des illégalités alléguées, l'appelant n'est pas fondé à s'en prévaloir par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
30. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612- 10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
31. Il résulte des dispositions précitées que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
32. M. A... soulève à nouveau en appel le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'elle ne se réfère pas à l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment de la circonstance qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet du Tarn a tenu compte de l'absence de liens privés et familiaux sur le territoire français de M. A... et de ce qu'il ne justifiait pas être dépourvu d'attaches familiales en Afghanistan où résideraient sa femme et son enfant mineur selon ses déclarations. Par ailleurs, la présence sur le territoire français de M. A... constitue une menace à l'ordre public compte tenu de ce qui a été exposé au point 13. Dans ces conditions, le préfet du Tarn a pu légalement prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
33. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français. L'appelant n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
34. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution au sens des article L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque à verser au conseil de l'appelant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 23 janvier 2024 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse dirigée contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Joubin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Denis Chabert, président,
- M. Thierry Teulière, président-assesseur,
- M. Florian Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
D. Chabert Le président-assesseur,
T. Teulière
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24TL01548 2