Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat des copropriétaires de la résidence " La Lagune et la Mer " a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 pris par le maire de la commune de Saint-Cyprien lui enjoignant de procéder, au plus tard le 14 avril 2021, à l'enlèvement des enrochements entravant la circulation des véhicules sur le passage lui appartenant, situé sur la parcelle cadastrée AS n° 792 et de laisser libre le passage des engins de lourd tonnage pour le montage des postes de secours n° 4 et 5 et des véhicules de police et de secours de toute nature jusqu'au 30 septembre 2021.
Par un jugement n° 2103607 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, le syndicat des copropriétaires de la résidence " La Lagune et la Mer ", représenté par Me Nese, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté municipal du 6 avril 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- cet arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le maire ne disposait pas sur le passage litigieux qui constitue une voie privée qui n'est pas ouverte à la circulation, des pouvoirs de police que lui confère l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales ; il porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété des copropriétaires ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les engins de lourd tonnage peuvent emprunter la voie publique tracée sur la parcelle AS n° 505 pour accéder à la plage faisant partie du domaine public maritime ;
- l'arrêté attaqué, qui vise à satisfaire les intérêts privés de deux plagistes et a pour but de contraindre les copropriétaires à subir à une expropriation publique du passage privé en litige, est entaché d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, la commune de Saint-Cyprien, représentée par Me Pailles, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat de copropriétaires appelant la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'arrêté municipal est fondé sur un motif d'intérêt général lié à la sécurité publique ; il vise à permettre aux services de police, de secours et d'incendie et aux engins de lourd tonnage utilisés pour le montage et le démontage des postes de secours n° 4 et 5 d'accéder à la plage ;
- l'arrêté attaqué qui constitue une mesure de police, ne porte qu'une atteinte limitée dans le temps, présente un caractère justifié et proportionné ;
- cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la voie publique cadastrée AS n° 505, du fait de sa configuration, ne peut être utilisée par des engins de lourd tonnage.
Par une ordonnance du 6 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 juin 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Nese, représentant le syndicat appelant et celles de Me Paré représentant la commune de Saint-Cyprien.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 6 avril 2021, le maire de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) a enjoint à la copropriété de la résidence " La Lagune et la Mer ", en sa qualité de propriétaire du passage situé entre sa résidence et la résidence des Génois, se trouvant sur la parcelle cadastrée section AS n° 792, de faire procéder à l'enlèvement des enrochements entravant le passage des véhicules au plus tard le 14 avril 2021 et de laisser libre le passage vers la plage des engins de lourd tonnage pour le montage des postes de secours n° 4 et 5 et des véhicules de police et secours de toute nature, et ce jusqu'au 30 septembre 2021. Un recours gracieux a été présenté le 14 avril 2021 par le syndicat des copropriétaires de la résidence " La Lagune et la Mer " qui est resté sans réponse. Ce syndicat relève appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté municipal du 6 avril 2021.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publique (...) ".
3. D'une part, le propriétaire d'une voie privée ouverte à la circulation du public est en droit d'en interdire à tout moment l'usage au public. Le maire ne peut, sans excéder les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, rouvrir une voie privée à la circulation si ses propriétaires s'y opposent.
4. D'autre part, il appartient au juge administratif d'apprécier la réalité du consentement des propriétaires à l'ouverture au public d'une voie dont ils sont propriétaires.
5. Il ressort des pièces du dossier que le passage en litige appartient à la copropriété de la résidence " La Lagune et la Mer " et qu'à l'automne 2020, cette copropriété a posé des enrochements au milieu du passage dans le but d'y empêcher la circulation de véhicules n'appartenant pas aux membres de la copropriété. Dès lors, par ces installations, les copropriétaires du passage en litige, qui constitue une voie privée, doivent être regardés comme ayant expressément manifesté, à compter de l'automne 2020, leur opposition à l'ouverture à la circulation publique de cette voie. Compte tenu de cette opposition, le maire de Saint-Cyprien ne pouvait, sans excéder les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, imposer de rouvrir cette voie privée à la circulation publique. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'une voie publique permet par ailleurs aux véhicules, notamment d'incendie et de secours, d'accéder à la plage. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 6 avril 2021 est entaché d'une erreur de droit, doit être accueilli.
6. Il résulte de ce qui précède que le syndicat des copropriétaires de la résidence " La Lagune et la Mer " est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté municipal du 6 avril 2021. Dès lors, ce jugement, ainsi que l'arrêté du 6 avril 2021, doivent être annulés.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien le versement au syndicat des copropriétaires de la résidence " La Lagune et la Mer " de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires appelant, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par la commune de Saint-Cyprien au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 décembre 2022, et l'arrêté municipal du 6 avril 2021, sont annulés.
Article 2 : La commune de Saint-Cyprien versera au syndicat des copropriétaires de la résidence " La Lagune et la Mer " la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Cyprien présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de la résidence " La Lagune et la Mer " et à la commune de Saint-Cyprien.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00468