Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2305032 du 5 septembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Delchambre, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 5 septembre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
3°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
4°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation.
Il soutient que :
- les décisions contenues dans l'arrêté préfectoral sont insuffisamment motivées ;
La décision portant obligation de quitter le territoire français :
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des 2° et 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La décision portant refus de délai de départ volontaire :
- méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- est disproportionnée.
Par ordonnance du 1er août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 23 mai 2001, déclare être entré en France en 2006 alors qu'il était encore mineur. Par un arrêté du 17 février 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... fait appel du jugement du 5 septembre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 29 mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, les décisions contenues dans l'arrêté du 17 février 2023 comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui les fondent et ne sont pas insuffisamment motivées. La contestation, par M. A..., des motifs retenus par le préfet n'est, à la supposer fondée, pas susceptible de révéler une insuffisance de motivation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...) ".
5. M. A... produit, pour l'essentiel, un document de circulation pour étranger mineur délivré le 10 octobre 2011 et valable jusqu'au 9 octobre 2016, la preuve de sa scolarisation en France entre les mois de septembre 2014 et août 2017, divers documents médicaux attestant de consultations médicales et d'hospitalisations régulières entre l'été 2015 et la fin de l'année 2016, de remboursements ponctuels de l'assurance maladie, ainsi que ses jugements correctionnels datés du 21 août 2019, 14 décembre 2022 et 5 avril 2023. Il ne produit toutefois aucun élément suffisamment probant s'agissant de l'année 2018. Il ne justifie pas, par suite, résider habituellement en France depuis l'âge de ses treize ans. Par ailleurs, les éléments qu'il produit sont insuffisants pour établir sa présence régulière sur le territoire français au cours de l'année 2013, ainsi qu'au cours des années 2019 à 2023, au titre desquelles il ne justifie que de condamnations pénales et de périodes d'incarcération. Il ne justifie donc pas davantage résider régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le préfet des Pyrénées Orientales aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 2° et du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, (...) ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... se prévaut de sa durée de présence sur le territoire français ainsi que de la présence de son père, en situation régulière. Il ne justifie toutefois pas entretenir des liens intenses et réguliers avec ce dernier. Quant à sa présence sur le territoire, outre qu'il n'en démontre pas la continuité, ainsi que cela a été dit au point 5, celle-ci a été marquée par plusieurs condamnations pénales pour des faits de détention en récidive et de recel de stupéfiants ainsi que de complicité de cession illicite de stupéfiants en récidive, entre 2019 et 2023. Célibataire et sans enfant, il ne justifie d'aucun élément d'intégration particulière dans la société française. S'il soutient ne disposer d'aucune attache dans son pays d'origine, il n'établit pour autant pas avoir établi le centre de sa vie privée et familiale en France. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la mesure litigieuse porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il (...) ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier qu'eu égard au caractère récent et réitéré des agissements délictueux de M. A..., son comportement constitue une menace pour l'ordre public, permettant au préfet des Pyrénées-Orientales de lui refuser un délai de départ volontaire sur le fondement du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, et alors qu'il ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire français depuis l'expiration, en octobre 2016, de son document de circulation pour étranger mineur, il n'a jamais déposé de demande de titre de séjour. Enfin, M. A... ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne justifiait pas, à la date de la décision attaquée, d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Le préfet des Pyrénées-Orientales était donc également fondé à lui refuser un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions combinées du 3° de l'article L. 612-2 et des 1° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
11. Compte tenu, d'une part, de la nature des attaches personnelles de M. A... avec la France, telles qu'elles résultent du point 7, et d'autre part, de la menace qu'il représente pour l'ordre public, décrite au même point, la décision du préfet des Pyrénées-Orientales portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans édictée à l'encontre de M. A... n'apparaît pas disproportionnée. Le moyen invoqué en ce sens doit donc être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02398