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12/12/2024 | FRANCE | N°23TL00277

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 12 décembre 2024, 23TL00277


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. I... B... et Mme H... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, D..., G... et A..., ainsi que Mme E... F... et M. C... F..., grands-parents de ces derniers, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'établissement public local Vallis Habitat, venant aux droits de l'office public de l'habitat Grand Avignon Résidences, à leur verser la somme globale de 70 725,50 euros, assortie des in

térêts avec capitalisation à compter du 26 mars 2020, en réparation des préjudices...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... B... et Mme H... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, D..., G... et A..., ainsi que Mme E... F... et M. C... F..., grands-parents de ces derniers, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'établissement public local Vallis Habitat, venant aux droits de l'office public de l'habitat Grand Avignon Résidences, à leur verser la somme globale de 70 725,50 euros, assortie des intérêts avec capitalisation à compter du 26 mars 2020, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la contamination au plomb des trois enfants mineurs.

Par un jugement n° 2002572 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 janvier et 14 novembre 2023, les consorts J..., représentés par Me Bounnong, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de condamner Grand Delta Habitat, venant aux droits de Vallis Habitat, à leur verser, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de la contamination au plomb des trois enfants mineurs, les sommes de 12 681,50 euros pour l'enfant D..., 8 866,50 euros pour l'enfant G..., 1 178 euros pour l'enfant A..., 20 000 euros pour chaque parent et 4 000 euros pour chaque grand-parent, assorties des intérêts avec capitalisation à compter du 26 mars 2020 ;

3°) de mettre à la charge de Grand Delta Habitat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort et au prix d'une erreur de fait et d'une erreur de droit que le tribunal a décliné sa propre compétence ;

- ils sont fondés, en leur qualité de tiers par rapport au logement contaminé au plomb, à rechercher la responsabilité sans faute du bailleur social, maître de l'ouvrage public ;

- dans le cas où ils seraient considérés comme usagers du logement contaminé au plomb, ils sont également fondés à rechercher la responsabilité du bailleur social, maître de l'ouvrage public, pour défaut d'entretien normal ;

- l'exonération partielle de responsabilité, préconisée par l'expert sur la base de jugements de valeur et d'appréciations excédant le cadre de sa mission et ses obligations d'impartialité et de neutralité, ne sera pas retenue ;

- leurs enfants ont subi un déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées devant être indemnisés à hauteur de 12 681,50 euros pour D..., 8 866,5 euros pour G... et 1 178 euros pour A... ;

- les parents ont subi un préjudice moral, eu égard aux conséquences disproportionnées qu'a entraîné cette contamination au plomb, lequel sera réparé en leur allouant la somme de 10 000 euros chacun ;

- les parents subissent également un préjudice d'anxiété quant aux conséquences futures de cette contamination au plomb sur la santé de leurs enfants, lequel sera réparé en leur allouant la somme de 10 000 euros chacun ;

- les grands-parents ont droit à la réparation de leur préjudice moral à hauteur de 2 000 euros chacun ;

- les grands-parents ont droit à la réparation de leur préjudice de jouissance à hauteur de 2 000 euros chacun.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 octobre 2023 et le 5 février 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société coopérative d'habitation à loyer modéré Grand Delta Habitat, venant aux droits de Vallis Habitat, représentée par Me Pilone, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre soit limitée à la somme globale de 1 927,84 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de simples erreurs matérielles sans incidence sur le bien-fondé de la décision du tribunal de décliner sa compétence ;

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de l'action en responsabilité dont l'objet, la cause ou l'occasion est un contrat privé de location, à tout le moins en ce qui concerne l'action des grands-parents, qui sont locataires ;

- à titre subsidiaire, eu égard aux défaillances éducatives des parents et des grands-parents ayant contribué à la contamination des enfants, ainsi qu'à l'existence d'autres sources de contamination au plomb, la part de responsabilité de Grand Avignon Résidences doit être limitée à 15 % des dommages ;

- aucun défaut d'entretien de l'ouvrage public ne peut être retenu ;

- les demandes indemnitaires doivent être ramenées à de plus justes proportions et celles présentées par les grands-parents doivent être intégralement rejetées.

La procédure a été communiquée à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ortial, représentant Grand Delta Habitat.

Considérant ce qui suit :

1. En novembre 2014, le jeune G... B..., né le 2 septembre 2010, a fait l'objet d'un diagnostic de saturnisme. Des analyses sanguines régulièrement réalisées chez l'enfant ainsi que chez ses deux sœurs, D..., née le 4 janvier 2009, et A..., née le 26 octobre 2013, ont permis d'observer, en particulier au cours de l'année 2016, une contamination au plomb plus ou moins importante chez les trois enfants. Estimant celle-ci imputable à une source de plomb identifiée dans l'appartement de leurs grands-parents maternels, M. et Mme F..., ces derniers, ainsi que les parents des enfants, M. I... B... et Mme H... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux des trois mineurs, ont, après une première requête auprès du tribunal d'instance d'Avignon, saisi, le 27 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes afin de désigner un expert chargé de déterminer l'étendue des préjudices subis par les enfants. L'expert, médecin pédiatre, désigné le 17 septembre 2018 par le juge des référés du tribunal administratif précité a rendu son rapport le 31 juillet 2019. Le 26 mars 2020, les consorts J... ont adressé une demande indemnitaire préalable à Grand Avignon Résidences, établissement public d'habitation à loyer modéré propriétaire du logement occupé par M. et Mme F..., tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la contamination au plomb de leurs enfants et petits-enfants. Leur demande, reçue le 27 mars 2020, a été implicitement rejetée par l'établissement public, aux droits duquel est venu Vallis Habitat, bailleur social public, et auquel s'est depuis substituée la société Grand Delta Habitat. Les consorts J... demandent à la cour d'annuler le jugement du 16 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur l'incompétence de la juridiction administrative retenue par le tribunal :

2. Il résulte de l'instruction que, d'une part, M. et Mme C... et E... F... sont locataires depuis le 12 décembre 1991 d'un logement social situé au 4 rue Antoine Moiturier, Résidence L'Aquilon, à Avignon (Vaucluse), et que, d'autre part, M. B... et Mme H... F... ont occupé en tant que locataires et en compagnie de leurs trois enfants mineurs un logement situé au 12 rue Chevalier de Folard, Résidence le Mail, à Avignon, puis, à compter du 3 août 2016, au 3 rue Mourre, Résidence du Levant, à Avignon également.

3. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le présent litige a pour objet la réparation de préjudices subis du fait de la contamination au plomb des enfants mineurs du couple J..., lors de leurs visites chez leurs grands-parents dans l'appartement loué par ces derniers au 4 rue Antoine Moiturier, Résidence L'Aquilon, à Avignon.

4. Les principales victimes n'étant pas parties au contrat de location de l'appartement de la résidence L'Aquilon qui lie les époux F... à leur bailleur social, dès lors que ni les visites fréquentes des enfants B... chez leurs grands-parents, ni l'hébergement ponctuel, par M. et Mme F..., des membres de la famille J... à l'occasion d'un déménagement ou de travaux, ne conduisent à assimiler les enfants B... à des locataires du logement social occupé par leurs grands-parents, l'action décrite au point précédent ne peut être regardée comme trouvant sa source dans un contrat de droit privé. Les trois enfants doivent donc être regardés comme de simples usagers de l'ouvrage public que constitue le logement social. L'action en responsabilité intentée en leur nom, en réparation des dommages qu'ils estiment avoir subis en qualité d'usagers d'un ouvrage public, de même que celle intentée par leurs proches en réparation des dommages qu'ils estiment avoir subis par ricochet, relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

5. Il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes s'est déclaré incompétent pour connaître de leur demande.

6. Il y a lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande indemnitaire présentée par les requérants.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité :

7. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

8. Il résulte de l'instruction que l'enquête environnementale diligentée par l'agence régionale de santé à la suite du diagnostic de saturnisme chez l'enfant G... B... a notamment permis d'identifier la présence de plomb dans les peintures écaillées des garde-corps du balcon du logement social occupé par M. et Mme F..., situé 4 rue Antoine Moiturier, dans une concentration de 20,5 mg/g, nettement supérieure au seuil réglementaire de 1,5 mg/g visé notamment par l'article L. 1334-2 du code de la santé publique. Une telle source de plomb, non endiguée par les travaux de sécurisation adéquats, et aggravée par l'effritement des peintures du fait de leur état dégradé, caractérise un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public par le bailleur social, à qui il incombait, en vertu notamment de l'article L. 1334-2 du code de la santé publique dans sa version en vigueur à la date à laquelle la contamination a été constatée, de réaliser les travaux de suppression du risque de contamination au plomb. Les consorts J... sont donc fondés à rechercher la responsabilité de Grand Avignon Résidences à raison du défaut d'entretien de l'ouvrage public dont il a la maîtrise.

9. Il résulte également de l'instruction qu'un tel défaut d'entretien a directement entraîné la contamination au plomb de l'enfant G... B..., lequel présentait alors un syndrome de Pica le conduisant à ingérer les écailles de peinture présentes sur le balcon de ses grands-parents, lors de ses fréquentes visites ou séjours chez ces derniers. La mise en place de mesures préventives, une fois la source de plomb identifiée, a d'ailleurs permis d'observer chez l'enfant une baisse progressive de sa plombémie, confirmant ainsi le lien de causalité entre la présence de plomb dans la peinture des garde-corps de l'appartement des grands-parents et l'apparition d'un saturnisme chez le jeune enfant.

10. L'enfant A... B... a quant à elle présenté ponctuellement une plombémie légèrement élevée, avant de se normaliser, devant s'expliquer, selon le rapport d'expertise et compte tenu de son jeune âge, par l'ingestion ponctuelle d'écailles de peinture présentes sur le balcon de ses grands-parents lors de ses fréquentes visites ou séjours chez ces derniers.

11. Il résulte en revanche de l'instruction que, dans le cas de l'enfant D... B..., alors que sa plombémie mesurée peu de temps après le diagnostic de saturnisme de son frère était normale, un taux anormal a été constaté à partir de septembre 2015 avant de redescendre, pour ensuite augmenter à nouveau et atteindre des valeurs particulièrement élevées, en avril 2016 et au mois de juillet de la même année, et enfin redescendre progressivement, au gré des traitements par chélation, malgré un phénomène de rebond en août 2016. L'expert relève que les taux de plombémie observés chez D... supposent qu'elle ait passé des journées entières sur le balcon à ingérer des écailles de peinture, alors qu'elle avait atteint un âge où les enfants n'ingèrent généralement plus des éléments non alimentaires. Si les parents ont néanmoins pu mettre en avant un tel comportement de la part de leur aînée, cette affirmation paraît peu crédible dès lors que l'enfant aurait dû, dans un tel cas, présenter une contamination en même temps que son frère, dès 2014, ce qui n'a pas pourtant pas été observé. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que les peintures des garde-corps du balcon des grands-parents, auxquelles D... a également été exposée lors de ses fréquentes visites et séjours chez ces derniers, ne peuvent que partiellement expliquer la contamination au plomb présentée par l'enfant et n'ont constitué pour elle qu'une source secondaire, l'autre source de contamination demeurant inconnue.

12. Il résulte en outre de l'instruction, et en particulier d'un courrier de l'agence régionale de santé du 22 avril 2015 adressé à M. B... et sa compagne, alors qu'ils résidaient au 12 rue Chevalier de Folard, à Avignon, que la présence de plomb avait également été détectée dans cet appartement, occupé par le couple et leurs enfants jusqu'au mois d'août 2016. Bien que ne constituant pas, au vu des mesures relevées, la principale source de contamination au plomb, il convient néanmoins d'en tenir compte, en tant que source secondaire de contamination, dès lors que les enfants y ont nécessairement été exposés durant leur résidence dans ce logement.

13. Compte tenu de ce qui précède, la contamination des enfants B... apparaît en lien de causalité avec le logement occupé par leurs grands-parents à hauteur de 75 % en ce qui concerne les préjudices subis par les enfants G... et A..., et de 50 % en ce qui concerne l'enfant D....

14. Enfin, il résulte de l'instruction que l'importance de la contamination des enfants par les peintures écaillées des garde-corps du balcon de l'appartement de leurs grands-parents s'explique par leur ingestion répétée d'écailles de peinture, laquelle a été permise par leur présence prolongée sur le balcon, sans surveillance ni sortie ou activité proposée par leurs parents et leurs grands-parents, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise pédiatrique. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, un tel rapport ne présente pas un caractère infamant, dès lors que les appréciations qu'il contient, relatives notamment à l'hygiène de vie et les méthodes éducatives de la famille, n'excèdent ni l'avis médical d'un pédiatre ni le cadre de la mission d'expertise qui lui a été confiée, l'expert ayant été en particulier invité à se prononcer sur les habitudes des enfants et l'organisation de la vie familiale.

15. Le comportement des enfants décrit au point précédent a été, ainsi qu'il vient d'être dit, permis par le défaut de surveillance des adultes qui en avaient la garde. Un tel défaut de surveillance est de nature à atténuer d'un tiers la responsabilité de Grand Avignon Résidences dans la contamination au plomb des enfants B.... Compte tenu des taux retenus au point 13, la responsabilité définitive de Grand Avignon Résidences doit être retenue à hauteur de 50 % en ce qui concerne les préjudices subis par les enfants G... et A..., et de 33 % en ce qui concerne l'enfant D....

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant de l'enfant G... B... :

16. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise pédiatrique que le jeune G... B... a subi, du fait de sa contamination au plomb, un déficit fonctionnel temporaire de 33 % entre le 4 novembre 2014 et le 13 décembre 2016, un déficit fonctionnel temporaire de 10 % entre le 14 décembre 2016 et le 20 juillet 2017, et un déficit fonctionnel temporaire de 2 % à partir du 21 juillet 2017, du fait du maintien d'une surveillance clinique et biologique, dont la durée a été de 983 jours, selon les dires concordants des parties. Compte tenu de la part de responsabilité imputable à Grand Avignon Résidences, le déficit fonctionnel temporaire subi par l'enfant G... B... sera indemnisé par le versement d'une indemnité de 3 000 euros.

17. En second lieu, il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par G... B... du fait de sa contamination au plomb ont été évaluées à 1/7 par l'expert. Compte tenu de la part de responsabilité imputable à Grand Avignon Résidences, ces souffrances seront réparées par l'allocation d'une somme de 500 euros.

S'agissant de l'enfant A... B... :

18. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise pédiatrique que la jeune A... B... a subi, du fait de sa contamination au plomb, un déficit fonctionnel temporaire de 10 % entre le 28 juillet 2016 et le 28 août 2016, puis un déficit fonctionnel temporaire de 2 % entre le 29 août 2016 et le 22 mars 2018, date de consolidation de son état de santé. Compte tenu de la part de responsabilité imputable à Grand Avignon Résidences, le déficit fonctionnel temporaire subi par l'enfant A... B... sera indemnisé par le versement d'une indemnité de 145 euros.

19. En second lieu, il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par A... B... du fait de sa contamination au plomb ont été évaluées à 0,5/7 par l'expert. Compte tenu de la part de responsabilité imputable à Grand Avignon Résidences dans la survenance de la contamination, ces souffrances seront réparées par l'allocation d'une somme de 250 euros.

S'agissant de l'enfant D... B... :

20. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise pédiatrique que l'enfant D... B... a été hospitalisée pour quatre cures de chélation en lien direct avec sa contamination au plomb, du 3 au 8 août 2016, du 29 août au 2 septembre 2016, du 3 au 7 octobre 2016 et du 14 au 18 novembre 2016, périodes au cours desquelles elle a subi un déficit fonctionnel temporaire total. Entre ces cures, et jusqu'au 6 mai 2019, elle a également subi, du fait de sa contamination au plomb, un déficit fonctionnel temporaire de 33 %. Si les requérants ne produisent pas de plombémie de l'enfant postérieure au 7 mai 2019 susceptible de révéler la persistance d'un taux supérieur à 50 microgrammes par litre de sang, il résulte toutefois de l'instruction qu'eu égard à la surveillance spécifique de l'enfant au-delà du 7 mai 2019, il convient de tenir compte d'un déficit fonctionnel temporaire de 10 % au titre de la durée de 328 jours qu'ils sollicitent. Compte tenu de la part de responsabilité imputable à Grand Avignon Résidences, le déficit fonctionnel temporaire subi par l'enfant D... B... sera indemnisé par le versement d'une indemnité de 2 424 euros.

21. En second lieu, il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par D... B... du fait de sa contamination au plomb ont été évaluées à 2/7 par l'expert. Compte tenu de la part de responsabilité imputable à Grand Avignon Résidences, ces souffrances seront réparées par l'allocation d'une somme de 660 euros.

S'agissant des parents, M. B... et Mme F... :

22. La contamination au plomb des trois enfants B... a causé à leurs parents, eu égard à la gravité respective du niveau de contamination atteint par chacun d'entre eux, aux examens médicaux rendus nécessaires et à l'inquiétude qu'elle a entraîné quant à leur développement futur, un préjudice moral ainsi qu'un préjudice d'anxiété devant être réparés. En revanche, les éventuelles perturbations subies par la famille du fait d'un signalement effectué par Grand Avignon Résidences auprès des autorités judiciaires ne présente pas de lien direct et certain avec la contamination des enfants. Compte tenu de la bonne évolution de l'état de santé des enfants dont le suivi médical est toujours resté rassurant malgré leur contamination, ainsi que de la part de responsabilité de Grand Avignon Résidences dans la contamination au plomb de chaque enfant, le préjudice moral et d'anxiété des parents sera réparé en leur allouant la somme de 2 500 euros chacun.

S'agissant des grands-parents, M. et Mme F... :

23. Les grands-parents des enfants B... arguent, pour justifier du préjudice moral qu'ils estiment subir, d'un sentiment d'injustice et d'insécurité dans le fait d'occuper, en compagnie de leurs petits-enfants, un appartement contaminé au plomb. Ils font également état d'un préjudice de jouissance compte tenu de l'état de leur balcon. L'un comme l'autre de ces chefs de préjudices se rapportent à leur situation de locataires de l'appartement et ne présentent pas de lien de causalité directe avec la contamination au plomb subie par leurs trois petits-enfants. Leurs conclusions tendant à l'indemnisation de tels préjudices doivent donc être rejetées.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et sa compagne, Mme F..., parents des enfants G..., D... et A... B..., sont fondés à demander la condamnation de Grand Delta Habitat, qui s'est substitué à Vallis Habitat, venant aux droits de Grand Avignon Résidences, à leur verser les sommes de 3 500 euros en réparation des préjudices subis par G... B..., 3 084 euros en réparation des préjudices subis par D... B..., 395 euros en réparation des préjudices subis par A... B... et 2 500 euros en réparation des préjudices subis par chacun de leurs parents.

Sur les intérêts et la capitalisation :

25. Il y a lieu d'assortir les sommes visées au point 24 des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2020, date de réception de la demande indemnitaire préalable, et d'accorder la capitalisation demandée pour les intérêts échus à compter du 27 mars 2021, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais d'expertise :

26. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 200 euros toutes taxes comprises par ordonnance du président du tribunal administratif de Nîmes en date du 14 octobre 2019 sont mis à la charge définitive de Grand Delta Habitat.

Sur les frais non compris dans les dépens :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Grand Delta Habitat, partie perdante dans la présente instance, la somme globale de 1 000 euros à verser à M. B... et à sa compagne, Mme F..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article présentées par Grand Delta Habitat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : La société Grand Delta Habitat, venant aux droits de Vallis Habitat, lui-même venant aux droits de Grand Avignon Résidences, est condamnée à verser à M. B... et à sa compagne, Mme F..., la somme globale de 11 979 euros, dont le détail figure au point 24 du présent arrêt. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 27 mars 2020. Les intérêts échus au 27 mars 2021, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 200 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive de la société Grand Delta Habitat.

Article 4 : La société Grand Delta Habitat versera à M. B... et à sa compagne, Mme F..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... B... et à la société anonyme coopérative d'habitation à loyer modéré Grand Delta Habitat.

Copie en sera adressée à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

É. Rey-BèthbéderLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00277
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Responsabilité.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : PILONE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;23tl00277 ?
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