Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé l'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour de l'étranger et le droit d'asile.
Par un jugement n° 2204728 du 16 mai 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Bazin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 mai 2024 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 13 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet précité de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet précité de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, en ce qu'il ne mentionne pas la première date d'audience et, d'autre part, en ce que le tribunal a omis de prendre en considération son mémoire complémentaire et, enfin, en ce qu'il n'a pas été répondu au moyen tiré du défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 30 août 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... né le 20 février 1992, ressortissant géorgien, déclare être entré en France le 24 novembre 2021, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs. Par une décision du 27 avril 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile et le recours de M. B... contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile le 3 février 2023. Parallèlement à cette procédure, le préfet de l'Hérault a examiné sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et lui a opposé un refus de délivrance de ce titre par arrêté du 13 juin 2022. Enfin, par arrêté du 9 août 2022, ce préfet a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français. La demande de l'intéressé dirigée à l'encontre de ce dernier arrêté a été rejetée par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier le 27 octobre 2022, confirmé par une ordonnance du président de la 3ème chambre de la présente cour, le 15 juillet 2024. Par un jugement du 16 mai 2024, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 13 juin 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. À l'appui de sa demande de première instance, M. B... soutenait que l'arrêté litigieux n'avait pas fait l'objet d'un examen réel et complet de sa situation. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, ce dernier est irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. La décision par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé l'octroi d'un titre de séjour à M. B... énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, à savoir notamment, au titre de ces dernières, son état de santé. À cet égard, le préfet cite les conclusions de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 7 juin 2022 et mentionne qu'au vu de tous les éléments en sa possession, le requérant n'a pas produit des éléments suffisamment probants pour remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il suit de là que le préfet, qui n'était pas tenu à l'exhaustivité quant aux éléments de la situation personnelle de l'intéressé, a suffisamment motivé son arrêté au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, notamment eu égard de l'état de santé de M. B.... Une telle motivation démontre que le préfet a procédé à un examen réel et complet de sa situation personnelle en se fondant sur des circonstances précises et concrètes. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen réel et complet et de l'insuffisance de motivation des décisions critiquées doivent être écartés.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".
7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
8. L'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 7 juin 2022 relève que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que ce dernier peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ressort de cet avis que son état de santé n'est pas de nature à l'empêcher de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, l'appelant verse au dossier deux certificats médicaux en date du 27 juin 2022 et du 5 mars 2024, qui font état de l'inscription de M. B... sur les listes d'attente de transplantation rénale ainsi qu'une attestation établie le 12 juillet 2022 par le ministère du travail, de la santé et de la sécurité sociale des personnes déplacées des territoires de Géorgie qui fait état de l'absence de greffes de rein dans ce pays lorsque le greffon provient d'un défunt. Pour autant, ces documents, à supposer même qu'ils puissent être regardés comme établissant l'impossibilité de bénéficier d'une telle greffe en Géorgie, ne sauraient établir que son état nécessite de manière immédiate une greffe rénale alors même que l'intéressé n'allègue pas qu'il ne pourrait bénéficier effectivement, comme c'est le cas en France, d'une prise en charge spécialisée comprenant des séances d'hémodialyse trois fois par semaine en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. B... n'est présent en France que de manière récente. Il n'y dispose, à l'exception de son épouse et de leurs enfants qui les accompagnent, d'aucune attache familiale. Il n'apporte, de plus, aucun élément de nature à démontrer des perspectives d'intégration professionnelle et sociale dans la société française. Le seul fait que ses enfants soient scolarisés en France, depuis moins d'un an à la date des décisions attaquées, n'est à cet égard pas suffisant. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme ayant établi en France le centre de sa vie privée et familiale alors même qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu la majorité de sa vie. Enfin, l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'appelant de ses enfants mineurs, dont il n'est pas établi qu'ils ne pourraient reprendre leur scolarité en Géorgie, où la cellule familiale a vocation à se reconstituer. Par suite, les moyens selon lesquels le refus d'octroyer un titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. B... doivent être écartés.
11. Il résulte de ce qui tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 13 juin 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 mai 2024 est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. B... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24TL01948 2