Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2202842 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2023, Mme B... C..., épouse A..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire au séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, la somme de 1500 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... C..., épouse A..., soutient que :
- la décision du préfet est insuffisamment motivée et se trouve entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, dès lors qu'elle se borne à relever le fait que son mariage ne date que du 21 septembre 2019, sans porter d'appréciation sur l'ancienneté de la vie commune, et en lui opposant l'absence de visa de long séjour ;
- toutefois, le visa de long séjour ne lui est pas opposable pour l'application des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour rejeter sa demande, du fait de l'absence de détention d'un tel visa ;
- pour l'appréciation du droit au séjour au titre de la vie privée et familiale, sur le fondement de ces stipulations, les liens familiaux sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité ;
- compte tenu du fait qu'elle est entrée en France en 2018, de l'existence d'une vie commune, non contestée par le préfet, avec son mari depuis mai 2019, et du fait qu'elle est très bien intégrée en France notamment du fait des liens avec sa belle-famille, la décision portant refus de certificat de résidence et l'obligation de quitter le territoire, sont entachées d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 6 5) de l'accord franco-algérien et portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle produit de nombreux documents attestant de sa présence en France depuis 2018 ; elle justifie de son insertion en France, notamment par son activité de bénévole au sein de l'association des Restos du cœur et son activité professionnelle ; elle doit être regardée comme ayant fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme C....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 19 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme B... C... épouse A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,
- les observations de Me Ruffel, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... épouse A..., de nationalité algérienne, née le 22 juin 1993, est entrée irrégulièrement en France, à une date qu'elle indique être, sans l'établir, le 15 décembre 2018. Après qu'elle a présenté, le 19 mars 2019, une demande d'asile dont elle s'est finalement désistée, par deux arrêtés du 6 août 2019 le préfet de la Haute-Garonne a prononcé son transfert aux autorités espagnoles ainsi que son assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Mme C... s'est mariée, le 21 septembre 2019, avec M. A..., ressortissant français, et le 15 décembre 2021 elle a sollicité un certificat de résidence en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français. Par un arrêté du 27 décembre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer le certificat de résidence sollicité par Mme C... et a obligé celle-ci à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. Par la présente requête, Mme C..., épouse A..., relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Selon l'article 9 du même accord : " ... Pour être admis à entrer et à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis alinéa 4 (lettres c à d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises... ".
4. Il résulte des stipulations précitées de l'accord franco-algérien que la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien en qualité de conjoint de français n'est pas subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour. Ainsi, en refusant à Mme C..., épouse A..., la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de français au motif qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour, le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit.
5. Mme C... épouse A... est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, à demander l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, et l'annulation du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions en injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique seulement, compte tenu du motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme C..., épouse A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de délivrer à cette dernière une autorisation provisoire au séjour dans un délai de huit jours.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Mme C..., épouse A..., a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de l'appelante renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ruffel de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2202842 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à Mme C..., épouse A..., un certificat de résidence en qualité de conjoint de français, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme C..., épouse A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire au séjour dans un délai de huit jours.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ruffel une somme de 1 500 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ruffel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus de la requête de Mme C..., épouse A..., est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El-Gani Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C.Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02098 2