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17/12/2024 | FRANCE | N°23TL01773

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 17 décembre 2024, 23TL01773


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2202146 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2023 et un mémoire en réplique du 22 décembre 2023, Mme C... épouse A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2202146 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2023 et un mémoire en réplique du 22 décembre 2023, Mme C... épouse A..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme C... épouse A... soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence pour avoir été signées par M. Thierry Laurent secrétaire général de la préfecture de l'Hérault dont la délégation de signature, qui recouvre l'intégralité de la compétence du préfet, est trop générale ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est mariée depuis le 26 janvier 2019 avec un ressortissant français, et avec lequel elle réside depuis lors, qui travaille, et alors que le couple cherche à avoir un enfant ;

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile retenant de façon contradictoire, qu'elle se trouve en situation irrégulière en France, tout en ne reconnaissant pas, pour l'obtention d'un titre de séjour, la réalité de sa présence en France ; le fait qu'elle ait fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire, le 4 décembre 2014 et le 5 juin 2018, n'est pas de nature à faire obstacle à son admission exceptionnelle au séjour ; elle n'a jamais été l'auteure d'une infraction en France ; elle justifie d'une résidence habituelle en France sur une période de dix ans, entre 2012 et 2022, et donc d'une situation exceptionnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité au regard de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où elle était à la date de la décision attaquée, mariée depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française et que la communauté de vie n'est pas contestée par le préfet.

Par un mémoire en défense du 29 novembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme C... épouse A....

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 23 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme B... C... épouse A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,

- les observations de Me Ruffel, représentant Mme C... épouse A....

Une note en délibéré a été produite pour Mme C... épouse A... le 7 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., épouse A..., de nationalité marocaine, et née le 15 février 1989, est entrée irrégulièrement en France au mois de novembre 2010 selon ses déclarations. Elle a fait l'objet de deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français pris les 4 décembre 2014 et 5 juin 2018. Mme C..., qui s'est néanmoins maintenue sur le territoire français, s'est mariée en mairie de Montpellier le 26 janvier 2019 avec un ressortissant français et a sollicité, le 28 septembre 2021, une autorisation de séjour au titre de la vie privée et familiale et au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 26 janvier 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. Par la présente requête, Mme C..., épouse A..., relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., épouse A..., s'est mariée en France, le 26 janvier 2019, avec un ressortissant français, si bien qu'à la date de la décision attaquée, prise le 26 janvier 2022, elle justifiait avec son époux d'une vie commune, dont la réalité n'est pas contestée par le préfet, de plus de trois ans. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que son époux bénéficie en France d'une situation professionnelle stable. Enfin, Mme C..., épouse A..., produit un certain nombre de documents attestant de sa présence en France pour les années 2012 à 2016, 2019 à 2021. Dans ces circonstances particulières, et quand bien même l'appelante ne s'est pas conformée à deux mesures d'éloignement prises à son encontre en 2014 et 2018, eu égard à la durée de son mariage à la date de la décision attaquée, le préfet a, en prenant celle-ci, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à mener une vie privée et familiale normale.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C..., épouse A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté en litige du 26 janvier 2022, et à demander, par voie de conséquence, l'annulation du jugement du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Compte tenu du motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C..., épouse A..., un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

9. Mme C..., épouse A..., a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de l'appelante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ruffel de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2202146 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 26 janvier 2022 du préfet de l'Hérault sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... épouse A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ruffel une somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ruffel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme C... épouse A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et à Me Ruffel.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El-Gani Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL01773 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01773
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23tl01773 ?
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