Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 6 décembre 2022 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ou, à titre subsidiaire, de suspendre les effets de ces mesures d'éloignement dans l'attente des décisions de la Cour nationale du droit d'asile.
Par un jugement n°s 2300013, 2300014 du 3 mars 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2023, M. C... et Mme D..., représentés par Me Tercero, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler les arrêtés du 6 décembre 2022 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de leur situation dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et de leur remettre, sous quinze jours, une attestation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros (hors taxes) à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les arrêtés préfectoraux :
- méconnaissent leur droit d'être entendus, garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, faute, en particulier, d'avoir été suffisamment informés par le préfet du principe de confidentialité de leur demande d'asile ;
- sont entachés d'un défaut d'examen de leur situation personnelle révélé par leur motivation stéréotypée et l'absence d'instruction complémentaire par l'autorité préfectorale sur les risques encourus par eux dans leur pays d'origine ;
- méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la réalité des risques de traitements inhumains et dégradants qu'ils encourent dans leur pays d'origine ;
- méconnaissent, compte tenu de l'état de santé de M. C..., les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... et Mme D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2024.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 août 2023.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme D... a été rejetée par une décision du 2 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... et Mme D..., ressortissants géorgiens, nés respectivement le 11 mars 1960 et le 13 septembre 1960, sont entrés en France en 2022 en vue d'y solliciter l'asile. Leurs demandes ont été rejetées par décisions du 10 octobre 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant suivant la procédure accélérée. Par arrêtés du 6 décembre 2022 pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... et Mme D... demandent à la cour d'annuler le jugement du 3 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle des décisions faisant grief sont prises que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions.
3. À l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient alors d'apporter toutes les précisions qu'il juge utile. Il lui est en outre loisible de faire valoir tout élément nouveau au cours de l'instruction de sa demande. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il n'incombait pas au préfet de les informer, spécifiquement, de la possibilité de renouveler leurs observations ou de solliciter un nouvel entretien auprès de ses services en cas de rejet de leur demande d'asile. En outre, la circonstance que l'autorité préfectorale n'ait, compte tenu du principe de confidentialité qui régit la demande d'asile, pas accès au contenu de l'entretien mené par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de même qu'aux motifs de sa décision, demeure sans incidence sur les modalités de mise en œuvre du droit d'être entendu rappelées au point précédent. Les appelants ne peuvent davantage utilement se prévaloir de l'obligation d'information à tous les stades de la procédure de demande d'asile, portant notamment sur la confidentialité de celle-ci, à l'encontre des arrêtés litigieux, qui relèvent d'une procédure distincte. Ainsi que l'a justement retenu le premier juge, ils ne peuvent donc utilement se prévaloir des articles R. 521-4 et R. 521-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de même que des dispositions de la directive 2013/32/UE du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013. M. C... et Mme D..., qui ne justifient pas avoir été empêchés de faire valoir, auprès du préfet, des éléments susceptibles d'influer le contenu des arrêtés litigieux, ne sont dès lors pas fondés à soutenir que ces derniers seraient intervenus en méconnaissance de leur droit d'être entendus.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation des arrêtés attaqués, laquelle est suffisante et adaptée, ni des pièces des dossiers que le préfet de la Haute-Garonne, qui n'était pas tenu de solliciter une copie des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant les demandes d'asile des intéressés, pas plus que des documents visés à l'article L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se serait abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de M. C... et de Mme D... avant d'édicter à leur encontre les décisions litigieuses.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
6. M. C... fait valoir qu'il souffre d'une artériopathie des membres inférieurs, pour laquelle il a bénéficié d'une intervention chirurgicale et fait l'objet d'un suivi médical en France comprenant notamment l'administration d'un traitement médicamenteux. Les éléments médicaux qu'il produit attestent de la réalité de cette pathologie, et font également état d'antécédents et de pathologies cardiaques, comprenant une cardiopathie hypertrophique, une atteinte coronarienne bitronculaire ainsi qu'une séquelle d'infarctus sans ischémie surajoutée. Toutefois, aucun des éléments produits ne se prononce sur l'indisponibilité, en Géorgie, d'un traitement approprié à l'état de santé de M. C.... Par suite, ce dernier ne justifie pas être protégé contre l'éloignement par les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date des arrêtés attaqués. Pour les mêmes motifs, M. C... n'est pas davantage fondé à soutenir que son éloignement du territoire français l'exposerait, compte tenu de son état de santé et de l'impossibilité de se faire soigner dans son pays d'origine, à un risque de traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. Les appelants font valoir, sans plus de précision, que leur intégrité physique ainsi que leurs vies sont menacées en Géorgie, en lien avec les agressions exercées sur leur fils et leur belle-fille par l'ex-conjoint de cette dernière, qui n'accepterait pas leur relation. À l'appui de leur moyen, ils se prévalent de la décision du 30 mai 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à leur fils ainsi qu'à leur belle-fille, laquelle fait notamment référence, dans ses motifs, aux explications claires et précises des demandeurs d'asile quant aux intimidations dont M. C... et Mme D... auraient été victimes en juin 2022. Ce seul élément ne permet toutefois pas d'apprécier la nature et l'ampleur des intimidations subies par les appelants, ni ne suffit à établir qu'ils seraient, à la date des arrêtés litigieux, personnellement et actuellement visés par les menaces de l'ex-conjoint de leur belle-fille. Le moyen tiré de ce que les arrêtés litigieux les exposeraient, en cas d'éloignement, à un risque de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit donc être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent donc également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... et de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02376