Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 février 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301932 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2023, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer, dès la notification de la décision à intervenir, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
- émanent d'un signataire incompétent, eu égard au caractère trop général de la délégation de signature ;
- sont intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir saisi la commission du titre de séjour conformément aux dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sont entachées d'erreur de droit, la détention d'un visa de long séjour n'étant pas une condition opposable aux ressortissants marocains demandeurs d'un titre de séjour " salarié " ;
- sont entachées d'un défaut d'examen ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle, qui relève de motifs exceptionnels ;
- méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- émane d'un signataire incompétent ;
- est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- et les observations de Me Barbaroux, représentant M. A....
Des notes en délibéré ont été présentées le 29 novembre et le 3 décembre 2024 pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1959, déclare être entré en France en 2005 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Le 26 janvier 2023, il a déposé une demande de titre de séjour en France. Par un arrêté du 28 février 2023, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", tant de plein droit qu'à titre exceptionnel, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'un tel arrêté.
2. En premier lieu, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges au point 2 de leur jugement, le signataire des décisions litigieuses, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, disposait d'une délégation consentie par le préfet de ce département, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'État dans le département. Cette délégation de signature, qui vise en particulier tous les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers, ne revêt pas une portée trop générale. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 28 février 2023 doit donc être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en ce qui concerne la délivrance à titre exceptionnel d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
4. Pour justifier de sa présence résidence habituelle en France depuis plus de dix ans lors de sa demande de séjour présentée en janvier 2013, M. A... produit, pour l'essentiel, des justificatifs de son admission à l'aide médicale d'État, des relevés de remboursements de l'assurance maladie et des ordonnances médicales. Il produit également des relevés d'un compte bancaire détenu au Maroc ainsi que des avis d'impôt sur le revenu en France, faisant apparaître des montants d'imposition nuls et des revenus imposables très faibles voire inexistants. Les éléments ainsi produits par M. A... sont toutefois insuffisants pour établir sa résidence habituelle en France depuis 2013, en particulier s'agissant des années 2019, 2020 et 2021 pour lesquelles très peu d'éléments sont versés. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que M. A... ne justifie pas, au cours des dix années précédant sa demande, d'une adresse de résidence personnelle ou à tout le moins stable, expédiant et recevant son courrier à diverses adresses de tiers, notamment des membres de sa famille, et ayant sollicité au titre des années 2015 et 2016 une domiciliation administrative auprès d'un organisme pour recevoir son courrier. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui ne démontre pas le caractère habituel de sa résidence depuis au moins dix ans, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault ne pouvait, sauf à méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, édicter à son encontre les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sans saisir préalablement la commission du titre de séjour pour avis. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ". Enfin, l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
6. Il résulte des stipulations précitées de l'article 9 de l'accord franco-marocain que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains. Par suite, les dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, ne sont pas incompatibles avec les stipulations de cet accord. Le préfet a donc pu, sans commettre d'erreur de droit, refuser de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à M. A... au motif qu'il ne justifiait pas de la détention d'un visa de long séjour.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
8. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
9. Contrairement à ce que soutient M. A..., la circonstance qu'il justifie d'une expérience professionnelle en qualité que maçon, activité en tension dans la région Occitanie et qu'il exerce auprès de la société MPBS depuis la fin de l'année 2022, ne constitue pas, à elle seule, un motif exceptionnel susceptible de révéler que le préfet de l'Hérault, qui ne s'est pas abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de la demande d'admission au séjour en qualité de salarié à titre exceptionnel, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... se prévaut de son ancienneté de séjour sur le territoire français, il n'établit pas le caractère habituel de sa résidence en France au cours des dix dernières années, ainsi que cela a été dit précédemment, pas plus, d'ailleurs, qu'au cours de la période antérieure et depuis son entrée en France alléguée en 2005, pour laquelle il produit le même type d'éléments que ceux décrits au point 4, ainsi que, ponctuellement, deux promesses d'embauche. Il apparaît d'ailleurs que M. A... n'a sollicité un titre de séjour pour la première fois qu'en 2010, puis en 2017, et qu'il s'est maintenu en situation irrégulière en dépit d'une précédente obligation de quitter le territoire français. L'appelant se prévaut également de la présence, sur le territoire français, de sa mère, d'un frère et d'une sœur en situation régulière, ainsi que d'un autre frère, de nationalité française, et de l'épouse et des enfants de ce dernier. Il ne justifie toutefois pas de l'intensité particulière des liens entretenus avec les membres de sa famille vivant en France, alors qu'il conservait par ailleurs, à la date de l'arrêté attaqué, des attaches personnelles dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à ses quarante-six ans, son père étant décédé postérieurement à l'arrêté attaqué. Célibataire, il reconnaît lui-même ne pas entretenir, à la date de l'arrêté attaqué, de liens particuliers avec ses deux enfants mineurs présents sur le territoire français. Enfin, l'exercice d'une activité professionnelle en France, en qualité de maçon, par M. A..., était récente à la date de l'arrêté attaqué et ne suffit pas à caractériser une particulière intégration dans la société française. Par conséquent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français porteraient une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage fondé, pour les mêmes motifs, à soutenir que ces décisions méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
13. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'après avoir rappelé les dispositions précitées, indiqué que la situation de l'appelant ne relevait pas de circonstances humanitaires et qu'il avait déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée, et enfin fait expressément allusion à la situation de M. A... dont les éléments ont été exposés plus tôt dans son arrêté, le préfet de l'Hérault a prononcé à l'encontre de l'appelant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. En procédant ainsi, le préfet de l'Hérault ne s'est abstenu ni de motiver sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français, ni de procéder à l'examen des critères prévus à l'article L. 612-10 du code précité.
14. En septième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
Mme Fougères, première conseillère,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02166