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26/12/2024 | FRANCE | N°24TL00755

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 26 décembre 2024, 24TL00755


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de C... d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023, par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2303346 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de C... a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



I. Par une requête, enregistrée le 28 mars 2024 sous le n° 24TL00755 et un mémoire, enregistré le 5 septembre 2024, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de C... d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023, par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2303346 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de C... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 28 mars 2024 sous le n° 24TL00755 et un mémoire, enregistré le 5 septembre 2024, Mme D..., représentée par Me Rosé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2023 du tribunal administratif de C... ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023, par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande en la munissant, le temps de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'arrêté litigieux ;

- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle n'entre dans aucune catégorie légale lui permettant de bénéficier d'un visa long séjour pour s'installer en France, même alors que son compagnon y réside en situation régulière avec leurs deux enfants ;

- il méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît aussi les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 423-23 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 15 mars 2024.

II. Par une requête, enregistrée le 28 mars 2024 sous le n° 24TL00756, et un mémoire, enregistré le 5 septembre 2024, Mme D..., représentée par Me Rosé, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de C... du 26 septembre 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- son éloignement est de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables, en ce qu'il aboutirait à la séparer de son compagnon et de leurs deux enfants ;

- elle fait état de moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté litigieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 15 mars 2024.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Après avoir entendu le rapport de M. Rey-Bèthbéder au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante serbe née le 27 octobre 1994, déclare être entrée en France le 9 octobre 2017 sous couvert de son passeport biométrique en vue d'y rejoindre son compagnon de même nationalité, lui-même entré sur le territoire national un mois auparavant, titulaire d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé, et avec lequel elle a donné naissance à deux enfants à C... en 2019 et 2021. La demande d'asile qu'elle a présentée a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 septembre 2018. Le 2 mars 2023, elle a sollicité du préfet de l'Hérault la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

2. Par la requête n° 24TL00755, Mme D... relève appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de C... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi et, par la requête n° 24TL00756, elle sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

3. Les requêtes n° 24TL00755 et n° 24TL00756 de Mme D... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur la requête n° 24TL00755 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Il est constant, d'une part, que l'appelante, si elle n'établit la date exacte de son entrée en France, y vit depuis le mois de décembre 2017 au plus tard avec son compagnon, M. B..., et que de l'union avec celui-ci sont nés deux enfants, à C..., les 8 juin 2019 et 13 mai 2021 et, d'autre part, qu'à la date de l'arrêté litigieux, M. B... bénéficiait, depuis le 27 mai 2019, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, en raison de la pathologie chronique dont il est atteint et était employé à temps plein en contrat à durée indéterminée par une entreprise située à Palavas-les-Flots (Hérault). Par ailleurs, l'appelante justifie de ses efforts d'intégration dans la société française par la production de documents attestant, notamment, de l'obtention d'un diplôme universitaire de langue française et de sa participation à diverses activités associatives. Dans ces circonstances et à supposer même envisageable juridiquement qu'elle retourne en Serbie pour solliciter la délivrance d'un visa de court ou de long séjour tandis que son compagnon demeurerait en France et prendrait soin de leurs deux jeunes enfants, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ne procédait pas d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de C... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2023 du préfet de l'Hérault.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. /La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

8. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de l'Hérault admette Mme D... au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Toutefois, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

9. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Rosé au titre des frais non compris dans les dépens.

Sur la requête n° 24TL00756 :

10. Le présent arrêt statuant sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2303346 du tribunal administratif de C... du 26 septembre 2023, les conclusions de Mme D... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

D É C I D E :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24TL00756 de Mme D... tendant au sursis à exécution du jugement du 26 septembre 2023 du tribunal administratif de C....

Article 2 : Le jugement du 26 septembre 2023 du tribunal administratif de C... est annulé.

Article 3 : L'arrêté du 24 mars 2023 du préfet de l'Hérault est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'État versera au conseil de Mme D..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'État à l'aide juridictionnelle dans les présentes affaires, la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à Me Florence Rosé et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024.

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

Le président-assesseur,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24TL00755, 24TL00756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00755
Date de la décision : 26/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Eric Rey-Bèthbéder
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : ROSE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-26;24tl00755 ?
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