La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2024 | FRANCE | N°23TL01704

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 03 décembre 2024, 23TL01704


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2202217 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de

Mme B... tendant à l'annulation de cette décision.



Procédure devant la cour :



Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2202217 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202217 du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'intervention de l'arrêt de la cour ;

3°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de sa demande de certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de l'intervention de l'arrêt de la cour et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat à verser à son conseil une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une incompétence de l'auteur de l'acte compte tenu du caractère trop général de la délégation de signature consentie à M. Laurent, secrétaire général ;

- l'arrêté du préfet est insuffisamment motivé et se trouve entaché d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation dès lors que l'intérêt supérieur de ses enfants, qui sont scolarisés en France, n'a pas été pris en considération et que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas visé ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dans la mesure où il retient à tort qu'elle a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie alors qu'elle a résidé en Allemagne entre 2013 et 2017 et qu'elle est entrée en France en novembre 2017 où elle vit depuis lors, ainsi qu'elle en justifie ; elle a, à la suite de son mariage en 2013, rompu les liens avec sa famille restée en Algérie ; ses enfants sont scolarisés en France ;

- elle remplit les critères de régularisation fixés par la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dès lors qu'elle réside en France depuis cinq ans, et que son fils aîné y est scolarisé depuis plus de quatre ans ;

- l'arrêté porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- cet arrêté porte également atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants au regard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense du 12 septembre 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 23 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme A... B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- et les observations de Me Brulé substituant Me Ruffel, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., de nationalité algérienne, née le 4 mars 1984, est entrée en France irrégulièrement en novembre 2017 selon ses déclarations. Elle a déposé auprès de la préfecture de l'Hérault une demande de certificat de résidence le 22 juillet 2021 au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 21 septembre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à cette demande, a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

2. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2021.

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault en vertu d'une délégation qui lui a été consentie à cet effet par l'arrêté du préfet de l'Hérault n° 2021-I-809 du 19 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Cet arrêté donne au secrétaire général délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'État dans le département de l'Hérault, à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre et de la réquisition des comptables publics. Le second alinéa de l'article 1er de cet arrêté précise en outre que cette délégation comprend les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Compte tenu de sa précision et des exceptions qu'elle prévoit, cette délégation n'est pas d'une portée trop générale, contrairement à ce que l'appelante persiste à soutenir en appel. Le moyen tiré du vice d'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les textes que le préfet a appliqués et mentionne les considérations de fait sur lesquelles il se fonde. Il fait notamment état, compte tenu des éléments portés à la connaissance du préfet, de la situation personnelle et familiale de Mme B... tenant en particulier à la présence sur le territoire français de ses trois enfants. Il expose les raisons pour lesquelles, compte tenu de l'absence de preuve de ce que M. B... résiderait continûment en France depuis 2017, il était opposé à ce dernier un refus de certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et il était considéré que ce refus ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du certificat de résidence doit être écarté, alors même que l'arrêté litigieux ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Doit être également écarté pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux par le préfet de la situation personnelle de Mme B....

5. En troisième lieu, il résulte des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 que le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : " au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Mme B... a indiqué, dans sa demande de titre de séjour du 22 juillet 2021, mais sans l'établir, être entrée en France le 1er novembre 2017 et vivre seule avec ses trois enfants à charge. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges et comme le fait valoir le préfet en défense, sans contestation à cet égard de l'appelante, que Mme B... était, à la date de la décision attaquée, domiciliée avec son époux au centre communal d'action sociale de Montpellier. Or il ressort des pièces du dossier que son conjoint se trouvait également en situation irrégulière et que la famille ne disposait, à la date de la décision attaquée, ni d'une résidence stable ni de ressources et qu'elle ne justifiait pas non plus d'une insertion particulière en France. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... serait dépourvue de liens familiaux en Algérie, son pays d'origine dans lequel elle pourra retourner avec sa famille. Dans ces conditions, alors même qu'à la date de la décision attaquée, deux de ses enfants, nés en 2014 et en 2017, étaient scolarisés en France, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait en relevant que Mme B... a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie dès lors que, étant née en 1984, elle avait quitté son pays pour rejoindre d'abord l'Allemagne en 2013.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. En l'espèce, la seule circonstance selon laquelle deux des enfants de Mme B... sont scolarisés en France n'est pas de nature à caractériser une atteinte, au sens des stipulations précitées, à l'intérêt supérieur de ces enfants dès lors que la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à la poursuite leur scolarité en Algérie.

10. En dernier lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision en litige, des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, laquelle, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, se borne à énoncer des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El-Gani Laclautre première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL01704 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01704
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;23tl01704 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award