Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler la décision du 29 août 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour quatre infirmités causées par un accident de la circulation ayant eu lieu le 4 septembre 1974.
Par un jugement n° 16/00017 du 12 octobre 2018, le tribunal départemental des pensions du Gard a, après un jugement avant dire-droit du 14 avril 2017 ordonnant une expertise, condamné l'Etat à payer à M. A... une pension militaire d'invalidité au taux de 40 % à compter de sa demande de pension du 29 juillet 2015.
Par un arrêt n° 18/0008 du 28 octobre 2019, la cour régionale des pensions de Nîmes a, sur appel de la ministre des armées, infirmé ce jugement et déclaré irrecevable la demande de M. A....
Par une décision n° 436673 du 21 juillet 2022, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions de Nîmes du 28 octobre 2019 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Toulouse.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 20 novembre 2018 et le 30 août 2019 et, après cassation, des mémoires, enregistrés le 26 septembre 2022, les 1er août et 29 septembre 2023 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 27 octobre 2023, la ministre des armées demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 2018 par lequel le tribunal départemental des pensions du Gard a condamné l'Etat à payer à M. A... une pension au taux de 40 % à compter de sa demande de pension du 29 juillet 2015 ;
2°) de constater que M. A... n'était pas recevable à contester la décision du 29 août 2016 refusant à nouveau un droit en pension pour les infirmités résultant d'un accident de la route, cette décision n'étant que purement confirmative de la décision du 22 juin 1976 régulièrement notifiée et devenue définitive.
Elle soutient que :
- son recours, signé par le sous-directeur des pensions, qui disposait, à cet effet, d'une délégation de signature régulièrement publiée, est recevable ;
- le jugement attaqué, qui ne vise, ni ne cite aucun texte juridique, est irrégulier ;
- la requête, présentée par M. A..., devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité était tardive dans la mesure où a été versée aux débats la preuve de la notification, le 9 juillet 1976, du premier refus de droits à pension, qui lui a été opposé le 22 juin 1976 ;
- en l'absence de titre de permission, l'accident sur la voie publique qu'a subi M. A... ne saurait être regardé comme un accident de trajet ;
- en outre, en montant dans le véhicule conduit par un sergent-chef en état d'imprégnation alcoolique, M. A... a commis une imprudence.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 juillet et le 12 septembre 2019, et, après cassation, les 6 juin, 5 septembre et 16 octobre 2023, M. A..., assisté par sa curatrice, l'association tutélaire de gestion du Gard, et représenté par Me Mattler, conclut à la confirmation du jugement de première instance, au rejet de la requête, et à la condamnation de l'Etat au paiement de cette pension et des arrérages à compter de la 3ème année précédant la date du dépôt de sa demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve, pour son conseil, de renoncer à la part contributive allouée au titre de la mission d'aide juridictionnelle et les entiers dépens.
Il fait valoir que :
- l'appel est irrecevable, faute pour son signataire de justifier d'une qualité pour agir et signer le recours ;
- l'appel, en tant qu'il n'a contesté la recevabilité de sa demande de pension que postérieurement au jugement avant-dire droit de première instance rendu le 14 avril 2017, retenant, au contraire, la recevabilité de cette demande et ordonnant une expertise, est partiellement tardif ;
- le jugement du tribunal départemental des pensions du Gard, qui s'est implicitement mais nécessairement fondé sur l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, est régulier ;
- sa demande de pension, présentée le 20 juillet 2015, est recevable, l'accusé de réception produit par la ministre des armées, par note en délibéré devant la cour régionale des pensions de Nîmes, ne saurait valoir notification d'une décision du 22 juin 1976 rejetant une première demande, qu'il n'a, au demeurant, jamais présentée, et ce, en raison de l'absence de mention du nom de l'expéditeur, du nom du bureau de poste, de la nature même du document, qui ne précise pas le type de courrier auquel il se rapporte et enfin de la référence " LYON R.P 7 504 ", qui ne correspond pas au courrier censé rejeter la demande de pension ;
- en l'absence de notification de la décision du 22 juin 1976, la décision rejetant la demande présentée le 20 juillet 2015, ne saurait être regardée comme confirmative et est donc susceptible de recours ;
- contrairement à ce que soutient la ministre des armées, l'accident de la voie publique qu'il a subi a eu lieu sur le trajet le ramenant à l'hôtel des sous-officiers et doit être regardé comme un accident éprouvé à l'occasion du service au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- au surplus, la présomption d'imputabilité au service peut également être retenue en application de l'article L. 3 du même code dès lors qu'il a été blessé avant d'être renvoyé dans ses foyers ;
- le conducteur étant son supérieur hiérarchique, son imprudence à être monté dans le véhicule ne saurait être retenue ;
- eu égard à la circonstance qu'il présente des infirmités orthopédiques et des séquelles neurologiques en lien direct avec l'accident subi, c'est à bon droit que le tribunal des pensions militaires d'invalidité a retenu un taux global d'invalidité de 40%.
Par une ordonnance du 18 octobre 2023, la date de clôture d'instruction a été reportée au 30 novembre 2023.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre puis le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n°59-327 du 20 février 1959 ;
- le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 modifié par le décret n°2013-810 du 9 septembre 2013 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... s'est engagé, le 22 septembre 1970, dans l'armée française et, sous-officier d'infanterie de marine, avec le grade de sergent, a été victime d'un accident de la circulation, le 4 septembre 1974, au Mans (Sarthe). Gravement blessé, il a fait l'objet d'une hospitalisation au centre hospitalier du Mans et a été transféré au centre hospitalier universitaire de Tours. Souffrant de séquelles orthopédiques et neurologiques et les estimant en lien direct avec cet accident de la voie publique, il a sollicité, le 20 juillet 2015, l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de quatre infirmités. Par une décision du 29 août 2016, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que, le 22 juin 1976, en réponse à une première demande du 9 juin 1975, lui avait déjà été opposée une décision de rejet, qu'il n'avait pas contestée dans le délai de recours de six mois. M. A... a alors demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler cette décision et d'ouvrir, en conséquence, ses droits à pension militaire d'invalidité à compter de la date de sa demande. Le tribunal, après un jugement avant-dire droit du 14 avril 2017 ayant ordonné une expertise, a condamné l'Etat à payer à M. A... une pension pour une invalidité fixé au taux de 40 %, à compter de sa demande de pension du 29 juillet 2015. Sur appel de la ministre des armées, la cour régionale des pensions de Nîmes a, par un arrêt du 28 octobre 2019, retenu, au regard d'une notification ayant eu lieu le 9 juillet 1976, le caractère définitif de la décision du 22 juin 1976 qui faisait obstacle à toute nouvelle demande présentée au titre des mêmes infirmités et a infirmé le jugement du tribunal départemental des pensions militaires du Gard. A la suite du pourvoi en cassation de M. A..., formé le 12 décembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
En ce qui concerne la qualité pour agir du signataire du recours en appel :
2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 modifié par décret du 9 septembre 2013 régulièrement publié, relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, (...) ".
3. Il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites par la ministre que M. C..., administrateur civil hors cadre, a été renouvelé, par un arrêté du 1er juin 2017, régulièrement publié au journal officiel de la République française, le 3 juin suivant, dans ses fonctions de sous-directeur des pensions au sein du service de l'accompagnement professionnel et des pensions de la direction des ressources humaines du ministère des armées, pour une durée de deux ans à compter du 1er juillet 2017. En outre, selon l'article 22 de l'arrêté du 20 avril 2012 modifié portant organisation de la direction des ressources humaines du ministère de la défense, dans ses dispositions applicables au litige, régulièrement publié au journal officiel de la République française, la sous-direction des pensions est chargée, en matière contentieuse, d'enregistrer, engager et suivre en première instance et, en appel, les dossiers relatifs au contentieux des pensions militaires d'invalidité. Il suit de là que le sous-directeur des pensions avait qualité pour signer, le 26 novembre 2018, le recours en appel au nom de la ministre des armées. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le recours serait irrecevable faute pour son auteur d'avoir qualité pour agir au nom de la ministre.
En ce qui concerne la tardiveté du recours :
4. D'autre part, en application de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé. Selon l'article R. 732-1 du même code, la procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives. Enfin, aux termes de l'article R. 811-6 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. ".
5. Contrairement à ce que fait valoir M. A..., le jugement avant-dire droit du 19 avril 2017, qui a déclaré sa requête recevable et ordonné une expertise, n'a pu faire courir le délai de deux mois prévu à l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui, en vertu de l'article R. 811-6 du code de justice administrative, applicable au contentieux des pensions militaires d'invalidité, dans le silence des textes, ne commence à courir qu'à compter du jugement se prononçant définitivement sur le bien-fondé d'un litige. Dans ces conditions, et dès lors qu'à la date de l'introduction de l'instance d'appel, le 26 novembre 2018, le délai de recours contre le jugement définitif du tribunal départemental des pensions du Gard, rendu le 12 octobre 2018, n'était pas expiré, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté partielle des conclusions de la ministre des armées ne peut, en tout état de cause, qu'être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application.
7. Or, le tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité du Gard s'est prononcé sur le droit à pension en estimant les infirmités de M. A... imputables au service et en homologuant le rapport de l'expertise, ordonnée avant-dire droit, le 19 avril 2017, ayant retenu un taux de 40%, sans faire mention, ni dans ses visas ni dans ses motifs, des textes sur lesquels il se fondait. Il suit de là que, comme le soutient la ministre des armées, le jugement est entaché d'irrégularité.
8. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité du Gard.
Sur le droit à pension :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de pension, présentée, le 20 juillet 2015, par M. A... :
9. D'une part, aux termes de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, en vigueur à la date de la décision du 22 juin 1976, et désormais repris à l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " L'intéressé peut, dans un délai de six mois, se pourvoir devant le tribunal des pensions contre la décision prise en vertu soit du premier alinéa, soit du dernier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. ".
10. Le délai de recours contre une décision individuelle prise sur une demande de pension militaire d'invalidité commence, en principe, à courir à compter de la notification de cette décision. Il n'en va autrement que dans l'hypothèse où un demandeur a saisi le juge des pensions d'un recours tendant à l'annulation d'une décision refusant de réviser une pension militaire d'invalidité en tant qu'elle est relative seulement à certaines des infirmités visées par sa demande de pension, le délai de recours contre cette décision en tant qu'elle concerne la ou les autres infirmités court, dans ce cas, au plus tard, à compter de l'introduction de son recours initial.
11. Si l'administration soutient, comme elle l'a opposé dans la décision du 29 août 2016, qu'en réponse à la première demande de pension d'invalidité, que M. A... aurait déposée, le 10 juin 1975, et qui n'est pas versée aux débats, une décision de rejet, énoncée le 22 juin 1976, lui aurait été notifiée, le 9 juillet 1976, il résulte toutefois de l'instruction que si cette décision de rejet comportait la mention des voies et délais et notamment la citation de l'article 5 du décret du 20 février 1959 cité au point 9, l'avis de réception produit par le ministre des armées, comportant la référence " Lyon RP7504 ", ainsi qu'une mention manuscrite rajoutée faisant référence à la décision de rejet, ne mentionne ni l'expéditeur, ni le bureau de destination postal et ne précise pas davantage le type de courrier expédié à M. A... à une adresse dans le département de l'Ardèche, celle à laquelle il sera domicilié à compter de sa radiation des contrôles et de l'armée active, quatre ans plus tard, alors qu'il est à cette date, selon le feuillet nominatif de contrôle répertoriant les services et mutations, versé au dossier, affecté au sein du groupement d'instruction des troupes marines de Fréjus (Var) et ne saurait, en conséquence, valoir établir une notification de la décision de rejet à M. A..., lequel conteste, en outre, en être le signataire, la signature portée sur le document n'étant pas identique à celle qui figure sur d'autres documents que ce dernier a versés au dossier. Dans ces conditions, à défaut d'une notification régulière, le délai de six mois prévu à l'article 5 du décret 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions alors en vigueur n'a pu commencer à courir, l'intéressé n'ayant été informé de l'existence de cette décision que le 29 août 2016, date à laquelle la décision de rejet, qui ne saurait être regardée comme confirmative, a été opposée à sa demande de pension, déposée le 10 juin 2015. Ainsi, le 30 septembre 2016, à la date de l'introduction de sa requête, le délai de six mois, prévu par le décret du 20 février 1959 puis par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, n'était pas expiré. La demande de M. A... devant le tribunal départemental des pensions du Gard était donc recevable.
En ce qui concerne l'imputabilité au service de l'accident survenu le 4 septembre 1974 :
12. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : Ouvrent droit à pension :1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient.
13. En outre, lorsque, comme en l'espèce, le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il lui incombe d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques.
14. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport circonstancié du lieutenant commandant provisoirement la compagnie de commandement d'appui et des services du 2ème régiment d'infanterie de marine, rédigé le 9 septembre 1974, que le sergent A..., à l'issue de la prise d'armes organisée à l'occasion de la commémoration des combats de Bazeilles, regagnait, le 4 septembre 1974 vers 2 heures du matin, l'hôtel des sous-officiers du Mans (Sarthe) et a été victime, alors qu'il était passager avant d'un véhicule privé conduit par son supérieur hiérarchique, d'un accident de la voie publique, le conducteur ayant perdu le contrôle du véhicule, lequel a heurté violemment un mur d'une banque. Le même rapport indique que si M. A... ne détenait pas de titre de permission, il était en situation régulière et l'avis sur l'imputabilité au service, émis par le bureau compétent, n'a pas retenu la situation de quartier libre mais le fait détachable du service au regard d'une faute personnelle du militaire. Face à ces éléments, la ministre des armées n'est pas fondée à opposer, d'une part, la circonstance que l'intimé devait être réputé, sans autre précision, en position de quartier libre à l'heure à laquelle s'est produit l'accident, alors que l'obligation de service résultait de la cérémonie de commémoration des combats de Bazeille ayant eu lieu quelques heures auparavant et qu'il regagnait avec son supérieur hiérarchique le lieu d'hébergement des sous-officiers du régiment et ne peut davantage invoquer, d'autre part, sans se référer à un ordre manifestement illégal, la seule imprudence de M. A... à monter dans un véhicule civil conduit par un sergent-chef en état d'ébriété, condamné, le 28 avril 1976, à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis assortie d'une interdiction de solliciter le permis de conduire pendant dix-huit mois, dès lors qu'il s'agissait du supérieur hiérarchique de l'intéressé. Il suit de là qu'aucune circonstance n'est de nature à détacher l'accident du service de sorte que l'imputabilité au service de l'accident subi par M. A... le 4 septembre 1976 doit être retenue.
En ce qui concerne les infirmités :
15. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de pension de M. A... : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...). ". Selon l'article L. 9 du même code, alors en vigueur : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 14 de ce code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. (...)".
16. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise, ordonnée par le tribunal départemental des pensions du Gard, que M. A..., victime, lors de l'accident de service, survenu le 4 septembre 1976, d'un traumatisme crânien avec coma vigile et fracture ouverte de la diaphyse fémorale, traitée par enclouage centro-médullaire, est atteint, d'une part, de séquelles orthopédiques liées à un raccourcissement du membre inférieur gauche avec boiterie mixte de type Trendelenbourg et chute de l'épaule gauche à la marche et, d'autre part, des séquelles neurologiques liées au syndrome subjectif des traumatisés crâniens.
17. Selon l'avis du sapiteur, chirurgien orthopédique, que l'expert s'est approprié, le degré d'invalidité, doit être fixé, s'agissant des infirmités orthopédiques, au taux, au demeurant, non contesté, de 20%. Par ailleurs, si en fixant un taux global de 35% pour l'ensemble des infirmités dont est atteint M. A..., l'expert est réputé avoir implicitement mais nécessairement fixé un taux de 15%, s'agissant des infirmités neurologiques, ce taux doit être porté à 20% s'agissant de ces dernières séquelle, en application des dispositions citées au point 15, et conformément à l'avis de la commission de réforme, dans la mesure où les séquelles en lien avec le traumatisme crânien, incluent, au demeurant, des symptômes neurovasculaires, à savoir des céphalées postérieures, des sensations de vertige avec état nauséeux, ainsi que des troubles liés à une amnésie antérograde. Ainsi, le taux global d'invalidité doit être fixé à 40%.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que la décision du 29 août 2016 du ministre des armées refusant de lui accorder une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités dont il est atteint est entachée d'erreur d'appréciation et à en demander l'annulation.
Sur la demande de liquidation de la pension et le paiement des rappels des arrérages :
19. Aux termes de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages, afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures. ".
20. D'une part, M. A... a droit à pension militaire d'invalidité sur la base d'un taux de 40 % à compter du 20 juillet 2015, date de sa demande. D'autre part, compte tenu du délai entre la date de l'accident de service et la date de sa demande, le 20 juillet 2015, et en application des dispositions précitées l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur, les droits de M. A... au rappel des arrérages de sa pension se limitent, conformément, au demeurant, à sa demande, à la période postérieure au 1er janvier 2012.
21. Il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées d'accorder à M. A... cette pension d'invalidité et le rappel des arrérages, selon les conditions définies au point précédent et dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
22. D'une part, les frais de l'expertise ordonnée, le 14 avril 2017 par le tribunal départemental des pensions du Gard, sont mis à la charge définitive de l'Etat.
23. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mattler renonce à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Mattler de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 16/00017 du 12 octobre 2018 du tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité du Gard est annulé.
Article 2 : La décision du 29 août 2016 par laquelle la ministre des armées a refusé d'accorder à M. A... une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités orthopédiques et neurologiques en lien avec l'accident de service subi le 4 septembre 1974 est annulée.
Article 3 : M. A... a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 40% au titre des infirmités orthopédiques et neurologiques.
Article 4 : L'Etat versera les arrérages d'une pension militaire d'invalidité au taux de 40% à M. A... pour la période postérieure au 1er janvier 2012 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 14 avril 2017 sont mis à la charge de l'Etat.
Article 6 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Mattler en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants, à M. B... A... et à Me Mattler.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL21661 2