Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation selon les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 440 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n°2300243 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 novembre 2023 et le 10 octobre 2024, M. A... B..., représenté par Me Bruna-Russo, puis par Me Gonand, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 11 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Vaucluse, de lui délivrer la carte de séjour temporaire sollicitée, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir l'indemnité allouée au titre l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- son auteur n'était pas compétent pour le signer ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, pour avis, au préalable ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'application des dispositions des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
- compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont dépourvues de fondement juridique ;
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur sa situation personnelle.
Le 2 avril 2024, le préfet de Vaucluse a été mis en demeure de produire un mémoire en défense dans le délai d'un mois.
Par une ordonnance du 10 octobre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 20 septembre 2023, modifiée le 6 décembre suivant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 15 juin 1985, est entré en France le 10 juin 2018, muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 24 mai 2018 au 23 juin 2018. Le 28 août 2021, l'intéressé a épousé une ressortissante française. Par un courrier, reçu le 22 mars 2022, par la préfecture de Vaucluse, M. B... a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 2 novembre 2022, la préfète de Vaucluse a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes, rendu le 11 avril 2023, rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, l'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ". Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, la préfète de Vaucluse n'a produit aucun mémoire en défense. Elle est donc réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient cependant au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant. En outre, l'acquiescement aux faits est par lui-même sans conséquence sur leur qualification juridique au regard des dispositions sur lesquelles l'administration s'est fondée ou dont le requérant revendique l'application.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 412-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". Aux termes de l'article L. 423-1 du même code : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; (...). ". Aux termes de l'article L. 423-2 de ce code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un ressortissant français est subordonnée à certaines conditions, notamment celle d'être en possession d'un visa de long séjour. Pour autant, la détention d'un tel visa de long séjour n'est pas exigée dans l'hypothèse prévue à l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle concerne le cas de l'étranger entré régulièrement sur le territoire français, s'étant marié en France avec un ressortissant français et avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois sur le territoire.
5. M. B..., qui s'est marié, le 28 août 2021, à Avignon (Vaucluse), avec une ressortissante française, a sollicité, le 22 mars 2022, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ainsi qu'il a été dit au point 1, est entré régulièrement, en France, le 10 juin 2018, muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour en cours de validité. La préfète de Vaucluse, qui n'a pas produit de mémoire en défense, ne conteste pas la réalité de la vie commune et effective du requérant avec son épouse pour une durée supérieure à six mois en France, laquelle est établie par les pièces du dossier, notamment une attestation émanant de son épouse établie dans le cadre de sa demande. Par suite, et alors, au demeurant, que les conditions exigées par l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient remplies, la préfète de Vaucluse ne pouvait légalement, pour refuser le titre de séjour sollicité, opposer le motif tiré de ce que M. B... ne démontrait pas s'être maintenu de manière continue sur le territoire français depuis qu'il y était entré le 10 juin 2018.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 novembre 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Il résulte de l'instruction, et ainsi qu'il a été dit au point 5, que M. B..., conjoint d'une ressortissante française, remplissait les conditions prévues par l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dans ces conditions, au regard de cette circonstance et du motif d'annulation retenu par la cour, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait, au préfet de Vaucluse de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de deux mois.
Sur les frais liés au litige :
8. Si M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat, Me Gonand, qui n'a pas été désigné comme le conseil devant assister le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, ne peut se prévaloir des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2300243 du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et prononcé à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui accorder sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Gonand, au préfet de Vaucluse et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL02554 2