Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 2106098 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Brel demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991sous réserve que Me Brel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait tirée de ce que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'est pas devenue définitive ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne lui a pas été valablement notifié ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant ne sont fondés.
Par ordonnance du 30 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 août 2024.
Par décision du 25 août 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lasserre, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né à Kinshasa le 12 février 1977, déclare être entré sur le territoire français le 8 février 2020. Le 30 juin 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Par un arrêté pris le 24 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Par sa requête, M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". En vertu de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. ". Enfin, aux termes de l'article R. 531-19 de ce même code : " La date de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui figure dans le système d'information de l'office, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire. ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
3. M. B... soutient que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile ne lui ayant pas été régulièrement notifiée, il bénéficiait toujours du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de la décision attaquée et ne pouvait donc faire l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français. Il ressort des mentions portées sur l'application TelemOfpra, lesquelles font foi jusqu'à preuve contraire, que la décision de rejet prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été notifiée à M. B... le 7 juillet 2021 et que l'intéressé n'a pas présenté de recours devant la Cour nationale du droit d'asile dans le délai légal. Il ressort également de ces mêmes mentions, ainsi que d'autres attestations produites par l'intéressé, que M. B... a élu domicile au centre intercommunal d'action sociale au 4 rue de la République à Saint-Gaudens depuis le 16 novembre 2020. Or, il ressort de la décision de rejet prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que cette dernière ne lui a pas été notifiée à l'adresse indiquée sur l'application telemOfpra mais au 47 avenue de L'Isle à Saint-Gaudens, le pli étant, au demeurant, retourné à l'office avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Par suite, la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne peut être regardée comme ayant été régulièrement notifiée au requérant. Dès lors, à la date d'édiction de l'arrêté en litige du 24 septembre 2021, M. B... bénéficiait toujours du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, le préfet a commis une erreur de droit en l'obligeant à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. La mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. B... étant entachée d'illégalité, la décision prise par le préfet de Haute-Garonne fixant le pays de destination se trouve dépourvue de base légale.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Il est par suite fondé à demander l'annulation de ce jugement et de l'arrêté pris à son encontre le 24 septembre 2021 par le préfet de la Haute-Garonne.
Sur les conclusions en injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. /La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
7. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 24 septembre 2021 du préfet de la Haute-Garonne obligeant M. B... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, n'implique pas nécessairement qu'il soit ordonné au préfet de délivrer à l'intéressé un titre de séjour. En revanche, cette annulation implique nécessairement que, par application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas et sur son droit au séjour au vu des motifs de la présente décision. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de l'intéressé, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
8. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut donc se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Brel, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Brel de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2106098 du 15 décembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. B... à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Sous réserve que Me Brel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me Brel une somme de 1200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à Me Brel, au préfet de la Haute-Garonne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président-assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21941