La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2024 | FRANCE | N°23TL00378

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 17 décembre 2024, 23TL00378


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Mérial à lui verser une somme globale de 16 140 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de travaux publics portant sur le nettoyage du lit du cours d'eau le Rébenty.

Par un jugement n° 2103213 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Pr

océdure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2023 et le 8...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Mérial à lui verser une somme globale de 16 140 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de travaux publics portant sur le nettoyage du lit du cours d'eau le Rébenty.

Par un jugement n° 2103213 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2023 et le 8 février 2024, l'association Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial, représentée par Me Conquet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner la commune de Mérial à lui verser une somme de 4 140 euros en réparation de son préjudice matériel ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à cette commune de faire relier la parcelle cadastrée section AB n° 22 au réseau d'assainissement collectif à ses frais ou, en cas d'impossibilité matérielle, d'installer un réseau d'assainissement privatif et ce, dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de condamner la commune de Mérial à lui verser une indemnité de 43 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi entre le mois de juin 2020 et le 6 février 2024 ainsi qu'une indemnité de 1 000 euros par mois au titre du préjudice de jouissance à venir jusqu'à la réalisation de travaux de remise en état de système d'évacuation de ses eaux usées ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Mérial une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- elle se trouve dans l'impossibilité d'utiliser son local qui servait anciennement de forge et de jouir paisiblement de son bien depuis que la commune de Mérial a pris l'initiative, le 20 juin 2020, de sectionner le tuyau d'évacuation des eaux usées de son immeuble et de boucher cette conduite avec du ciment, ce qui l'empêche d'utiliser l'eau courante ; ces faits sont établis par des témoignages de personnes ayant assisté à ces agissements et par un constat d'huissier et sont reconnus par la commune elle-même dans la décision du 12 mai 2021 rejetant sa demande préalable ;

- l'immeuble dont elle est propriétaire est raccordé au réseau d'eau potable depuis 1957 et disposait déjà d'une canalisation destinée à l'évacuation des eaux usées autorisée et installée par la commune de Mérial avant qu'elle en fasse l'acquisition auprès de cette commune, le 24 avril 2018 ;

- la direction départementale des territoires et de la mer de l'Aude a reconnu qu'elle avait seulement procédé au remplacement d'une canalisation d'évacuation des eaux usées existante et qu'en l'absence de dispositif d'assainissement collectif, la plupart des réseaux d'évacuation des eaux usées se trouvant sur le territoire de la commune ne sont pas conformes ;

- quand bien même la canalisation en litige serait illégalement implantée, cette circonstance n'autorisait pas la commune de Mérial à détruire cet équipement privé sans mise en demeure préalable ni autorisation judiciaire ;

- si la commune de Mérial est compétente pour contrôler les réseaux d'assainissement individuel, il ne lui appartient pas d'agir seule sur un réseau privé ;

- toutes les constructions de la commune rejettent leurs eaux usées au moyen de canalisations se déversant dans le lit du Rébenty ;

- le maire de la commune de Mérial a agi dans l'intention de lui nuire ;

- le local en litige était bien relié à l'eau potable avant qu'elle en fasse l'acquisition ainsi que cela résulte du certificat d'urbanisme délivré par la mairie de Mérial qui a également attesté qu'elle avait pour projet de réaliser un système d'assainissement public ;

- sa propriété n'était pas reliée au réseau d'assainissement collectif mais il existait bien une canalisation de rejet des eaux usées puisqu'elle était alimentée en eau potable ;

- en sectionnant et en bouchant la canalisation d'évacuation des eaux usées de son local, la commune de Mérial est responsable, même en l'absence de faute, des dommages qui lui ont été causés en qualité de tiers, du fait de l'opération de travaux publics qu'elle a menée en méconnaissance de son droit de propriété ;

- elle subit un préjudice grave et anormal dont elle est fondée à obtenir l'indemnisation dans les conditions suivantes :

* la somme de 4 140 euros au titre du préjudice matériel correspondant au coût des travaux de remise en état de la canalisation endommagée ;

* la somme de 43 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi sur la période comprise entre juillet 2020 et février 2024 à hauteur de 1 000 euros par mois ;

* 1 000 euros par mois pour le préjudice de jouissance à venir jusqu'à la remise en état de la canalisation en litige.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 21 février 2024, la commune de Mérial, représentée en dernier lieu par Me Thalamas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le bien dont l'association appelante a fait l'acquisition se situe en dehors du périmètre de l'assainissement collectif et n'a jamais été raccordé à l'eau potable ainsi que cela résulte du certificat d'urbanisme annexé à l'acte notarié ; seule la fontaine adossée au bâtiment était alimentée en eau jusqu'au 20 juin 2020 mais celle-ci demeure sa propriété et n'a pas été intégrée à l'acte de vente de ce bien ;

- le 20 juin 2020, constant la présence d'un tuyau en polychlorure de vinyle traversant le cours d'eau le Rébenty, elle a décidé de faire procéder au nettoyage de ce cours d'eau classé en zone Natura 2000 ;

- le document dont se prévaut l'association appelante ne constitue pas un certificat d'urbanisme mais une demande de certificat d'urbanisme ;

- l'association appelante s'est raccordée à une fontaine adossée au bâtiment dont elle est propriétaire sans aucune autorisation, ce qui a conduit le service des eaux, suspectant une fuite d'eau, à couper l'alimentation de cette fontaine ;

- en se raccordant au réseau d'eau potable sans aucune autorisation et en procédant au rejet de ses eaux usées dans la rivière le Rébenty, l'association appelante a commis une faute à l'origine de ses préjudices de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

- il n'est nullement prouvé qu'elle a procédé au rebouchage de la canalisation en litige ;

- le préjudice allégué n'est pas établi, le bâtiment en litige servait à l'origine à accueillir les activités du maréchal-ferrant du village qui s'approvisionnait en eau à l'extérieur de ce local ;

- les rejets d'eaux usées dans les milieux naturels ont été précisément identifiés lors de relevés réalisés en 2006 dans le cadre d'un projet de mise en conformité du système d'assainissement de la commune sans qu'aucun rejet en provenance du bâtiment en litige n'ait été relevé ; de même, aucun exutoire d'eaux usées n'a été identifié pour ce local lors d'études réalisées au mois d'août 2016 dans le cadre d'un projet de construction d'un réseau d'assainissement des eaux usées de la commune.

Par une ordonnance du 11 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 février 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Conquet, représentant l'association Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial, et celles de Me Thalamas, représentant la commune de Mérial.

Considérant ce qui suit :

1. L'association " Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial " est propriétaire, depuis le 24 avril 2018, des parcelles cadastrées section AB n°s 7, 8, 21 et 22, à Mérial (Aude), cette dernière, située au 2 rue Haute, comprenant un petit bâtiment à usage de grange ayant servi de forge par le passé. Le 20 juin 2020, cette association a constaté que le tuyau d'évacuation des eaux usées de son bâtiment avait été sectionné et bouché avec du ciment par la commune de Mérial à l'occasion d'une opération de nettoyage du lit de la rivière dénommé " le Rébenty ", affluent du fleuve Aude, servant d'exutoire aux eaux usées communales. Estimant subir un préjudice matériel et un préjudice de jouissance, l'association a présenté une demande préalable par une lettre du 17 mars 2021. La commune de Mérial a rejeté cette demande par une décision du 12 mai suivant. L'association " Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial " relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime subir du fait de cette opération de travaux publics.

Sur la responsabilité de la commune de Mérial :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. Il résulte de l'instruction, notamment de l'acte authentique dressé le 24 avril 2018 par lequel l'association " Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial " a fait l'acquisition de sa propriété, des rôles tenus par le service de l'eau de la commune au titre des années 2019 et 2020 et, enfin, de la cartographie des différents ouvrages d'assainissement et d'orientation des rejets des eaux usées et des eaux ménagères sur le territoire de la commune réalisée le 12 novembre 2002 par le cabinet d'ingénierie GAEA Environnement, que le petit bâtiment dont l'association est propriétaire, et qu'elle a acquis en 2018 au prix de 1 400 euros, est dépourvu d'une installation électrique et ne dispose ni d'un accès à l'eau potable, la fontaine communale attenante ne pouvant en tenir lieu, ni d'un raccordement à un réseau de collecte des eaux usées collectif ou individuel. Si l'association appelante soutient que ce local dispose, depuis 1957, d'une canalisation destinée au rejet des eaux usées en milieu naturel qu'elle s'est bornée à remplacer, ses allégations sont contredites par les éléments précités. À l'inverse, il résulte de l'instruction que la canalisation en litige, qui n'a jamais été répertoriée dans la cartographie des rejets des eaux usées de la commune, a été édifiée sans autorisation préalable. Les préjudices dont se prévaut l'association " Sangliers aux chiens courants " à Mérial, tenant à l'impossibilité d'utiliser l'eau courante et d'évacuer les eaux usées provenant de son local, doivent dès lors être regardés comme résultant de la situation irrégulière dans laquelle elle s'est placée en installant une canalisation de rejet de ses eaux usées non autorisée. Par suite, la suppression de la canalisation à laquelle la commune a procédé par l'opération de travaux publics en litige n'est pas de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de l'association appelante. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner si les préjudices invoqués présentent un caractère grave et spécial, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires dont ils étaient saisis.

4. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Mérial soit condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables résultant des travaux publics portant sur le nettoyage du cours d'eau " Le Rébenty ".

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mérial, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association " Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial " demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

6. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'association " Sangliers Aux Chiens Courants " à Mérial une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Mérial au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de l'association " Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial " est rejetée.

Article 2 : L'association " Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial " versera à la commune de Mérial une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Sangliers Aux Chiens Courants à Mérial " et à la commune de Mérial.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00378
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SELARL CLEMENT - MALBEC - CONQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23tl00378 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award