La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2024 | FRANCE | N°23TL00387

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 12 décembre 2024, 23TL00387


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2002437 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et deux mémoires complém

entaires, enregistrés le 15 février 2023 et les 12 mars et 14 avril 2024, M. B..., représenté par Me Vailhen, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2002437 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 15 février 2023 et les 12 mars et 14 avril 2024, M. B..., représenté par Me Vailhen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité, dès lors que le tribunal aurait dû rouvrir l'instruction pour soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans son mémoire enregistré le 28 novembre 2022 ;

- les impositions ayant fait l'objet de dégrèvements, l'administration ne dispose d'aucun titre exécutoire ;

- elle ne l'a pas informé de son intention persistante de l'imposer ;

- à titre subsidiaire, les frais de déplacements professionnels remis en cause sont établis, en dépit des difficultés liées à la saisie, dans le cadre d'une affaire pénale, des justificatifs sollicités par l'administration.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 11 juillet 2023 et les 27 mars et 22 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient :

- à titre principal, aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé ;

- à titre subsidiaire, il est demandé de procéder à une substitution de base légale pour imposer les sommes en litige dans la catégorie des traitements et salaires.

Par une ordonnance du 22 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sniegula pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... fait appel du jugement du 16 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017. Ces suppléments procèdent notamment de l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de sommes regardées comme distribuées par la société anonyme Raphael Michel, dont il était le président du directoire et associé à hauteur de 74,83 % par le biais de la société par actions simplifiée GR Participations, dont il détient l'ensemble des parts.

Sur la régularité du jugement :

2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire complémentaire produit par M. B... le 28 novembre 2022 reprenait ses précédentes écritures et soulevait, pour la première fois, les moyens tirés de ce que, à la suite de l'émission de six avis de dégrèvement datés du 6 décembre 2019, l'administration ne disposait d'aucun titre exécutoire et ne l'avait pas informé de son intention persistante de l'imposer. Il ne contenait, à ce titre, l'exposé d'aucune circonstance de fait ou d'aucun élément de droit dont l'intéressé n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, fixée le 15 mars 2022. Par suite, en ne rouvrant pas l'instruction pour soumettre ce mémoire au débat contradictoire, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Après avoir prononcé le dégrèvement d'une imposition, l'administration ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir, préalablement, informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration a établi, le 24 juin 2019, six avis d'imposition relatifs à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales mis à la charge de M. B... au titre des années 2015, 2016 et 2017, pour un montant total de 2 157 762 euros, et mentionnant une mise en recouvrement par rôles du 30 juin 2019. L'intéressé a reçu, le 17 décembre 2019, six avis édités les 19 et 22 novembre 2019, relatifs aux mêmes suppléments et indiquant une mise en recouvrement le 30 novembre 2019. Il a également reçu, le 7 janvier 2020, six avis de dégrèvement de ces impositions, datés du 6 décembre 2019, pour un montant total de 2 157 762 euros. Ces derniers avis, qui se référaient à des décisions de dégrèvement prononcées le 1er juillet 2019, se rapportaient nécessairement aux seuls avis d'imposition du 24 juin 2019, lesquels comportaient une erreur matérielle dans le nom de leurs destinataires. Il en résulte que l'administration n'a pas procédé au dégrèvement des impositions mises en recouvrement par rôles du 30 novembre 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration serait dépourvue de titre fondant le paiement de ces impositions doit être écarté.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les avis de dégrèvement du 6 décembre 2019 ont été signifiés à M. B... postérieurement à la réception des avis d'imposition des 19 et 22 novembre 2019 et à la mise en recouvrement s'y rapportant et donc à l'établissement des impositions en litige, lesquelles n'ont pas été dégrevées. Par suite, la circonstance que l'administration n'a pas informé le contribuable, à la suite de cette réception, de son intention persistante de l'imposer est, alors même que l'intéressé n'avait pas été rendu destinataire des avis d'imposition du 24 juin 2019, sans influence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions contestées.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. / (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; / c. Les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels ; / (...) / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ". L'article 111 du même code dispose que : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que la société Raphael Michel a retenu, comme charges déductibles au titre de chacune des années en litige, des sommes de 120 000 euros, de 1 130 000 euros et de 630 000 euros, inscrites simultanément au compte 6251 " voyages et déplacements " et au compte 42500001 " avances sur frais " et versées par virements sur le compte bancaire personnel de M. B.... À l'issue de la vérification de comptabilité de cette société, l'administration, qui n'a admis que la réalité de déplacements professionnels au Chili les 27 janvier et 26 février 2016, a réintégré dans les résultats correspondants le montant des frais qui n'ont pas été regardés comme ayant été justifiés comme exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise. Ils ont été considérés, en application du c de l'article 111 du code général des impôts, comme des revenus distribués, imposables entre les mains de M. B.... En se bornant à produire des relevés de factures et de voyages établis à son nom par une compagnie aérienne, des factures de locations de véhicules à l'étranger, des relevés de ses propres comptes bancaires sur lesquels apparaissent des dépenses de voyages, ainsi que, sans justifier l'origine des informations qu'ils contiennent, un tableau récapitulatif de déplacements à l'étranger et des documents intitulés " feuilles de route ", M. B... n'apporte pas d'éléments suffisants pour justifier la réalité, dans l'intérêt direct de la société, des déplacements remis en cause par le service. Il en est de même des circonstances que les déplacements professionnels à l'étranger revendiqués, y compris leur récurrence, seraient inhérents à l'activité de la société Raphael Michel, que les pièces justificatives auraient été saisies lors d'une perquisition des locaux de la société, réalisée le 30 mars 2017 dans le cadre d'une enquête menée par le service national de douane judiciaire de Marseille, et que ses comptes ont été validés et certifiés par un expert-comptable et deux commissaires aux comptes. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la prise en charge de loyers relatifs à un bureau loué à New-York (États-Unis d'Amérique) par la société Raphael Michel répondrait nécessairement à des besoins professionnels. Dans ces conditions et sans méconnaître les règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve, l'administration doit être regardée comme établissant que la réalité des frais de déplacements en cause, ayant donné lieu à remboursements au profit de M. B..., n'était pas justifiée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00387 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00387
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Dégrèvement.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.

Procédure - Instruction - Pouvoirs généraux d'instruction du juge - Clôture de l'instruction.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : ALERION SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;23tl00387 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award